The Rider, Chloé Zhao

Si l’on se contente de lire son intrigue, The Rider pourrait ressembler à un énième western sans grand intérêt. Cet avis change du tout au tout néanmoins quand on découvre le casting non professionnel et une histoire qui se base très largement sur leur propre réalité. Chloé Zhao n’a techniquement pas créé de documentaire, mais on ne s’éloigne jamais de ce contexte réaliste dans cette réserve indienne du Dakota du Sud où le rodéo semble être la seule option et le seul rêve de la majorité des garçons. Loin de l’esthétique du documentaire, The Rider magnifie les plaines immenses de cette région sauvage pour mieux mettre en valeur la détresse de ses habitants. Une œuvre poignante, à découvrir.

Chloé Zhao a construit son film autour de Brady, jeune indien cowboy de vingt ans qui dresse des chevaux sauvages depuis qu’il a huit ans. La réalisatrice tournait son œuvre précédente dans le coin quand elle s’est intéressée à ces indiens au teint souvent clair qui vivent encore largement comme leurs ancêtres, et comme le cliché du cowboy l’envisage. La maîtrise parfaite de Brady avec les chevaux, son instinct inouï qui lui permet de gagner la confiance des animaux sauvages en quelques minutes devait être le sujet original du film, mais un terrible accident a bouleversé les plans. Le vrai Brady est tombé d’un cheval pendant un vrai rodéo et il a été blessé d’un coup de sabot sur le crane qui l’a laissé des séquelles significatives. C’est précisément cette histoire qui offre au projet son architecture, The Rider commençant alors que Brady vient tout juste de rentrer de l’hôpital, pas encore vraiment guéri de sa blessure. Le long-métrage suit sa lente guérison et surtout son désir de remonter sur un cheval aussi vite que possible, alors même que les médecins le préviennent très clairement que cela pourrait le tuer. On pourrait le critiquer, mais quel autre espoir pourrait-il avoir ? Sa vie est tournée vers le dressage des chevaux depuis qu’il est tout petit, c’est le métier que ses parents lui ont appris et il n’a reçu aucune autre éducation. Sa seule alternative est de survivre avec un salaire de misère comme caissier dans le supermarché du coin, alors que son rêve le renvoie vers les grands espaces et les chevaux. Chloé Zhao a parfaitement su comprendre et transmettre son état d’esprit et ses dilemmes et Brady Jandreau les rend admirablement bien face à la caméra. Ce qui est le plus troublant, c’est qu’on oublie constamment que l’on a affaire à des acteurs non-professionnels qui jouent leur propre rôle et sont dans leur vrai élément. La cinéaste a filmé son personnage principal dans ses tâches du quotidien, mais l’ambiance n’est pas celle d’un documentaire. C’est sans doute lié à la photographie, avec ces ombres chinoises qui sont peut-être un cliché, mais qui n’en sont pas moins magnifiques. Il faut aussi saluer le talent de la réalisatrice pour mettre en scène ce réel et, malgré une équipe technique réduite au minimum, a su intégrer l’indispensable point de vue du créateur au sein de scènes du quotidien. Ce qui permet à The Rider d’enchaîner quelques séquences très touchantes, notamment entre Brady Jandreau et Lane Scott, son ami très fortement handicapé lui aussi depuis son accident de rodéo.

In fine, c’est bien ce qui surprend le plus avec le film de Chloé Zhao. Sans utiliser d’acteurs professionnels et en suivant de très près la réalité de vraies personnes, elle parvient à raconter une histoire intense qui pourrait tout à fait sortir de l’imagination d’un scénariste de fiction. The Rider est un objet cinématographique hybride passionnant pour cette raison, mais aussi tout simplement parce que ces cowboys qui n’ont pas vraiment d’autre avenir qu’une activité dangereuse est la base d’une surprenante et excellente histoire. Ne passez pas à côté.