Quatre ans de tournage, cinquante pays et plus de 600 personnes pour cette série de huit documentaires d’une petite heure. Notre planète impressionne d’emblée par ses ambitions folles et le résultat est sensible à l’écran. Portée par la voix du scientifique David Attenborough, cette nouvelle série Netflix ambitionne de montrer la beauté de la Terre, mais avec une visée didactique très claire et directement explicite. Il s’agit de montrer l’incroyable richesse de notre planète et surtout de montrer en quoi l’homme menace cette diversité incroyable. C’est une œuvre destinée au plus grand nombre et un puissant appel au changement, pour une série pas toujours subtile, mais oh combien nécessaire.
Notre planète commence par un premier épisode général, qui résume assez bien l’esprit de la série et son message. Alastair Fothergill et Keith Scholey cherchent à montrer la beauté de la nature, des plantes et des animaux, des écosystèmes et de leur interaction, mais ils ne le font pas simplement pour collecter de belles images. Le message qu’ils portent, avec l’aide de la WWF, est très clair dès le départ : toute cette beauté est menacée par les activités humaines et le réchauffement climatique. Si l’on ne change pas nos habitudes très rapidement, tout cela sera irrémédiablement perdu et les conséquences seront absolument dramatiques. Même si le réchauffement climatique n’est pas directement le sujet de la série, il est omniprésent dans chaque épisode. C’est lui qui est la cause de la majeure partie des changements évoqués par le narrateur, de la fonte des glaces polaires qui perturbent la faune locale aux sécheresses plus fréquentes qui forcent les animaux de la savane africaine à changer, en passant par le réchauffement des océans qui détruisent les récifs de corail. L’action désastreuse de l’homme est aussi souvent plus directe, en général liée à la surexploitation d’une ressource naturelle, qu’il s’agisse de forêts ou de poissons. Après cette introduction, les sept épisodes suivants épluchent les principaux environnements sur la planète : les côtes, les forêts, la mer profonde, les prairies, l’eau douce, les jungles et les mondes gelés. L’occasion de décortiquer les interactions et mécanismes de codépendance souvent extraordinaires mis en place à toutes les échelles. Notre planète peut évoquer le travail des fourmis dans une forêt tropicale, autant que celui d’un oiseau qui va déplacer des graines par ses excréments, que ce mollusque qui protège un corail des oursins. La série multiplie les exemples de ce type à petite échelle, tout en soulignant les interactions essentielles à l’échelle du globe. Toutes les composantes de la planète sont essentielles : les forêts qui piègent du carbone et rejettent de l’humidité, les déserts qui apportent des nutriments, les immenses zones glacées sur les poles qui limitent l’impact du soleil en réfléchissant ses rayons, etc.
Dans ce contexte, l’action humaine est souvent dévastatrice, comme le montre la série à plusieurs reprises. Les coraux blanchis sont magnifiques, mais ils sont totalement morts. Un fond marin détruit par les filets de la pèche industrielle, une forêt réduite à peau de chagrin pour faire de place pour les activités humaines ou encore ces morses qui, faute de glaciers en mer, sont obligés de s’agglutiner sur une surface de terre ridiculement petite, avec des centaines de morts chaque année à la clé. Notre planète est en général une série très belle, avec des images léchées, mais elle ne recule pas pour autant devant des images cruelles. Certains spectateurs se sont plaints de quelques séquences difficiles à supporter, les morses qui tombent de falaises étant certainement la plus dure, mais il y aussi ces oiseaux qui meurent dans le désert et d’autres scènes de souffrance. Le monde animal n’est pas tendre, mais c’est surtout l’action humaine qui renforce le problème, comme l’exemple des morses le montre bien. Oui, ce sont des images à la limite du supportable, mais ce n’est absolument pas de la violence gratuite. Aussi difficiles soient-elles, ces séquences devraient être vues par tout le monde, car ce sont elles qui représentent le mieux le désastre écologique de l’action humaine. S’il y avait une critique à faire contre la série, c’est au contraire de parfois passer un petit peu trop vite sur ces conséquences et de se concentrer un petit peu trop sur la beauté de la nature. Célébrer cette dernière est important, certes, mais la série se concentre parfois plus sur cet aspect et moins sur les liens entre activités humaines et destructions. En revanche, on apprécie les exemples positifs distillés dans chaque épisode, ces cas qui prouvent que la situation n’est jamais désespérée et que l’on peut agir. Notre planète essaie de prouver qu’il suffit de réguler les activités humaines et de protéger un espace pour que la nature reprenne ses droits et que les dégâts soient réparés en l’espace de quelques décennies. Même quand c’est lié à une catastrophe humaine, comme à Tchernobyl, la situation se redresse vite et il n’est absolument pas trop tard pour agir.
Ce message martelé du début à la fin est tout aussi important que de voir les désastres écologiques causés par nos torts. Et l’information est si essentielle que l’on pardonne volontiers à Notre planète ses facilités, comme sa manière de se concentrer sur les attaques de prédateurs avec une musique digne d’un blockbuster. La série de Netflix n’est pas toujours très subtile, c’est vrai, mais elle est efficace et si cette mise en scène un poil cliché par moments peut aider à convaincre un maximum de spectateurs, alors cela n’aura pas été vain. Si vous avez apprécié Notre planète, ne passez pas à côté du making-of d’une heure, qui donne une bonne idée du travail ahurissant nécessaire pour mener un tel projet à bien.