Le retour de l’histoire de La Planète des singes inventée par Pierre Boulle s’est fait sous le signe d’un renouveau complet en 2011 avec La Planète des Singes : l’origine. Dix ans auparavant, Tim Burton proposait sa propre version, un remake de La Planète des Singes de 1968. Remake, certes, mais avec un certain nombre de libertés par rapport au film de Franklin J. Schaffner. Entre les deux films, la technique a évolué, mais Tim Burton fait toujours confiance aux masques à l’ancienne pour ses singes. Les deux films sont à la fois très différents et très proches : in fine, La Planète des Singes version Tim Burton est un divertissement assez inutile et vite oublié.
Dans un futur assez proche, des hommes entraînent des chimpanzés pour les envoyer à leur place dans l’espace plutôt que de risquer leur vie. Malgré certaines similitudes troublantes avec le film de Stanley Kubrick, l’intelligence artificielle de 2001, Odyssée de l’espace n’a pas atteint ce futur-là. Les singes sont de bons candidats néanmoins : proches de l’homme sur le plan physique, ils sont suffisamment intelligents pour mener à bien leur mission, pas assez pour réclamer autre chose que des cellules et des cacahuètes en guise de récompenses. Lors d’une opération, une capsule avec un singe se perd dans un nuage électromagnétique. N’écoutant que son courage et pas ses supérieurs, Leo Davidson monte dans une autre capsule et part à sa poursuite. Le voyage est agité, Leo perd le contrôle de la capsule et son compteur temporel perd les pédales. La capsule atterrit finalement brutalement sur une planète inconnue où Leo est rapidement capturé par des singes. Sur cette planète, les singes sont organisés en société et ils traitent les humains comme des animaux et s’en servent comme esclave. Leo, aidé par la fille du sénateur des singes, organise alors son évasion pour tenter de retrouver son vaisseau…
Comme dans le film de Franklin J. Schaffner, La Planète des Singes de Tim Burton se base sur le principe de l’inversion complète des singes et des humains, mais il ne va pas aussi loin que le premier film. Alors que chez Schaffner, les singes se comportaient en humains et les humains en animaux qui ne parlent pas, Tim Burton a choisi une version plus réaliste. Les singes ont effectivement une société complexe, avec une organisation sociale moins marquée que dans le film de 1968 (sans castes bien marquées et liées à des races), mais une organisation tout de même, avec des militaires, des politiques, etc. Schaffner avait un modèle médiéval en tête, Tim Burton penche plutôt du côté des romains : sénateurs, esclaves et esclavagistes, légions dans des tentes rouges… tout évoque ici l’Empire romain. Les singes ont ici conservé une trace de leur animalité : s’ils sont en général sur deux pattes, ils courent sur quatre ; s’ils parlent, ils grognent aussi quand ils s’énervent. Ces singes restent aussi des animaux et gagnent ainsi en réalisme, tandis que les humains sont inversement beaucoup plus proches de notre société actuelle. Ils parlent, sont aussi organisés en tribus, ils s’habillent normalement, confectionnent des tissus, etc.
Ce réalisme totalement absent de la version de 1968 qui opérait une inversion totale n’est pas forcément très positif pour La Planète des Singes de 2001. Contrairement aux singes de La Planète des Singes : l’origine, les singes de Tim Burton sont à la fois trop humains et trop singes, ils perdent finalement en naturel. On peine à croire à cette société de singes, d’autant que les emprunts à l’Empire romain sont trop forts pour ne pas penser à Spartacus. Difficile de savoir la nouvelle version fera mieux, mais ce pari de singes humains, mais pas trop, n’est ici pas vraiment concluant. L’originalité des primates n’est finalement pas vraiment exploitée alors qu’elle nous est constamment rappelée. La Planète des Singes devient film très classique avec une histoire de libération qui ne dévie jamais d’un pouce de ses rails. La lutte finale est à cet égard révélatrice : on finit par totalement oublier que des singes et des humains s’affrontent, on ne voit plus qu’une guerre comme on en a déjà vu des dizaines au cinéma, et en général en mieux. Pour ne citer qu’un film, Peter Jackson faisait beaucoup mieux à la même époque avec son adaptation du Seigneur des Anneaux. Toute la réflexion du premier film, tant politique que philosophique, a ici totalement disparu au profit d’un pur film d’action qui peine à renouveler le genre.
Interrogé sur son rôle en tant que réalisateur pour une éventuelle suite, Tim Burton aurait déclaré : « Je préférerais sauter par une fenêtre ». De fait, La Planète des Singes est sans doute le moins burtonnien de ses films : on sent qu’il s’agit purement d’un film de commande qu’il a accepté pour financer ses autres films plus personnels. On retrouve tout de même le cinéaste dans les décors de la ville des singes, noirs à souhait, ou encore dans le choix de masques au lieu des singes numériques qui étaient au départ prévus. Le film reste assez impersonnel et clairement taillé pour monter dans le box-office, et il fut d’ailleurs à cet égard un succès. Le film propose une version très proche de celle de 1968, mais modernisée, pour les singes. Les masques sont toujours bien visibles, on distingue toujours les acteurs derrière (Helena Bonham Carter notamment, très reconnaissable), mais ils sont plus réalistes tout de même. Ils sont plus variés, ils ressemblent plus à des singes et on les oublie assez facilement… jusqu’au retour à l’écran d’un vrai singe. Ce retour fait du mal au film, il confronte deux réalités totalement différentes et remet en cause le choix de Tim Burton. De ce point de vue, La Planète des Singes : les origines fait un choix techniquement beaucoup plus abouti et réussi, mais ce choix n’existait évidemment pas il y a dix ans, évidemment…
La Planète des Singes n’est pas un film resté dans les annales du cinéma, et pour cause. Ce n’est pas un film mauvais en soi, mais il est loin d’être inoubliable comme a pu l’être le film de Franklin J. Schaffner. La faute sans doute à un manque d’enjeux : cette version est un remake à peine modernisé et surtout beaucoup plus violent. Terminés les questionnements politico-philosophiques, place à un Spartacus revisité et à la guerre. Le résultat n’est pas très intéressant et on apprécie le choix de la production en faveur d’un film complètement nouveau, plutôt que d’avoir fait une suite à cette Planète des Singes.