Considéré par certains comme le meilleur représentant du cinéma d’action des années 1980, Predator repose sur une idée simple qui a contribué à sa longévité : la jungle et une créature venue de l’espace en chasse face à quelques soldats. C’est tout et c’est bien assez pour John McTiernan, alors réalisateur inconnu qui n’a signé qu’un seul long-métrage sans succès avant cela. Avec un remarquable sens de la mise en scène et finalement assez peu de moyens, il parvient à monter le suspense autour de cette chasse à l’homme. C’est étouffant et brillamment mené, si bien que 34 ans après sa sortie, Predator reste toujours aussi efficace et plaisant à (re)voir, à condition d’oublier les mentalités d’un autre temps.
Comme dans beaucoup de films d’action de l’époque, Predator ne perd pas son temps en exposition. Il n’est pas question de présenter longuement les personnages ou d’expliquer le contexte. D’ailleurs, l’intrigue se met en place dans une jungle non localisée, on sait uniquement que l’on est quelque part en Amérique du Sud et le spectateur doit patienter pour savoir à qui il a affaire. Deux hélicoptères atterrissent sur une plage, plusieurs militaires en sortent et on les charge d’aller de l’autre côté de la frontière pour découvrir ce qui s’est passé après la perte d’un hélicoptère. En quelques minutes, John McTiernan a évacué les présentations et il nous plonge au cœur de sa jungle sombre et poisseuse, un environnement que l’on ne quitte plus jamais pendant tout le long-métrage. L’ambiance est ce qui frappe le plus quand on découvre le film pour la première fois. Le tournage réalisé au Mexique plutôt qu’en studio a contribué au réalisme final, mais il fallait aussi la vision du réalisateur pour apporter à cette végétation dense son aspect menaçant et ce, dès la première minute. À l’image d’Alien, le huitième passager, le cinéaste ne sort pas sa créature trop tôt. De fait, on ne voit pas clairement le Predator avant une cinquantaine de minutes, environ la moitié du film. Mais dès que les personnages posent un pied dans la jungle, on sent une menace diffuse, comme si l’on pouvait savoir qu’il allait y avoir un problème. C’est la meilleure idée de Predator, qui parvient en plus à faire « monter la saucer », en introduisant assez tôt les images captées par le casque de la créature. Ces fonds bleus où les humains sont rendus parfaitement visibles grâce à leur chaleur corporelle sont un excellent moyen d’augmenter la pression sans trop en montrer. C’est autant d’économisé pour les effets spéciaux, ce qui est malin à cette époque, mais c’est surtout la meilleure option pour renforcer la menace. De fait, quand le Predator est visible, son aspect humanoïde ne le rend pas aussi effrayant qu’on pouvait le croire et on mesure alors toute l’étendue du travail de John McTiernan pour que son film reste intense. Car il l’est, jusqu’au bout et ce long affrontement entre le montre venu de l’espace et un Arnold Schwarzenegger dans un rôle qui semble avoir été créé pour son physique de culturiste. Plus que le dessin du monstre, Predator contre sur sa jungle étouffante pour convaincre et c’est un pari réussi.
Le spectateur contemporain peut apprécier l’efficacité de ce film d’action des années 1980, sa manière d’entrer dans l’histoire sans long préambule et de savoir l’interrompre au bon moment, sans inutile conclusion. En revanche, les dialogues et les personnages sont visiblement d’un autre temps, fort heureusement révolu aujourd’hui. Entre la remarque homophobe dans l’hélicoptère et cet unique personnage féminin qui semble n’exister que pour son minois, le bilan de ce point de vue n’est pas glorieux. Cela étant, Predator parvient à captiver pleinement et sa mise en scène d’une redoutable efficacité n’a pas pris une ride. John McTiernan a su se concentrer sur la chasse de sa créature et c’est indéniablement la meilleure idée de son film. Un classique.