Deux ans après son remake de Tron, Joseph Kosinski revient en salles avec, à nouveau, de la science-fiction, mais cette fois une œuvre originale. Le cinéaste américain touche-à-tout adapte en effet sa propre création, puisque Oblivion est l’adaptation d’une bande dessinée qu’il a également écrite. Partant d’une histoire assez classique de Terre post-apocalyptique, Joseph Kosinski déroule un blockbuster plus surprenant qu’au premier abord et assez impressionnant. À défaut d’être un grand film, Oblivion offre un spectacle de qualité un peu encombré de quelques défauts récurrents, mais qui constitue malgré tout un divertissement efficace. À voir, et puis à oublier…
Le postulat de départ d’Oblivion ne surprendra aucun amateur de science-fiction. Dans un futur proche, la Terre n’est plus qu’un vaste tas de poussières et de cendres. Un ennemi surgi de nulle part a détruit la lune, ce qui a déstabilisé totalement l’équilibre fragile de la planète, tuant au passage des milliards d’êtres humains. Les autres ont lutté contre l’envahisseur à grands coups de bombes nucléaires, ne laissant derrière qu’un vaste champ de désolation. L’humanité est partie sur Titan, l’un des satellites de Saturne, et il ne reste sur la planète que d’immenses machines qui absorbent l’eau restante pour l’envoyer sur Titan et quelques équipes chargées de surveiller que tout se passe bien et de repousser les quelques envahisseurs encore vivants. Joseph Kosinski met en place son univers apocalyptique et d’emblée, on est frappé par la justesse de sa dystopie. C’était déjà le point fort de Tron l’héritage, mais c’est encore plus vrai avec cette planète totalement déserte et recouverte d’un épais tapis de sable qui a même atteint, par endroit, le toit des immeubles. Le film est discret sur le déroulement exact de la catastrophe, mais la brève séquence qui introduit Oblivion suffit à poser les bases et à nous faire comprendre l’essentiel. Ce qui compte, c’est que le spectateur y croit, et c’est le cas, même si le film de Joseph Kosinski n’évite pas quelques incohérences ici ou là.
À l’intérieur de cet univers dystopique très conventionnel, mais très bien réalisé, Oblivion raconte une histoire. Difficile d’en dire trop pour ne pas gâcher le plaisir qui repose notamment sur plusieurs rebondissements successifs, mais on peut au moins dire que Joseph Kosinski adopte le bon angle en nous plongeant d’emblée dans son univers. Il aurait pu s’étendre sur les explications qui y ont conduit, mais il préfère judicieusement imaginer une excuse scénaristique — on a effacé la mémoire du héros pour ne pas qu’il puisse révéler d’informations importantes aux ennemis qu’il va devoir affronter — pour placer ses personnages dans l’ignorance totale. On comprend dès lors que l’un des enjeux du film est de découvrir ce qui s’est réellement passé et on apprend vite que Jack Harper, le héros de cette histoire justement, a des souvenirs malgré l’effacement de sa mémoire. Oblivion repose largement sur un souvenir qui se déroule à New York, depuis le toit de l’Empire State Building : quelques images hantent Jack et le perturbent. C’est le premier grain de sable qui vient s’immiscer dans cette mécanique si bien huilée, un petit grain qui, on s’en doute, va faire dérailler l’ensemble. Joseph Kosinski ne propose aucune idée radicalement nouvelle dans son film, mais l’amateur de science-fiction appréciera cette histoire d’envahisseur et de lutte à l’échelle du système solaire. Oblivion accorde en outre une belle place à une histoire d’amour, mais ce n’est pas ce que l’on retiendra du film, même si Tom Cruise et Olga Kurylenko parviennent par moment à convaincre.
Malheureusement, Joseph Kosinski n’a pas su faire confiance à l’intelligence de ses spectateurs et le scénario est le point faible d’Oblivion. S’il est incontestablement un bon réalisateur du point de vue technique, il n’est pas un bon conteur d’histoires et, comme dans Tron l’héritage d’ailleurs, son dernier long-métrage pèche sur ce point. Alors que l’on comprend tout de suite l’importance du personnage féminin qui intervient au bout de quelques minutes, le scénario fait comme si on devait encore tout découvrir et le film répète et répète encore la même idée, la précisant un peu à chaque fois, certes, mais cette répétition incessante conduit à une redite vraiment gênant. Le cinéaste a tendance à abuser des flashbacks, mais ils deviennent même pénibles quand on passe du noir et blanc à la couleur sans aucune vraie justification, comme par simple plaisir de refaire à nouveau cette scène. La fin d’Oblivion est encore pire à cet égard et elle dévoile l’autre défaut du film, qui est une conséquence du premier : alors que Joseph Kosinski prend son temps à nous répéter quelques idées au point de donner le sentiment de tourner en rond, il passe totalement à côté d’autres questions et enjeux, pourtant beaucoup plus intéressants. On ne sait ainsi jamais pourquoi Jack a des souvenirs, pourquoi lui s’intéresse à son passé et ne respecte pas les consignes de ses supérieurs. Les ellipses se multiplient au fur et à mesure que le film avance et si on peut les comprendre pour des raisons techniques — il ne fallait sans doute pas trop dépasser les deux heures de film —, elles ne se justifient pas. Oblivion donne le sentiment d’avoir été bâclé à la fin, mais ce sont surtout les mauvais choix du cinéaste qui gênent. Jusqu’à la dernière minute, il préfère consacrer du temps à des idées que le spectateur un peu attentif avait compris depuis longtemps, plutôt que de se pencher sur des problèmes plus intéressants.
Oblivion n’est pas sans défauts, mais le deuxième long-métrage de Joseph Kosinski n’est pas si mauvais qu’on a bien voulu le dire. On l’a déjà évoqué, l’univers mis en place par le cinéaste est cohérent et convaincant et même s’il n’est pas très original, on s’y plonge avec plaisir. La découverte très progressive de la vérité est bien menée, avec à chaque fois qu’un élément cloche, une explication plausible apportée par un élément dans le scénario ou l’univers. Même si la fin, une fois que l’on sait tout justement, est logiquement moins intéressante, l’ensemble tient la route et le divertissement est au rendez-vous, ce qui est la moindre des choses pour un blockbuster. Oblivion bénéficie en outre d’une photographie vraiment très belle et basée quasiment uniquement sur une large palette de gris : comme son prédécesseur, le film est ainsi très beau à regarder et mérite une séance en salle pour cette raison. Sur le plan technique, il n’y a pas grand-chose à critiquer, si ce n’est peut-être un sentiment de redite à cause, essentiellement de la musique. Après Daft Punk, Joseph Kosinski a fait appel à d’autres Français et c’est ainsi M83 qui a composé la bande originale. Inutile de le nier, elle est très efficace et frappe quand il faut, ajoutant une belle intensité aux images, mais elle est aussi extrêmement proche de la musique de Tron l’héritage. C’est un peu dommage d’avoir fait deux bandes originales aussi proches, même s’il faut reconnaître que ce sont des choix vraiment très efficaces.
Joseph Kosinski parvient à nouveau à créer un univers de science-fiction réaliste et prenant et en cela, Oblivion est une réussite. Ce blockbuster parvient aussi à distraire, mais il pèche par manque de confiance en ses spectateurs. À trop répéter des idées pourtant simples, il devient lassant et le scénario fait surtout les mauvais choix, s’attardant trop sur des détails au point de passer à côté de quelques points intéressants. Des défauts donc, mais Oblivion est parfait pour une toile divertissante, à condition d’aimer le genre bien entendu…