À la poursuite d’Octobre rouge, John McTiernan

Sorti un an après la chute du mur de Berlin, À la poursuite d’Octobre Rouge est pourtant empreint de Guerre froide. Peut-on imaginer une histoire plus adaptée à l’affrontement des deux blocs que cette course-poursuite entre sous-marins américains et soviétiques, alors qu’un commandant russe a décidé de passer à l’Ouest ? Le projet a failli ne pas se faire à cause de cet anachronisme, mais John McTiernan va jusqu’au bout et il réalise ainsi un classique de l’action des années 1990. À la poursuite d’Octobre Rouge n’est pas très novateur, mais il faut lui reconnaître une efficacité redoutable dans ce qui ressemble à un immense jeu d’échec à l’échelle planétaire. Un solide divertissement, à voir au moins une fois dans sa vie.

Contrairement à d’autres histoires de Guerre froide vues du côté américain, les deux camps ne sont pas ici totalement opposés et rangés dans une case dès le départ. Sans éviter tous les clichés du genre sur les Soviétiques, John McTiernan prend malgré tout son temps pour présenter les deux camps. Une attention du détail qui fait même entendre quelques mots de russe dans les premières minutes, une bonne idée rapidement écourtée néanmoins. Il faut dire qu’avec un casting entièrement américain, cela ne passait pas très bien et l’accent russe de Sean Connery est loin d’être parfait, c’est évident même si vous ne parlez pas la langue. Quoi qu’il en soit, on apprécie cette volonté de présenter les deux blocs de manière plus objective qu’ailleurs, c’est peut-être la conséquence de la fin de la Guerre froide à cette même époque. À la poursuite d’Octobre rouge imagine qu’un amiral russe très réputé décide de passer dans le camp ennemi et de livrer un tout nouveau sous-marin nucléaire, capable d’avancer sans être détecté. Du point de vue des Américains, cette défection ressemble pourtant à une attaque en règle et tout le monde commence à envisager l’apocalypse promise depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Heureusement qu’il y a dans le camp américain un analyste de la CIA pas trop bête qui va comprendre ce qui se passe et convaincre l’armée américaine qu’il ne faut pas nécessairement attaquer. Commence une longue course-poursuite dans les bas-fonds de l’Océan Atlantique et une montée en tension progressive, alors que l’URSS essaie de tout faire pour couler le sous-marin et ses hommes.

Le casting d’À la poursuite d’Octobre rouge est très fourni, mais on se concentre vite sur quelques personnages clés. Côté US, c’est Jack Ryan que l’on découvre pour la première fois au cinéma, comme dans le roman de Tom Clancy qui est adapté pour le cinéma. L’efficacité typique des blockbusters de cette époque fait que l’on ne s’attarde qu’à peine sur ce personnage, avec une introduction familiale assez vite évacuée. On entre très rapidement dans le vif du sujet, quand l’armée américaine repère une activité anormale de la marine soviétique, et quand cet analyste pour la CIA émet l’hypothèse que le capitaine du sous-marin Octobre rouge pourrait chercher à se rendre. Petit à petit, l’action se resserre pour terminer en huis clos dans un sous-marin. L’équipe du film a pu passer du temps dans un vrai sous-marin nucléaire en amont, une expérience précise pour rendre cet environnement claustrophobique plus crédible. Les décors ne sont pas réalistes pour autant, à la fois parce que John McTiernan a choisi deux couleurs dominantes pour distinguer les camps — rouge pour les Soviétiques, bleu pour les États-Unis, évidemment — et surtout parce que l’intérieur de ces appareils est nettement plus étroit. Malgré tout, on note une attention aux détails dans l’organisation quotidienne des vaisseaux et dans leurs manœuvres. À la poursuite d’Octobre rouge est suffisamment renseigné pour que l’on soit plongé dans la bonne ambiance et la tension monte vite. C’est bien mené, on ne s’ennuie pas une seconde et même si l’intrigue est assez classique et même si elle a peu de risque de vous surprendre, on se laisse facilement prendre au jeu.

À la poursuite d’Octobre rouge a cimenté une certaine image de la Guerre froide et du monde des sous-marins nucléaires pour toute une génération. Le film a connu un grand succès à sa sortie et il a été érigé au statut de culte au fil du temps. Trente ans après son apparition sur les écrans de cinéma et si l’on oublie quelques effets numériques qui ont mal vieilli, force est de constater que John McTiernan savait tourner des films d’action qui tiennent sur la longueur. À la poursuite d’Octobre rouge n’atteint peut-être pas l’accomplissement d’un Piège de cristal, mais c’est un autre classique à connaître.