The Nest, Filipe Matzembacher et Marcio Reolon

The Nest se présente comme une mini-série brésilienne composée de quatre épisodes de 25 minutes. Un choix surprenant, pour ce qui est bien plus un long-métrage d’environ 1h40. C’est aussi une œuvre surprenante, un bref séjour dans les rues de Porto Allègre pour un jeune gay qui a abandonné l’armée, une parenthèse enchantée autour du souvenir d’un frère disparu, mais sans véritable but. Filipe Matzembacher et Marcio Reolon ne cherchent pas à raconter une histoire pleine de rebondissements et il faut accepter de se laisser porter sans véritable but. Mystérieux et charmant.

Dès le départ, les deux réalisateurs préfèrent entretenir soigneusement le doute, au lieu de donner les réponses habituelles que l’on se pose à chaque fois que l’on découvre un personnage. Bruno débarque avec sa tenue de militaire à Porto Allègre et il prend une chambre dans un hôtel. Il se dit en permission, mais préfère cacher sa veste au motif camouflage quand il croise deux autres militaires dans la rue. The Nest évoque aussi son frère, Leo, qu’il appelle tous les jours et qui est la vraie raison de sa venue dans la ville. Leo a fuit son foyer il y a des années de cela et a coupé les ponts, mais Bruno espère les recréer. Il y aurait là une bonne base pour écrire une série conventionnelle, mais ce n’était manifestement pas l’objectif de Filipe Matzembacher et Marcio Reolon. Si l’histoire du frère traverse les quatre épisodes comme une toile de fond, avec notamment la diffusion de plusieurs messages vocaux laissés par Bruno à Leo, ce n’est pas le principal. Les réalisateurs préfèrent se concentrer sur le parcours de leur personnage principal, jeune gay de 19 ans qui ne s’assume pas encore. L’homophobie est une thématique forte de The Nest, elle revient à plusieurs reprises dans la bouche de ses personnages et même frontalement à travers le regard de passants ou d’un voisin malveillant. La série a été diffusée en 2016, avant le gouvernement actuel qui a encore empiré la situation, mais comme partout, l’hostilité générale est palpable. Pour la contrer, Bruno rencontre d’autres jeunes lors d’une soirée et c’est le coup de foudre. Il se sent immédiatement bien avec ces gays qui s’affirment haut et fort, avec leurs coiffures colorées et leurs tenues non-genrées et peu à peu, il s’affirme davantage. Il sort de l’anonymat sur Grindr, retire sa veste militaire au profit d’un vêtement conçu par l’un des jeune, mais l’armée ne tarde pas à le retrouver et il va devoir y retourner et terminer son service. N’était-ce qu’une parenthèse enchantée ? The Nest évite de répondre aux questions et préfère parier sur l’ambiance et une mise en scène très esthétique, avec une inspiration assez nette et plutôt maîtrisée du côté de Xavier Dolan, avec un jeu important sur les couleurs. On ne sait même pas ce qu’il est arrivé à Leo, pas plus qu’on apprend comment le retour à l’armée se déroule pour Bruno. Les scénaristes privilégient les moments pleins de mystère, à l’image de cette séquence dans le deuxième épisode où Bruno et deux de ses amis sont sortis du lit par un voisin de l’hôtel de 74 ans qui leur propose du café. Ses intentions semblent moins louables et dans une autre histoire, cela aurait peut-être mal tourné, mais ici c’est juste l’occasion d’une parenthèse étrange de plus.

The Nest ne cherche pas la facilité en suivant les pistes scénaristiques évidentes et en répondant aux questions que tout le monde se pose inévitablement. Cette volonté de ne jamais aller là où on l’attend peut être frustrante, mais il faut accepter de se laisser prendre par l’ambiance et on découvre alors une œuvre contemplative très plaisante. Filipe Matzembacher et Marcio Reolon tracent leur propre voie et si vous y adhérez, The Nest mérite amplement d’être vue.