Mythic Quest : Le Festin du Corbeau est une sitcom qui se déroule essentiellement dans un bureau, ce qui est l’une des catégories de séries les plus courantes. Mais pour renouveler un petit peu les choses, la création originale d’Apple TV+ se déroule dans un studio qui conçoit des jeux vidéo, et ce n’est pas qu’une excuse. Rob McElhenney, Charlie Day et Megan Ganz ont travaillé avec Ubisoft pour renforcer la crédibilité de leur série et le résultat est très documenté. Au point même que si vous ne connaissez pas du tout cet univers, vous vous sentirez peut-être un peu perdus. La première saison de Mythic Quest : Le Festin du Corbeau mérite toutefois le détour, avec un bon équilibre entre l’humour de sitcom parfois un peu facile, des personnages bien construits et même une pointe d’émotion bien trouvée. Dans l’ensemble, une belle réussite.
Dans l’univers de cette série, Mythic Quest est le jeu massivement en ligne le plus populaire au monde et ses créateurs sont sur le point de sortir une nouvelle extension, Raven’s Banquet. C’est un événement dans le monde du jeu vidéo et les trois créateurs de la série imaginent le quotidien chaotique du studio qui l’a créé. Chaotique, c’est le mot, avec un lancement qui est quasiment retardé à cause… d’une pelle qui ne colle pas tout à fait aux désirs d’Ian, le directeur artistique. Comme toute sitcom, Mythic Quest : Le Festin du Corbeau se concentre sur quelques personnages clés que l’on suit pendant neuf épisodes. Il y a donc le mégalomaniaque Ian qui a imaginé le jeu et qui soumet tout le bureau à ses désirs les plus fous. Poppy dirige les développeurs pour réaliser les visions du directeur artistique, il y a aussi David qui est techniquement le patron des lieux, mais qui se contente de suivre ce qu’Ian veut. Et puis encore C.W. Longbottom, un écrivain de SF assez médiocre qui est censé écrire les trames narratives, Brad qui gère la monétisation, deux testeuses qui jouent et cherchent les bugs et enfin Jo, nouvelle assistante de David qui débute dans le pilote. Tout ce petit monde sert de pilier à l’humour, avec un mélange de comiques assez classique, mais qui fait souvent mouche. Rob McElhenney, Charlie Day et Megan Ganz parient beaucoup sur les décalages et les situations gênantes, avec de nombreuses références et private jokes qui ne seront pas forcément comprises par tout le monde. On sent que la série portée par Apple TV+ essaie de parler aux joueurs avant toute chose et de respecter leur univers. De l’importance du streaming à la Twitch jusqu’à l’omniprésence de Razer, en passant par le rôle des achats in-app et des « butins » (loot), le scénario exploite au maximum le monde du jeu vidéo, avec une recherche de sincérité qui assure à la première saison son réalisme. Et qui permet aussi de sortir assez vite des caricatures faciles des sitcoms, pour créer des personnages plus riches et intéressants. Ce n’est pas forcément (encore) le cas de tous, mais le parcours d’Ian — incarné par Rob McElhenney —, est bien mené, tout comme celui de Poppy (Charlotte Nicdao) à ses côtés. Et puis Mythic Quest : Le Festin du Corbeau s’offre même le luxe d’aller sur le terrain de l’émotion, notamment grâce à un très bon épisode, un peu à l’écart du reste de la saison. La surprise mérite d’être gardée, mais on ne s’attendait pas à retrouver ce ton dans cette sitcom par ailleurs assez conventionnelle et c’est une bonne chose. Ajoutez à cela une bonne dose de critiques parfois acerbes, notamment sur la place des femmes dans le monde du développement, et vous obtenez une série bien plus riche qu’on ne pouvait le croire.
Apple TV+ a déjà renouvelé la série pour une deuxième saison. Espérons que le bon niveau soit maintenu et que les scénaristes continuent d’enrichir leurs personnages pour leur offrir une vraie personnalité, mais Mythic Quest : Le Festin du Corbeau vaut déjà bien la peine d’être vue. C’est une sitcom qui se construit sur les relations entre collègues, certes, et la création de Rob McElhenney, Charlie Day et Megan Ganz respecte les codes du genre. C’est drôle, mais pas seulement : le monde du jeu vidéo lui apporte une vraie originalité et ce n’est pas un saupoudrage facile. Bien au contraire, la série fait le maximum pour plonger ses spectateurs dans cet univers et c’est un pari réussi. Vivement la suite !
Mythic Quest, saison 2
(14 août 2021)
Retardée à plusieurs reprises à cause de la pandémie de Covid-19, la deuxième saison de Mythic Quest — qui a perdu au passage son sous-titre — est enfin arrivée sur Apple TV+. Entre temps, le service de streaming avait tenté de combler l’attente avec des épisodes intermédiaires différents, dont un réalisé uniquement en visioconférence et fort réussi en dépit du défi que cela représentait. La première saison avait séduit par son humour de sitcom de bureau renouvelé par le choix du jeu vidéo. Dans cette suite, on s’éloigne un petit peu de la technique1 pour mieux se concentrer sur les personnages, car c’est après tout le plus important dans une série. Chaque acteur principal a le temps de creuser la fiction qu’il incarne et c’est une excellente chose, avec des personnages qui peuvent s’éloigner peu à peu des caricatures initiales. Mention spéciale dans cette saison pour C.W. Longbotton, l’écrivain médiocre qui écrit les histoires pour le studio fictif. D’abord présent uniquement à travers des écrans pour préserver la santé de l’acteur, il bénéficie de deux épisodes centrés sur lui, dont un qui remonte dans le temps pour explorer son passé, sur le modèle de l’épisode rétrospectif de la première saison. Une nouvelle fois, Mythic Quest prouve qu’elle peut manier l’humour aussi bien que l’émotion et c’est à nouveau réussi.
On ne sait pas encore si Mythic Quest aura un avenir, mais les scénaristes ont judicieusement opté pour une fin qui obligera la série à partir sur d’autres voies si elle doit continuer. Une bonne manière de ne pas tourner en rond et de se forcer à se réinventer. En attendant de savoir si la série d’Apple TV+ sera renouvelée, on peut recommander cette sitcom qui sort du lot avec son humour entrecoupé d’émotions et son rythme plus lent qui privilégie la construction de personnages crédibles aux blagues faciles.