The Night Manager : L’Espion aux deux visages, Susanne Bier (BBC)

Adaptée d’un roman de John Le Carré, The Night Manager : L’Espion aux deux visages1 est une mini-série en six épisodes ou plutôt un long film de près de six heures. Il fallait bien cela pour condenser le roman d’espionnage qui débute et se termine en Égypte, via la Suisse, le sud de l’Angleterre, Majorque ou encore la Turquie. L’histoire se construit autour de ventes illégales d’armes et d’un complot au sommet de l’État, entre un vendeur peu scrupuleux qui utilise la philanthropie comme couverture, la CIA et le MI:6, le tout autour d’un ancien soldat qui devient espion pour venger la mort de celle qu’il a aimé. Il y avait beaucoup de choses à faire et à montrer, mais la durée de l’œuvre permet à Susanne Bier de prendre son temps et de bien faire les choses. C’est prometteur sur le papier, mais le résultat n’est pas à la hauteur des attentes. Trop longue par moments, trop rapide à d’autres, The Night Manager : L’Espion aux deux visages souffre aussi d’interprétations trop monolithiques et de facilités d’écriture assez surprenantes pour une œuvre de John Le Carré.

L’intrigue se construit autour de Jonathan Pine, ancien soldat britannique devenu directeur de nuit dans un hôtel. Alors qu’il travaille au Caire, il tombe par hasard sur des documents compromettants contre Richard Ropper, célèbre philanthrope qui est en fait un marchand d’armes. Quelques mois après le meurtre de la femme qu’il aimait, il tombe par hasard sur lui dans un autre hôtel et il décide alors de prendre sa vengeance et de faire tomber l’organisation criminelle toute entière. Susanne Bier prend le temps de poser ses personnages et son intrigue, d’abord en Égypte puis au cœur des montagnes suisses. C’est même parfois un petit peu lent, le premier épisode notamment nécessite de la patience pour que l’on s’habitue à tous les personnages et au contexte général. Mais dès le départ, la série présente son plus gros défaut : un rythme défaillant, qui fait qu’elle est trop lente par endroits et beaucoup trop rapide à d’autres. Le héros de The Night Manager : L’Espion aux deux visages est censé aimer une femme qu’il vient juste de croiser et on n’y croit pas une seconde. Plus tard, il est censé devenir un espion infiltré au sein de l’organisation de Richard Ropper et on n’y croit pas davantage. Ces gros changements surviennent brutalement et la réalisatrice n’a pas réussi à les rendre crédible. Peut-être que le roman de John Le Carré est en faute, mais quoi qu’il en soit, c’est un souci constant dans les six épisodes. Et le problème, c’est que l’on finit par ne plus croire à rien dans cette mini-série et on se désintéresse vite de ce qui se passe. Il y a régulièrement des retournements de situation assez peu crédibles et le scénario manque souvent de finesse. Certains enchaînements sont vraiment trop faciles, avec des personnages qui sont comme par hasard au bon endroit au bon moment. Cela arrive bien trop souvent et ce ne sont pas les jeux d’acteurs très moyens qui aident. Tom Hiddleston est assez transparent dans le rôle principal, on a du mal à croire qu’il devient un agent infiltré extrêmement performant, il enchaîne les conquêtes en oubliant la précédente avec une facilité déconcertante, et il est en même temps toujours droit et intègre. Bref, son personnage n’est pas très intéressant, son interprétation encore moins. C’est aussi le cas, mais à l’inverse, pour Richard Ropper, incarné par un Hugh Laurie assez caricatural dans l’idée du mal absolu qu’il est censé incarner. La seule qui sauve un petit peu les meubles, c’est Olivia Colman, mais même elle est condamnée à un rôle trop souvent irréaliste. Ce n’est pas la réalisation assez cliché, qui enchaîne souvent les plans de carte postale, qui vient améliorer les choses, et encore moins la bande-originale lourde et omniprésente2.

The Night Manager : L’Espion aux deux visages avait manifestement l’ambition d’être un James Bond à la sauce Le Carré. Le générique est un hommage assez direct à ceux de la saga, le personnage principal coureur de jupons évoque 007, il y a même une séquence au casino et on sent cette influence traverser les six épisodes. Malheureusement, si l’idée est là, le résultat ne suit pas. La série créée par Suzanne Bier est pleine de clichés et d’incohérences et elle n’est sauvée que par durée suffisamment courte pour ne pas lasser trop tôt. Elle est même divertissante par moments, mais loin, très loin de la finesse que l’on pouvait attendre pour une adaptation d’un roman de John Le Carré. Décevant.


  1. Quelqu’un a prévenu les distributeur français que le roman original avait déjà une traduction ? Et pas une mauvaise en plus, Le Directeur de nuit. Il fallait y penser ! 
  2. Avec une musique de générique qui ressemble à une mauvaise copie de la musique de Westworld créée par Ramon Djawadi. Les deux séries datent de 2016, c’est donc une coïncidence, mais c’est malheureux.