Les Revenants, Fabrice Gobert (Canal+)

Les séries télévisées françaises qui, non seulement connaissent du succès en France, mais se vendent aussi ailleurs, ne sont pas très courantes. Les Revenants entre dans cette catégorie et c’est totalement justifié : la série n’a beau compter qu’une seule saison de huit épisodes1, elle impose son ambiance si particulière et reste longtemps en mémoire après la première vision. Fabrice Gobert s’inspire d’un long-métrage de 2004 qui portait le même titre pour imaginer cette histoire de morts qui reviennent dans un village perdu en montagne. L’ensemble est un récit fantastique qui monte crescendo jusqu’au final d’une intensité rare, mais sans trop en faire dans l’intervalle. Loin des productions américaines qui avancent toujours à toute allure, Les Revenants repose sur un rythme lent et posé qui fonctionne complètement. Une très belle série, à ne pas rater.

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Les Revenants commence avec un car, qui roule sur les routes sinueuses de la montagne. À son bord, des adolescents en route vers une destination qui reste mystérieuse, car ce n’est vraiment pas le sujet de cette série. Quand le véhicule rate un virage et tombe dans un ravin, on ne nous explique rien de plus : ce n’est pas, non plus, le sujet. Fabrice Gobert ne cherche pas à tout expliquer, il préfère faire confiance à l’intelligence des spectateurs et ainsi quand l’intrigue à proprement parler se met en place avec le retour de Camille, morte quelques années plus tôt dans cet accident de car, il ne nous explique rien. C’est d’autant plus troublant que Camille elle-même ne sait pas qu’elle est morte dans un premier temps et elle ne le découvre qu’à travers le visage horrifié de sa mère, puis des autres proches. Très progressivement, au fil des épisodes, on comprend ce qui se passe, que des morts reviennent après des laps de temps plus ou moins longs, et qu’ils essaient de se réintégrer parmi les vivants. Les morts-vivants ne sont pas très originaux, mais Les Revenants n’a pas grand-chose à voir avec les films d’horreur traditionnels. Son concepteur évoque volontiers Morse, l’étonnant film de Thomas Alfredson qui se centrait sur un vampire avec une normalité inquiétante. Il en va de même ici : il n’y a aucun zombie, car ces morts de retour semblent parfaitement normaux. Et c’est précisément ce qui est troublant. La mise en scène de Fabrice Gobert n’a pas son pareil pour instaurer une gêne qui ne nous quitte plus et qui est partagée par les vivants : une brillante idée.

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On l’aura compris, Les Revenants n’a rien d’une série typique et il est fort probable que les remake prévus à l’étranger perdent cette originalité. Si ces huit épisodes sont si puissants, s’ils laissent un tel souvenir, c’est d’abord en raison de leur atmosphère qui instaure un doute permanent sous des dehors de normalité. Au fond, on ne prend pas immédiatement conscience de ce qui se passe et il faut la saison entière pour atteindre la situation avec laquelle un film d’horreur traditionnel aurait commencé. On n’en dira pas pour préserver le mystère de la série, mais on peut constater encore une fois que le scénario a été parfaitement écrit pour créer cet effet de tension permanente. Disons même, de suspense, même si Fabrice Gobert prend son temps et fait évoluer l’action à un rythme très lent, au contraire. Ne vous attendez pas à des scènes d’action, il n’y a bien qu’une séquence ou deux où la violence émerge brutalement, mais elles restent minoritaires. Ne comptez pas sur des cliff-hangers énormes, ici le doute s’instille toujours plus et chaque épisode ajoute des questions plutôt que d’apporter des réponses. Et peut-être que la saison suivante en apportera finalement, mais ce serait un petit peu dommage : l’absence de réponses est un élément clé du suspense qui s’instaure rapidement. C’est cet ensemble de bons points qui font que Les Revenants reste comme une grande série et qui permettent d’oublier les petits défauts, notamment dans le jeu de certains acteurs. La photographie sublime, les décors inquiétants dénichés essentiellement autour d’Annecy et la musique tout simplement parfaite composée par Mogwaï s’accordent à merveille.

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Le réalisateur a souvent cité Twin Peaks et on comprend pourquoi, tant cette référence s’impose d’elle-même. Il y a ces plans du barrage qui surplombe la commune et qui rappellent forcément ceux de la cascade dans la série culte. Il y a surtout cette ambiance glacée qui, mieux qu’un film d’horreur musclé, instaure la gêne et le suspense nécessaire. Les Revenants est une série d’ambiance et Fabrice Gobert maîtrise son sujet, c’est une très belle réussite. Ne passez pas à côté de cette première saison, en espérant que la suite soit à la hauteur.


  1. Une deuxième saison a été tournée néanmoins, pour une sortie prévue à l’automne prochain.