Le Ô Saveurs à Saint-Brieuc

Situé à deux pas de la gare de Saint-Brieuc, le restaurant Ô Saveurs n’est pas dans le cœur historique de la ville, mais plutôt dans un quartier moderne et sans véritable charme. Disons-le, on ne vient pas ici pour le cadre, mais bien pour la cuisine gastronomique concoctée par le chef. Dans l’assiette, le résultat est une véritable réussite, avec des propositions sophistiquées tout en restant assez simples, des produits de qualité, des goûts marqués et des associations de vin réussies. Une excellente adresse, pour manger pas trop cher le midi ou pour se faire plaisir le soir.

Pas plus que le quartier, la devanture n’attire pas vraiment l’œil, mais on aurait tort de s’y arrêter. Derrière les portes, la salle est lumineuse et moderne, et surtout avec des tables bien espacées les unes des autres. On ne se sent pas du tout dans la brasserie de gare que l’on pouvait imaginer étant donné le cadre, mais bien dans une adresse gastronomique qui affiche fièrement sa sélection dans le célèbre Guide Michelin. On s’installe à une table et la carte arrive vite, avec plusieurs menus au choix. En semaine, l’adresse propose des menus simples et bon marché pour les midis. Mais pour ce samedi soir, nous options pour la formule « Ô Saveurs », un menu de découverte en cinq services inconnus au départ. Ces menus de découverte se sont multipliés ces dernières années, et pour cause : si vous n’avez pas peur d’une surprise ou deux, c’est toujours une excellente solution pour découvrir l’univers d’un chef cuisinier. Étant à pieds, nous osons même l’association avec un verre de vin qui permet de se laisser porter par les cuisines et par la cave. L’ensemble est facturé 77 € par convive (58 € sans le vin), ce qui est cher en soi, mais raisonnable par rapport à ce qui est proposé : cinq assiettes, plus un amuse-bouche, un trou normand et une mignardise, et quatre verres de vin pour accompagner le repas. Deux menus plus classiques et raisonnables sont aussi proposés, à 29,5 € et 39 €, avec une mise en garde : la table entière doit choisir le même menu.

On commence notre série de dégustation avec quelques amuses-bouches, trois bouchées pour être précis. Il y a une verrine avec du choux blanc au fond, une écume de fane de carottes bien verte et une fine tranche de Saint-Jacques fumée, un ensemble qui explose en bouche dans une belle harmonie. Il y a une terrine de lapin au cerfeuil, classique et très bien réalisée. Et enfin, un tartare de daurade, agrémenté de bâtons de pomme Granny Smith, de quelques grenades et de dés de céleris, là aussi un grand classique bien frais pour ouvrir l’appétit. Vient ensuite le premier service, une entrée terre-mer qui va piocher du côté de l’Italie, avec des langoustines cuites à l’unilatérale, de la pancetta, un minestrone et une crème de pinces de langoustine. Les crustacés auraient mérité une cuisson légèrement moins longue, mais le plat est savoureux, les légumes croquants du minestrone sont bien présents et surtout la sauce au fond est à tomber, un vrai délice, et le verre de Viognier l’accompagne très bien. On reste du côté de la mer avec le premier plat, de la barbue cuite simplement dans du beurre, accompagnée d’asperges croquantes, d’un risotto safrané et d’un jus aux agrumes et à la verveine. Ce poisson plat assez proche du turbo est d’une fraicheur remarquable, il est ferme et bien cuisiné, même s’il aurait pu être retiré du feu une ou deux minutes plus tôt. La sauce aux agrumes est bien dosée, elle n’est pas trop forte et relève bien l’assiette, qui est encore une fois une belle réussite.

Une petite coupe avec un vin pétillant et un sorbet à la violette sert de transition entre la mer et la terre, entre le poisson et la viande. Ce soir-là, nous avons du pigeon cuisiné de deux façons différentes, avec une cuisse confite longuement et le suprême rosé, cuit sur le coffre. C’est un excellent choix pour cette viande tendre et en même temps fragile, et la cuisson pour le coup était absolument sans reproche. La cuisse était fondante, le suprême légèrement saignant était juteux et fondant en bouche… excellent, et la sauce qui accompagne le pigeon est à la hauteur, tout comme les accompagnements et le vin du pays d’Oc, très bien taillé pour cette viande forte. Le repas continue avec du fromage, qui se concentre sur le produit brut. Trois morceaux, tous au lait cru, tous de qualité sont ainsi proposés : un chèvre avec du sainte-maure, une part de camembert et un bout de maroilles. Pour les amateurs, le plateau contenait aussi de la gelée de poires épicée, et un peu de salade, mais on peut déguster les fromages natures. Et on termine avec un dessert, ou plutôt quatre desserts en un, puisque l’assiette gourmande qui conclut le repas est constituée de chacun des desserts individuels à la carte, dans une petite portion. Il y a un très classique et très bon sorbet à la mangue, il y a de l’ananas qui est resté plusieurs heures dans un sirop d’épices, il y a une tarte tatin légèrement revisitée, et une verrine façon « Snicker’s ». En fin de repas, le sorbet passe très bien, tout comme l’ananas, qui a un goût d’épices qui sait rester discret. La toute petite tatin surprend par le choix d’une pâte au blé noir qui apporte un côté breton et qui la tire presque vers le salé en ajoutant une belle profondeur. Enfin, la verrine est excellente, mais peut-être un poil lourde à la fin de ce repas qui s’avère en effet très copieux.

C’est peut-être le reproche que l’on pourrait faire : ce menu dégustation n’en pas vraiment un. Ô Saveurs compose un menu à partir de sa carte habituelle, nous n’avons rien mangé qui n’était pas proposé dans une autre formule. Cela aurait été pas mal de sortir des sentiers battus et d’avoir une vraie surprise, mais le problème, ce sont surtout les quantités. Nous avons eu des assiettes composées pour des menus à trois services, alors que nous en avons eu cinq. Il aurait sans doute fallu réduire les quantités de chaque assiette, mais il faut aussi reconnaître que nous nous sommes faits piéger par le pain, très bon, et le beurre de baratte servi à table. Cette nuance mise à part, le bilan est extrêmement positif : le chef propose une cuisine de saison à partir de produits frais et locaux et c’est un vrai régal dans l’assiette. Un très bon plan pour manger à Saint-Brieuc !