Une nuit en enfer est le troisième long-métrage réalisé par Robert Rodriguez et sans doute le premier qui consacre l’amitié du réalisateur avec Quentin Tarantino, rencontré peu après la sortie de Pulp Fiction. Le premier réalise, le deuxième écrit et joue dans ce film qui assume pleinement son statut de série B. Quelques années avant les films « Grindhouse », les deux cinéastes mettent déjà en place leur cinéma d’hommage et de pastiche avec une réalisation qui part dans tous les sens. C’est comme si Une nuit en enfer n’était pas un, mais deux films réunis : après une première partie relativement sage, Robert Rodriguez et son comparse partent dans un délire à base de vampires. Ça dégouline, ce n’est jamais très fin, mais très généreux… à défaut d’offrir un spectacle maîtrisé. Amusant par moments, à défaut d’être vraiment fun.
La première scène d’Une nuit en enfer rassemble toutes les obsessions de ses concepteurs. On découvre d’abord une conversation apparemment anodine entre le vendeur d’un établissement miteux paumé au milieu de nulle part, avant de réaliser que deux malfrats se cachaient dans la boutique. La séquence commence ainsi avec une discussion dont Quentin Tarantino a le secret, mais elle se termine avec une violence totale et un petit peu absurde, marque de fabrique de Robert Rodriguez. Une très belle entrée en matière, pour ce long-métrage qui commence avec une histoire assez banale. Deux malfrats ont braqué une banque, l’opération s’est mal passée et quelques policiers sont morts. Résultat, toutes les forces de l’ordre sont à leur trousse, mais cela n’empêche pas Seth et Gecko, deux frères, de fuir tranquillement. Le premier a déjà braqué de nombreuses banques, il est méticuleux et organisé. Le second a un vrai problème avec les armes, qu’il utilise un petit peu trop rapidement, et les femmes, qu’il viole régulièrement avant de les tuer. Une nuit en enfer joue ainsi sur le duo atypique, mais cette fois sur le mode du psychopathe et du criminel.
Seth est incarné par un George Clooney rendu célèbre par la télévision (et la célèbre série Urgences commencée l’année précédente) et qui faisait ses premiers pas dans un gros film. L’acteur est très à l’aise et bon, ce qui tranche avec la prestation de Quentin Tarantino à ses côtés, dans le rôle de son frère. Le cinéaste a toujours été meilleur derrière que devant les caméras et il le prouve bien ici : sa composition est assez moyenne. Mais de toute manière, tout cela n’importe pas vraiment, car après une première partie assez conventionnelle, le long-métrage change du tout au tout. Après avoir pris en otage une famille innocente et passé la frontière mexicaine avec leur camping-car, les deux frères et leurs trois otages entrent dans un bar. Et c’est là que tout dérape : les propriétaires et toutes les filles sont en fait des vampires qui, la nuit venue, se nourrissent de la clientèle. Alors que l’on avait un film assez sérieux jusque-là — tout est relatif, mais il est au moins crédible —, on passe dans le grand n’importe quoi. Les membres volent dans tous les sens, les créatures sont grossières et les liquides verdâtres en tout genre coulent à flot. Une nuit en enfer assume alors pleinement son statut de série B, mais l’ensemble manque de maîtrise : on sent que Robert Rodriguez s’amuse comme un fou, oubliant au passage qu’il faudrait inclure ses spectateurs. C’est amusant, mais le film ne laissera pas un souvenir impérissable.
À bien des égards, Une nuit en enfer ressemble à une répétition générale pour Robert Rodriguez et Quentin Tarantino. On est encore loin, avec cette première collaboration, des résultats obtenus par la suite. Les deux réalisateurs se sont manifestement bien amusés et le divertissement est au rendez-vous, mais il n’est pas encore totalement maîtrisé. Et la séquence finale, pleine de vampires, part peut-être vraiment trop dans tous les sens pour réussir à convaincre pleinement.