La Neuvième Porte, Roman Polanski

Adapté d’un roman d’Arturo Pérez-Reverte, La Neuvième Porte se présente comme un thriller fantastique, une enquête divertissante autour d’un livre qui aurait été écrit par Lucifer en personne. Au départ, une banale enquête pour prouver l’authenticité d’un livre du XVIIe siècle qui se transforme en course contre la montre et en une série de cadavres. Roman Polanski patiente pour introduire le fantastique et ce polar assez conventionnel tombe alors dans un étonnant kitsch que son créateur souhaité plein de dérision, mais qui reste surtout ridicule. À l’arrivée, La Neuvième Porte n’est pas déplaisant, mais il ne propose pas grand-chose de mémorable et certainement pas son final raté.

La scène d’ouverture a le mérite de poser une ambiance pleine de mystère. En silence, la caméra présente un homme en train de finir une lettre, puis il se lève et avance jusqu’à la corde accrochée au plafond et il se suicide. Roman Polanski ne donne aucune explication et lance dans la foulée le long générique d’ouverture et le scénario n’expliquera que plus tard ce qui s’est passé, mais l’ambiance est bien posée. La Neuvième Porte installe ensuite son histoire principale à base d’un livre de démonologie écrit en 1666 par un italien brulé dans la foulée à cause de l’ouvrage. Il ne reste que trois exemplaires du livre en question et la rumeur veut que Lucifer en personne a participé en dessinant quelques-unes des gravures qu’il compte. Dean Corso, spécialiste des livres anciens et arnaqueur de clients ignares, est chargé par le propriétaire de l’un des trois livres de s’assurer de son authenticité en comparant l’exemplaire aux deux autres. Commence alors une enquête parsemée dès le départ de cadavres. L’idée principale du film, et probablement du roman d’ailleurs, est d’introduire très progressivement le fantastique. On commence avec une trame très sérieuse, avec une sorte de guerre entre collectionneurs pour constituer la bibliothèque la plus exhaustive et obtenir les livres les plus rares qui soient. Mais petit à petit, cet ouvrage supposément écrit par Lucifer que le personnage principal — tout comme le spectateur — ne prend pas trop au sérieux devient de plus en plus réel. Par petites touches, Roman Polanski amène des choses inexplicables dans l’histoire, à l’image de cette mystérieuse jeune femme volante, jusqu’à la fin complètement dans le fantastique. Du moins, ça c’est la théorie. En pratique, le réalisateur expliquait à l’époque que la sorcellerie ne l’intéressait pas du tout et qu’il voulait susciter de la dérision à l’égard du fantastique. De fait, le traitement est souvent ridicule et on ne croit jamais sérieusement à cette histoire diabolique, à tel point même que l’on finit par se désintéresser de tout. Du personnage principal qui ne semble vivre aucune émotion (Johnny Depp est pourtant très bien, mais les choix du réalisateur ne l’ont pas aidé) au final à la limite de l’absurde tant il est rapide et creux, La Neuvième Porte peine à séduire et Roman Polanski ennuie plus qu’autre chose. Et c’est dommage, parce que l’ambiance créée par ce suicide mystérieux au début était un début prometteur, mais le compte n’y est pas.

À force de ne pas traiter la composante fantastique avec sérieux, Roman Polanski a réussi à plomber son film. Le point fort de La Neuvième Porte aurait dû être cette lente introduction de l’inexplicable, et le scénario fait cela en partie, mais on sent bien que le réalisateur ne veut pas suivre cette route et la fin en est un bon exemple. Alors que l’on attendait quelque chose de spectaculaire avec l’ouverture de la neuvième porte et l’implication du diable par exemple, on a une pirouette facile et un générique qui nous laisse au milieu du suspense. Entre ce final raté et des personnages pas aussi intéressants qu’on l’aimerait, La Neuvième Porte cumule trop de défauts pour être vraiment mémorable, dommage.