Les séries britanniques qui ont du succès donnent souvent lieu à des adaptations américaines, pour le meilleur comme pour le pire. The Office est ainsi né au Royaume-Uni, mais les deux saisons diffusées sur la BBC au début des années 2000 ont eu un impact mineur face aux neuf saisons et plus de 200 épisodes de la version américaine. Sentant le bon filon, la chaîne NBC commande à Ricky Gervais et Stephen Merchant, les deux créateurs de l’originale, une adaptation américaine. La première courte saison sort en 2005 et c’est quasiment un calque qui a obtenu un succès mitigé, mais suffisant pour lancer la machine. Bonne pioche : dès la deuxième saison, The Office trouve sa voie et se distingue de la série anglaise en posant les bases de l’une des sitcoms les plus populaires et les plus réussies aussi. Même si le niveau de la série baisse sur la fin, surtout après le départ malheureux de Steve Carell qui laisse place à un grand vide sur les deux dernières saisons, il est indéniable que ce faux documentaire sur une fausse entreprise de papiers mérite absolument d’être vue au minimum une fois. Un classique.
Comme la série britannique, The Office se déroule au sein d’une entreprise tout à fait banale, pour suivre le quotidien d’employés totalement normaux. On est à Scranton, en Pennsylvanie, dans la filiale locale de Dundler Mifflin, une entreprise spécialisée dans le papier. Mais au lieu d’en faire une sitcom traditionnelle, tournée face à un public ou au moins avec des rires enregistrés, Ricky Gervais et Stephen Merchant ont eu une idée géniale, en imaginant le tournage d’un faux documentaire. Ce que l’on voit est le résultat, les séquences tournées par l’équipe du documentaire qui restent derrière leurs caméras et qui filment le quotidien de l’entreprise, en menant régulièrement des interviews des employés. Une partie des plans sont ainsi dans les petits bureaux de l’entreprise : l’open-space principal, le bureau du patron, la salle de réunion, l’annexe au fond ou encore la salle de pause au milieu. Une autre partie des plans est consacrée aux interviews individuelles ou à deux, menées dans un coin des bureaux, face caméra. Ce dispositif est scrupuleusement respecté au départ, puis assoupli au fil des saisons pour permettre de suivre davantage de pistes et surtout mieux creuser la psychologie des personnages. Mais The Office ne l’oublie jamais et jusqu’au bout maintient cette illusion que l’on regarde le documentaire le plus long de l’histoire, sur l’entreprise la plus banale qui soit. C’est une super idée, maintes fois reprises par la suite, mais il faut bien constater qu’elle fonctionne très bien, à la fois comme générateur de situations comiques et comme moteur de l’intrigue. Entre regards complices vers la caméra et conversations supposées secrètes épiées à cause des microphones, les scénaristes s’en sont donnés à cœur joie pour exploiter au mieux le faux documentaire.
Il faut quelques épisodes pour que le remake américain de The Office trouve son rythme et surtout son humour. Plus optimiste et léger que l’originale, la série de NBC est surtout portée par quelques acteurs de talent et tout particulièrement par Steve Carell, dans le rôle de Michael Scott, responsable de l’entreprise. Quand la sitcom débute en 2005, il est un comique connu dans le métier, mais pas forcément du grand public qui l’a surtout croisé dans des seconds rôles. Son talent est pleinement dévoilé avec son incarnation de ce patron incapable, souvent minable, mais aussi très attachant. Le personnage qu’il a créé au fil des épisodes est assez différent de celui joué par Ricky Gervais sur la BBC, l’acteur y a mis sa personnalité et surtout son immense talent d’improvisateur. Plusieurs séquences devenues cultes dans The Office sont nées au fil du tournage et cette spontanéité se ressent à l’écran. Elle est essentielle à la crédibilité du faux documentaire et l’univers humoristique spécifique à la sitcom dépend largement de ces séquences d’improvisation et de la présence de l’acteur. On le sait, car il n’est bizarrement pas resté jusqu’au bout de la série. Steve Carell s’en va à la fin de la septième saison, pour des raisons assez mystérieuses, mais qui semblent tourner autour d’un mauvais choix de la part de la chaîne. Son départ laisse un grand vide et les deux saisons restantes souffrent indéniablement de son absence, même s’il faut noter que les acteurs restants parviennent à retrouver une forme d’équilibre dans l’ultime saison. Malgré tout, The Office sans Michael Scott n’est plus vraiment The Office et il suffit de consulter l’interminable liste de mèmes pour constater que ce personnage est la clé de voute de l’ensemble.
Il serait injuste toutefois de faire tenir toute la série sur les seules épaules de Steve Carell. D’une part, il faut noter que même en sa présence, la sitcom perd en vitesse autour des saisons 5 et 6. On ne s’ennuie jamais, l’humour reste bien présent et les épisodes s’enchaînent sans déplaisir, mais la formule initiale, qui trouve un point d’orgue dans les saisons précédentes, commence à tourner un petit peu en rond. Il faut dire aussi que l’intrigue romantique entre Jim et Pam, pilier des premières saisons, trouve un aboutissement quand ils concluent enfin et fondent une famille, enlevant en contrepartie l’un des piliers comiques. Cette petite baisse de régime n’efface pas tout ce qui est positif dans The Office, loin de là. La création de NBC n’aurait sans doute pas tenu la route pendant neuf saisons sans une solide galerie de personnages, drôles et attachants. On a beaucoup parlé de Michael Scott, mais il ne serait rien sans tous les employés du bureau qui l’entourent. Mention spécial au duo Jim et Dwight, les deux meilleurs ennemis qui n’arrêtent pas de se chamailler dans chaque épisode. John Krasinski est parfait dans le rôle de Jim, mais on retiendra surtout la prestation de Rainn Wilson en Dwight, meilleur vendeur de papier, assistant au directeur régional et cultivateur de betteraves. L’acteur est lui aussi un excellent improvisateur et on sent tout son investissement dans ce personnage, on imagine les idées folles injectées pour le rendre encore plus dingue. Au-delà des têtes d’affiche, The Office a le temps d’accorder de l’espace à de multiples personnages qui débutent comme de simples caricatures, et qui gagnent en épaisseur au fil du temps. C’est le cas pour Pam, Angela, Phyllis, Toby, Oscar et même pour Kevin et Stanley qui sont des personnages encore plus typés, mais qui parviennent à pleinement exister malgré tout.
Ce n’est pas pour rien que The Office reste l’une des sitcoms les plus populaires et pas seulement aux États-Unis, même si le phénomène de société reste impressionnant dans son pays d’origine, plus de quinze ans après ses débuts. La série de NBC parvient à imposer son univers particulier, son humour de situation basée sur la gêne et surtout ses personnages attachants, qui sont entrés dans l’imaginaire collectif. Après des débuts trop proches de la version originale, Ricky Gervais et Stephen Merchant sont parvenus à trouver une voie différente pour adapter leur série britannique à un nouveau contexte et cela a payé. The Office reste un monument d’humour qu’il est bien difficile d’ignorer…