Prince of Persia : Les Sables du Temps, Mike Newell

Prince of Persia, ou le dernier travail de Jerry Bruckheimer, producteur hollywoodien de très nombreux films à succès de ces derniers, comme la fameuse série des Pirates des Caraïbes. L’affiche ne fait aucun doute à ce sujet, le producteur importe bien plus que le réalisateur, dont le pouvoir est de toute façon très limité. C’est un film Walt Disney, c’est un Bruckheimer, l’esprit et le succès de Pirates des Caraïbes doivent être au rendez-vous. S’il est encore trop tôt pour se prononcer sur le succès, je trouve le contrat rempli côté esprit. Prince of Persia est un blockbuster familial rythmé et efficace, un film qui détend et qui s’oublie vite.

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Prince of Persia Les Sables du Temps s’inspire librement de Prince of Persia, le jeu vidéo. L’adaptation est très libre, puisqu’à part l’univers de la Perse juste avant la conquête musulmane et à part l’idée de la dague qui permet de remonter le temps de quelques minutes, les scénaristes n’ont rien gardé des jeux de toute façon assez pauvres sur le plan scénaristique. Cet univers mythologique permet en tout cas de broder une histoire dans le plus parfait esprit Walt Disney. Soit, donc, un prince et une princesse : lui n’est pas un prince par le sang, mais un orphelin voleur qui est gracié et adopté par le roi perse ; elle par contre est une vraie princesse, fille de roi suppose-t-on en tout cas puisque le film laisse le mystère planer sur sa famille. Les deux sont évidemment appelés à se rencontrer et à finalement s’aimer, le suspense n’étant pas un élément au programme dans un tel film. Ils se rencontrent dans ces circonstances forcément déplaisantes, alors que le Prince perse (qui a un nom, Dastan) a gentiment mis à sac la cité d’Alamut (quel joli nom), cité de la belle Tamina (la princesse, faut suivre). Par une série de malencontreux évènements, Dastan tombe sur une bien jolie dague avec un manche de verre creux contenant du sable.

Le film entier se construit autour de cette dague. Notre fougueux héros, suspecté de la mort de son père adoptif et donc en fuite, découvre vite son utilité et apprend de la princesse, de fil en aiguille, tout le mythe qui l’entoure. Faisons simple : cette dague est à la fois très puissante et très dangereuse puisque c’est un cadeau des Dieux en personne. La posséder permet potentiellement de contrôler sérieusement le temps, ce que les Dieux ne sauraient tolérer et il s’agit donc d’éviter qu’elle tombe entre les mauvaises mains (comprendre, entre les mains du vil méchant), sous peine de quoi ce n’est rien de moins que le monde qui disparaîtra. Évidemment, le vil méchant1 cherche à tout prix à l’avoir pour modifier le cours de son histoire personnelle et évidemment, les deux tourtereaux devront tout faire pour éviter que cela n’arrive. Nul besoin d’avoir fait une thèse sur le cinéma pour se douter que l’entreprise du méchant va finalement lamentablement échouer puisque les gentils vont, in extremis of course, l’emporter. Et le Prince finit par conclure avec la Princesse, un peu sur un malentendu quand même, il faut dire.

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Disons-le, le scénario de Prince of Persia importe peu et ça n’est pas le point fort du film. L’histoire est posée d’emblée sur des rails et se déroule ensuite conformément au plan, sans réelle surprise. Le happy-end complet est attendu et ne déçoit pas, tandis que le héros doit faire face à une série d’obstacles dans la plus grande tradition des récits héroïques. Il va aussi, comme il se doit, grandir, connaître des tas de choses sur lui-même et le sens de la vie et revenir différent (ce que la Princesse voit immédiatement, c’est pas une Princesse de rigolos). Évidemment, sa basse condition de départ était nécessaire pour rappeler à tout le monde que l’on peut, à la seule force de ses mains, réussir dans la vie, on est quand même dans un film américain. Le scénario est construit exclusivement pour permettre aux scènes d’action de se suivre selon une certaine logique et pour que les spectateurs restent dans la salle pendant les deux petites heures que dure le film. À cet égard, on peut dire que la mission est réussie, les scènes d’action s’enchaînent avec un bon rythme et les pauses amoureuses ou explicatives ne sont jamais trop longues pour susciter l’ennui.

Parlons-en des scènes d’action, car après tout Prince of Persia est d’abord un film à grand spectacle censé divertir et impressionner les spectateurs. Remercions déjà Walt Disney de ne pas avoir cédé sur ce blockbuster à la très détestable mode de la 3D bricolée a posteriori à la va-vite. Bien au contre, Prince of Persia est même un film à l’ancienne réalisé sans fonds verts et avec de vrais décors grandeur nature, le film ayant été tourné en majeure partie au Maroc2. Le beau (et surtout musclé) Jake Gyllenhaal se vante d’avoir réalisé toutes les cascades lui-même, ce qui n’est pas une mince affaire. Les scènes d’action se déroulent essentiellement en ville où tous les murs ou toits deviennent des prétextes à sautiller, marcher sur les murs, faire des triples salto arrière et autres techniques regroupées sous le nom de Parkour, ensemble de techniques inventé dans les banlieues françaises (cf Yamakasi ou Banlieue 13 pour des illustrations) ! Cette pratique est classique, mais efficace et je dois dire que les scènes d’action sont plaisantes, nerveuses sans être illisibles. Les scènes où des armées s’affrontent sont assez banales, mais de toute façon assez rares, l’essentiel consistant à des combats rapprochés entre quelques hommes, avec souvent ce pauvre Dastan au milieu, spécialiste pour toujours être au mauvais endroit, au mauvais moment.

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Si Prince of Persia est efficace, il faut bien avouer qu’il n’a pas pour lui la palme de l’originalité. Il semble que le genre du blockbuster peine à se renouveler et même si on n’atteint pas le degré de déjà-vu d’un Robin des Bois, on est bien obligé de retrouver d’augustes (ou pas) prédécesseurs chez ce prince perse. La référence la plus évidente est indéniablement Pirates des Caraïbes à tel point que l’on peut parler d’un « Pirates des Caraïbes au désert » à propos de Prince of Persia. Plus que dans l’univers (encore que, des preux chevaliers, qu’ils soient perses ou britanniques, cela ne change pas grand-chose finalement), c’est par le style scénaristique que l’on trouve des points communs : même humour plus ou moins discret et permanent, même histoire d’amour sur le thème du « je t’aime, moi non plus » et à base de vacheries balancées de part et d’autre, même galerie de personnages secondaires, même action aussi… L’univers perse semble définitivement inspiré par 300, notamment dans les costumes, tandis que la fin est un plagiat même pas dissimulé d’Indiana Jones. Prince of Persia a néanmoins pour lui une mise en scène clairement inspirée par le jeu vidéo : tous les blockbusters s’inspirent désormais des jeux, autant que les jeux s’inspirent du cinéma d’ailleurs, mais là c’est explicite et paroxystique. L’effet est saisissant dans les premières scènes de combat, quand la caméra se déplace comme dans les cinématiques qui ponctuent les jeux modernes, et quand elle monte sur le rempart comme s’il s’agissait des niveaux d’un jeu.

Prince of Persia Les Sables du Temps est, comme tous les films à grand spectacle d’Hollywood, une sorte de miroir du monde contemporain. Mais les scénaristes ont vraiment fait fort en l’occurrence puisque l’attaque initiale contre la ville est justifiée par la présence supposée d’armes qui n’ont en fait jamais existé. Comment ne pas y voir une référence à peine déguisée à la guerre en Irak, d’autant que le cadre géographique s’y prête… Dès lors, quand le scénario permet un retour en arrière, on peut y lire la marque symbolique du regret américain. Ah, si seulement les États-Unis pouvaient simplement revenir en 2003 et arrêter la guerre… semble signifier, in fine, Prince of Persia. Un retournement intéressant par rapport à 300 qui semblait au contraire valider l’intérêt de la guerre.

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Prince of Persia n’est pas un grand film et pour être franc, ça n’est sans doute même pas un bon film. Le scénario semble bien vide quand on y repense, le film n’apporte rien contrairement au modèle explicite des Pirates des Caraïbes qui avaient quelque peu renouvelé le genre notamment par ce second degré constant. Jake Gyllenhaal n’est pas Johnny Depp, mais je trouve qu’il s’en sort bien et qu’il a plus à faire valoir qu’une musculature impressionnante, il semble constamment marqué par cette ironie. Gemma Arterton par contre n’est présentée à l’écran que pour attirer la gent masculine, et autant le dire, elle est souvent présente à l’écran.

Pas un film mémorable donc, mais à condition de le prendre simplement pour ce qu’il entend être — un divertissement grand spectacle et familial —, et de ne rien en attendre d’autres, Prince of Persia ne déçoit pas. On s’amuse dans la salle devant le film, on l’oublie sitôt le pas de la porte franchi… que le cinéma peut être simple parfois.


  1. Je ne révélerai pas son identité, sous peine de spoiler. Enfin, il a quand même une sacrée tête de méchant… 
  2. Qui, comme l’indique très sobrement le dossier de presse, dispose d’un « gouvernement […] très accueillant ».