Norsemen, Jon Iver Helgaker et Jonas Torgersen (NRK1)

Norsemen, c’est la rencontre improbable entre Vikings pour le cadre et le contexte historique, l’univers absurde des Monty Python, et les anachronismes comiques de Kaamelott. Mélangez bien tout cela et vous obtenez une série hilarante, qui va jusqu’au bout de son délire et qui impose in fine son propre univers, très original. Jon Iver Helgaker et Jonas Torgersen auraient pu éviter un faux pas sur l’homosexualité, mais on comprend pourquoi la série a eu un tel succès en Norvège, et partout ailleurs où Netflix la diffuse. Norsemen est très drôle et on a hâte d’en voir plus, d’autant que les deux premières saisons sont vraiment trop courtes. À ne pas rater si vous appréciez l’humour absurde.

L’action se déroule à la fin du VIIIe siècle à Norheim, un charmant village viking du littoral norvégien qui vit de raids menés à l’est et désormais vers l’ouest et les riches îles britanniques. Un contexte historique très classique, un cliché de l’histoire du pays, où les Vikings débarquent dans un pays pacifique et absolument pas préparé à la violence de ces hommes venus du nord. C’est une période assez sombre, en tout cas plutôt cruelle, mais dès le premier épisode, Norsemen impose son décalage. La série créée par Jon Iver Helgaker et Jonas Torgersen prend le point de vue de vikings goguenards, qui apprécient les raids comme une sortie sympathique entre amis, voire en famille. Ils tuent sauvagement les hommes et violent les femmes en groupe dans la joie et la bonne humeur… voilà en gros l’esprit de la création de NRK1. Ce décalage entre les horreurs de ce monde et le ton est un pilier de toute la série, l’humour naît souvent du contraste entre ce que l’on voit et le traitement léger. Il y a plusieurs viols et massacres, sans même parler de psychologie et de considération pour le malheur des uns ou des autres, mais c’est toujours pris à la légère, comme s’il ne s’agissait que d’une vaste plaisanterie. Rien n’est sérieux et les scénaristes s’en donnent à cœur joie, avec une bonne dose de néologismes au passage. Dans la deuxième saison, le chef espère transformer son village reconnu jusque-là pour sa violence et ses raids victorieux en un pôle artistique qui doit rayonner sur le monde entier. L’humour naît ici aussi d’un décalage, mais cette fois entre les besoins primaires de cette époque violente et dangereuse, et les envies d’un chef fantasque qui espère créer un théâtre romain et une installation d’art moderne. Une autre caractéristique commune à tous les épisodes est un traitement extrêmement sérieux des situations même les plus absurdes. On retrouve l’esprit de The Office, dans cette écriture qui suit avec un sérieux absolu des séquences totalement ridicules, et dans cette manière de générer constamment une forme de malaise et d’en jouer. Tout cela est parfaitement mené et souvent très drôle, même si on peut regretter l’humour assez lourd sur l’homosexualité d’un personnage encore plus ridicule que les autres. Ce ne serait pas un problème si Norsemen n’insistait pas un petit peu trop sur ce point, et surtout si la série ne réservait pas ce traitement à un ou deux personnages négatifs seulement. C’est un malaise dont on se serait bien passé pour le coup, mais la série rattrape le coup dans l’ensemble, avec son humour si particulier très plaisant.

Énorme succès dans son pays d’origine, au point d’avoir rassemblé en moyenne un cinquième de la population pour chaque épisode, Norsemen est indéniablement une belle réussite pour qui aime l’humour absurde. Le casting entièrement norvégien est impeccable et la série tient aisément la distance, mais il faut dire qu’avec six épisodes de trente minutes par saison, elle n’est pas bien longue. En attendant de voir ce que ses créateurs nous réservent pour la suite, ces douze épisodes méritent le détour.


Norsemen, saison 3

(2 août 2020)

Après deux saisons qui se suivaient chronologiquement et qui aboutissaient avec la disparition d’un personnage important, on pouvait s’attendre à voir Norsemen évoluer dans une toute nouvelle direction. C’est bien le cas, mais pas comme on l’attendait. Cette troisième saison, composée comme toujours de six épisodes de trente minutes seulement, est presque une préquelle, une « saison 0 » comme l’ont présenté ses créateurs, puisqu’elle se déroule avant la première. Son rôle est même d’expliquer ce qui se passe juste avant le début de la série, d’introduire les personnages et leurs histoires respectives. Un retour en arrière surprenant, mais qui fonctionne finalement très bien. L’humour si particulier de Norsemen est toujours au rendez-vous et même si le traitement de l’homosexualité pose toujours problème, l’absurde nordique fonctionne à plein et si vous adhérez, c’est un régal.

Comment est-ce que le peuple de Norheim a eu l’idée folle d’aller vers l’ouest pour piller ? Ce devrait être la question centrale de cette troisième saison, puisque c’était la grande nouveauté dans la première, mais fidèle à son habitude, Norsemen n’y répond pas tout à fait. Il y a bien quelques éléments de réponse dans le sixième épisode, mais le retour dans le temps donne surtout l’opportunité aux scénaristes d’explorer le parcours des différents personnages et tout particulièrement ceux d’Orm et de Jarl Varg. Sans être les héros au sens traditionnel de la série, ce sont les personnages les plus intéressants et Jon Iver Helgaker et Jonas Torgersen explorent leur passé. Orm, censé avoir 19 ans dans cette saison alors qu’il est toujours joué par le même acteur adulte, doit se marier et son frère, le chef de Norheim, espère toujours lui faire oublier ses penchants homosexuels et en faire « un homme ». Le sujet est toujours géré avec une lourdeur superflue, mais Kåre Conradi est un acteur de talent qui parvient à limiter la casse et son jeu est hilarant. Même chose pour Jon Øigarden qui offre un spectacle de haute volée avec la transformation de Jarl Varg de gentil chevelu à l’odieux chauve que l’on connaît. Sa performance apporte indéniablement beaucoup à la saison.

Après ce détour chronologique, Norsemen peut aller dans n’importe quelle direction et c’est un point fort. Les créateurs de la série de NRK1 ont prouvé qu’ils pouvaient garder le même casting et remonter le temps avec succès, ce qui laisse de multiples opportunités pour la suite. En espérant qu’ils maintiennent leur savoir-faire et leur humour, on a hâte de voir ce qu’ils nous offriront !