N’a-t-on pas déjà tout dit et tout fait autour du personnage de Sherlock Holmes, au cinéma, à la télévision et partout ailleurs ? Ce n’est pas l’avis de Bill Condon qui explore, avec Mr. Holmes une piste plutôt rare, il est vraie. On connaît bien les débuts du détective privé, mais beaucoup moins sa fin : cette adaptation au cinéma d’un roman de Mitch Cullin publié il y a une dizaine d’années, s’intéresse ainsi au vieillard qui n’est plus que l’ombre du grand Sherlock. Watson, Mycroft et tous les autres sont morts, il ne reste plus qu’un vieil homme de 93 ans, qui approche à grand pas de la sénilité et commence à perdre la tête. Il faut bien reconnaître que c’est un excellent point de départ… mais Mr. Holmes n’en fait pas grand-chose. Le film est plaisant, notamment grâce au talent de son interprète principal, mais il ne restera pas dans les annales.
Sherlock Holmes, c’est un formidable sens de l’observation et de la déduction, une capacité incroyable pour comprendre n’importe quelle situation et deviner d’un seul coup d’œil ce qui se trame. C’est tout ceci qui en fait un détective privé extrêmement performant, mieux, une légende. Mais à 93 ans, l’homme n’est plus que l’ombre de lui-même : frappé par des pertes de mémoire, il doit noter les prénoms de ceux qui l’entourent sur les manches de ses chemises. Autant dire qu’il n’est plus capable de résoudre quoi que ce soit et pire encore, il ne se souvient même plus de ses enquêtes passées. La seule chose qui lui reste, ce sont les aventures racontées par Watson, mais il sait très bien qu’elles sont romancées, loin de la réalité. Le portrait dressé par Bill Condon est assez radical et Mr. Holmes passionne par ce point de départ : que reste-t-il à Sherlock Holmes, s’il ne peut plus être un détective ? Quand le film commence, le vieillard rentre chez lui en train, non pas à Londres, mais dans la campagne au sud de l’Angleterre, où il est resté en solitaire depuis une trentaine d’années, accompagné d’une servante et de ses ruches. C’est un homme diminué, manifestement au terme de sa longue vie, pressé d’en finir. Mais avant de mourir, il veut se souvenir de sa dernière affaire, cet échec qui l’avait conduit à sa retraite. Le récit fait par Watson est héroïque, mais il sait qu’il est faux et il essaie de se souvenir pourquoi.
Le scénario se déroule ainsi essentiellement en 1947, alors que Sherlock Holmes atteint la fin de sa vie, mais il remonte aussi le temps, jusqu’aux années 1910. Même si Bill Condon tient dans l’ensemble la promesse de présenter le vieux détective, son long-métrage le montre aussi en activité, avec sa légendaire perspicacité qui refait surface le temps d’une scène, à Baker Street. De fait, Mr. Holmes commence très simplement, mais l’intrigue se complexifie assez vite, au fil des flashbacks qui entremêlent plusieurs récits. On a donc une enquête en bonne et due forme, mais elle reste secondaire, derrière cette idée centrale de la perte de mémoire et de la vieillesse. Chez lui, Sherlock se lie d’amitié avec Roger, le fils de sa servante. Ce garçon fait preuve d’une admiration sans borne pour le détective, mais aussi d’une aptitude d’observation et de déduction rare. Ensemble, ils remontent le temps et le détective lui apprend ses trucs, pour enquêter, mais aussi pour s’occuper des ruches. À l’arrivée, Mr. Holmes multiplie les pistes et les idées, mais il n’en ressort pas grand-chose. Ian McKellen est parfait en vieux Sherlock et il est convaincant à 93 ans, grimé avec d’énormes rides, ou trente ans avant, quand il incarne le détective encore en activité. Mais il faut bien le dire, sans l’acteur, Bill Condon n’aurait rien à faire valoir et si l’on ne s’ennuie pas, c’est à la fois parce que le film est assez court, et surtout parce que l’interprétation reste exceptionnelle.
Mr. Holmes opte pour un angle très original et renouvelle à cet égard la longue liste d’œuvres basées sur le personnage de Sherlock Holmes. Malheureusement, le long-métrage n’exploite pas suffisamment cette piste et hésite sans doute trop entre les époques. Au fond, avait-on vraiment besoin de revenir trente ans en arrière ? Le scénario donne un petit peu l’impression de ne pas assumer son idée de base, ce qui est dommage. Néanmoins, Bill Condon peut compter sur un acteur d’exception pour maintenir l’intérêt, et on ne s’ennuie pas. C’est déjà ça, mais Mr. Holmes promettait beaucoup plus sur le papier.