Le Prieuré à Quimper

Installé dans l’ancien prieuré de Locmaria, une bâtisse du XVIIIe siècle, le restaurant Le Prieuré est un petit peu à l’écart du centre de Quimper, au cœur de ce quartier historique rendu célèbre pour ses faïences. De l’extérieur, on dirait un tout petit restaurant et bar sans prétention, mais la façade traditionnelle cache un grand restaurant moderne et confortable, digne des meilleures tables gastronomiques. C’est aussi l’ambition du chef des lieux, avec une cuisine exclusivement bretonne et fraiche, pas forcément originale, mais savoureuse. Une très bonne adresse pour un repas gourmand et cosy.

En ce dimanche midi de novembre, la grande salle du restaurant est bien vide. Les lieux s’emplissent certainement à la belle saison, où l’on pourra aussi profiter d’une terrasse dans la cour du prieuré, bien loin de la route animée qui passe à côté de Locmaria. Le cadre est très plaisant, moderne et soigné, avec des tables bien écartées et une acoustique qui incite aux conservations intimes. Même en hiver, la salle est baignée de lumière naturelle avec de grandes baies vitrées et c’est un plaisir de s’y installer. Les cartes arrivent rapidement et on découvre un menu très local, avec beaucoup de poissons et de produits de la mer. Plusieurs formules sont proposées, les premiers menus sont très raisonnables (à partir de 32 € pour une entrée, un plat et un dessert), jusqu’à 85 € pour le menu de dégustation où le chef sert à l’ensemble de la table sept plats surprise. Le Prieuré laisse le choix en la matière et chacun peut prendre son propre menu, même si le nombre de plats servis n’est pas toujours identique. Une bouteille de vin arrive en même temps que les amuses-bouches, avec un wrap frais avec du fromage et du jambon et un feuilleté de crêpe bretonne, bien beurré. Ce n’est pas très original, mais c’est bon et fin, tout comme pour le deuxième amuse-bouche, du merlu qui n’aurait pas eu énormément d’intérêt, s’il n’y avait pas cette vinaigrette à l’orange. On pouvait craindre que le condiment écrase le poisson, mais l’équilibre des saveurs est précis et c’est très bon.

Le repas commence avec des entrées venues toutes de la mer. D’un côté, de l’aile de raie en salade, de l’autre de l’ormeau sauvage cuisiné avec un beurre persillé. L’ormeau est un fruit de mer à la chair assez ferme, mais quand il est parfaitement frais comme c’était le cas ici, il n’est pas trop ferme et en aucun cas caoutchouteux. C’est, bien au contraire, un délice qui offre de la mâche tout en fondant en bouche finalement, et le beurre clarifié et persillé qui l’accompagne est excellent. On retrouve un peu le goût d’un beurre d’escargot, mais en version iodée et c’est simple et excellent. La purée de pomme de terre est très bien réussie, mais la star de l’assiette vient bien de la mer. Le repas se poursuit avec des noix de saint jacques, on est en pleine saison. Elles sont juste snackées rapidement, leur chair est encore perlée, le signe qu’elles n’ont pas été trop cuites. Ce que la dégustation confirme : elles fondent en bouche, un vrai délice. Le poivre annoncé par le menu est très discret, mais c’est aussi bien, ce produit extraordinaire se suffit à lui-même. D’ailleurs, la mousseline de topinambours est très bien réalisée et goûteuse, mais elle n’apporte pas non plus énormément à l’assiette. Le plat de résistance nous ramène sur la terre ferme, avec un ris de veau accompagné de grains de sarrasin, un choix assez original qui apporte du croquant au plat, mais aussi une saveur particulière. L’abat est cuit façon meunière à la perfection, il est légèrement croquant dehors, bien fondant dedans… un vrai délice et la sauce vient ajouter une bonne dose de gourmandise supplémentaire. Là aussi, les accompagnements ne sont pas aussi intéressants, la purée de panais est correcte1, les légumes croquants n’apportent rien et puis ils ne sont pas de saison, c’est dommage. À la table, les autres plats rencontrent aussi un franc succès, que ce soit le bar généreusement servi et très bien cuit, ou alors la lotte accompagnée d’un très bon risotto au chorizo, une association qui a fait ses preuves.

Certains menus passent alors au fromage, mais ce n’est pas le point fort du repas. Trois morceaux dans l’assiette, quelques brins de salade et une cuillère de confiture de figue, mais la promesse de fromages affinés n’est pas tenue. C’est assez fade, notamment le chèvre cendré qui manquait d’affinage. Dommage aussi que le service n’explique jamais les assiettes : ce serait déjà bien pour les assiettes décrites dans les menus, pour un rappel de ce que l’on va manger, c’est gênant pour le fromage quand on ne peut même pas identifier les variétés. Fort heureusement, les desserts arrivent finalement et ils relèvent le niveau et font oublier ces écarts. Contrairement à bon nombre de restaurants, Le Prieuré a un vrai pâtissier sur place et cela se sent. Les desserts sont tous originaux et excellents, que ce soit celui autour de la pomme, à mi-chemin entre un crumble et une tatin déstructurée. Les fruits sont bien confits, le biscuit au sarrasin ajoute croustillant et profondeur en bouche, mais c’est surtout la crème à la Britt blanche, une bière locale, qui surprend. Le goût de la bière est bien présent en bouche, sans être envahissant et la note d’amertume est très intéressante. Le baba au rhum façon Piña Colada est une bonne relecture de ce classique, avec de l’ananas frais et une crème à la coco. Tandis que le Finger chocolat-passion est un entremet très bien réalisé, avec un croustillant en guise de base et une mousse à la passion qui a beaucoup de goût. Bref, que des réussites et vous pouvez les tester toutes en optant pour un café gourmand qui n’est pas une version au rabais, mais bien un dessert de dégustation complet. Oublions les mignardises pas à la hauteur — la pâte de la tartelette un peu molle, ça ne pardonne pas —, ces desserts terminent le repas d’une très belle manière : chapeau.

Les produits locaux et frais sont à l’honneur dans ce restaurant, c’est indéniable. Les stars de chaque assiette, c’étaient les produits de la mer ou de la terre, bien plus que les accompagnements, bons, mais pas indispensables. Le Prieuré pourrait améliorer ce point, mais il n’en reste pas moins que la cuisine gastronomique proposée dans ce cadre moderne et confortable est excellente. Si vous cherchez une bonne table à l’écart de l’hyper-centre quimpérois, c’est une très belle adresse. Et pour une petite balade digestive, ne ratez pas le jardin du prieuré juste à côté, il est plein de plantes médicinales et le cadre juste en bordure de l’Odet est fort agréable.


  1. Trois plats, trois purées… le menu du jour aurait peut-être mérité plus de diversité. Certes, en novembre, il n’y a pas forcément autant de variété à disposition, mais tout de même, peut-être que le chef aurait pu davantage faire varier ses assiettes.