Quelqu’un doit mourir, Manolo Caro (Netflix)

Mini-série de trois épisodes seulement, Quelqu’un doit mourir est plus proche du long-métrage que de la série. La création originale Netflix nous plonge dans l’Espagne franquiste des années 1950, au cœur de deux familles bourgeoises près de Madrid et surtout en plein dans l’homophobie qui s’empare de la société espagnole. Manolo Caro imagine un drame meurtrier qui débute avec le retour du fils de l’une des deux familles après dix ans au Mexique, mais au lieu d’imaginer une histoire d’amour, il préfère une approche hélas plus réaliste historiquement, mais aussi plombante. L’homophobie est tellement prenante et intense que Quelqu’un doit mourir devient terriblement angoissante et même déplaisante. Dommage.

Après avoir passé dix ans chez sa tante au Mexique, Gregorio rentre en Espagne pour voir sa famille. Son père espère en faire le mari de la fille et le patron de l’usine de chaussures des Almada, d’autres bourgeois bien placés dans la société franquiste, mais son fils a d’autre plan. Il arrive avec Lázaro, un bon ami mexicain avec qui il compte bien faire un tour d’Europe. La dernière chose qu’il cherche est de fonder une famille dans cette société rétrograde, d’autant qu’il est homosexuel et qu’il est fou amoureux de Lázaro. Dans cette société pétrie de bigoterie, être gay est presque aussi grave que d’être « un rouge » et on envoie les homosexuels se faire torturer en prison, sans aucun ménagement. Le simple fait que Gregorio soit gay remet en cause la carrière de son père et jette la disgrace sur toute la famille. Quelqu’un doit mourir se déroule ainsi dans un monde rétrograde, où l’homosexualité n’est même pas considérée comme une maladie, mais comme une calamité à éradiquer d’une main ferme. Autant dire que le niveau d’homophobie est très élevé, mais Manolo Caro se contente de le présenter comme s’il s’agissait d’un documentaire. Au lieu d’en tirer une histoire personnelle et de laisser à ses personnages un rayon d’espoir, il s’obstine à présenter une situation noire et désespérée. Le choix de faire de Làzaro un hétérosexuel est intéressant pour déjouer les clichés — c’est un danseur de ballet —, mais cela veut dire qu’il n’y a aucune trace d’amour entre lui et Gregorio. Il pourrait y avoir une piste avec Alonso, son ami d’enfance avec qui il a eu une romance, mais il est devenu le pire homophobe qui soit et le scénario ne lui laisse aucune ouverture non plus. Dès lors, que reste-t-il ? Trois épisodes d’horreur absolue et un champ de cadavres pour conclure cette histoire sordide. Quel intérêt ? Quelqu’un doit mourir laisse entrevoir des lueurs, pour mieux les étouffer dans la foulée et on en ressort avec un profond malaise, comme si l’on avait vu une œuvre homophobe au lieu du pamphlet contre l’homophobie qu’elle est censée être.

Le casting impeccable — Carmen Maura en tête, elle est impressionnante de noirceur et de froideur —, la mise en scène léchée et la bande-originale réussie ne parviennent hélas pas à compenser. Quelqu’un doit mourir est une série plombée du début à la fin, une illustration effrayante d’une Espagne franquiste obsédée par les armes (pauvres pigeons) et par sa peur de l’homosexualité. C’est peut-être un témoignage important de cette époque, même si ce n’est pas une découverte que Franco a imposé une horrible dictature en Espagne. Ce n’est pas une bonne série, et c’est finalement aussi bien qu’elle ne dépasse pas les trois épisodes.