Après la mort de son fondateur, les studios créés par Walt Disney ont du mal à rebondir, et cela se sent. Les Aristochats manquait déjà d’originalité en reprenant plusieurs idées de ses prédécesseurs, mais ce n’était rien en comparaison du vingt-et-unième classique, Robin des Bois. Le sujet était pourtant bien trouvé pour une histoire plus originale : les studios renouent avec leurs premières amours en s’inspirant, à nouveau, d’un mythe européen. Wolfgang Reitherman et ses équipes s’inspirent très librement de l’histoire de Robin des Bois, mais c’est aussi le Roman de Renart qui alimente le scénario. Le résultat n’est pourtant pas aussi réjouissant qu’escompté, la faute à des reprises beaucoup trop nombreuses et visibles des précédentes réalisations du studio. Au total, Robin des Bois reste un divertissement familial plaisant, mais il trahit un manque d’inspiration qui devient gênant pour Walt Disney.
En théorie, rien de commun entre l’histoire de Robin des Bois et celle du Livre de la Jungle. Pourtant, ces deux classiques Disney partagent de nombreux points communs, à tel point que l’on pourrait croire qu’il ne s’agit que d’une seule et même œuvre, dupliquée selon deux variantes. De fait, faute de moyens ou faute d’animateurs de talent, les studios Disney recyclent pour une bonne part du travail, si bien que l’on a un sentiment de déjà-vu bien présent dès les premières images. De fait, le duo formé par Robin des Bois et Petit Jean rappelle fort celui de Mowgli et Baloo. Le studio a choisi des animaux plutôt que des humains pour raconter l’histoire mythique, et même des animaux anthropomorphisés, une première pour un classique Disney. Robin est ainsi un renard et son compagnon, Petit Jean, un grand ours, comme Baloo. Le même acteur a fait les deux voix et les deux personnages qui ne devraient rien avoir en commun partagent en fait beaucoup, à commencer par la même personnalité. Quand on compare les deux films, c’est frappant : Robin des Bois ressemble à un clone par moment. Le problème, c’est que les studios ne se sont pas contentés de reprendre un personnage. Tout au long du film, on peut noter en permanence des rappels, qui des Aristochats, qui d’un long-métrage plus ancien encore. Même si le choix des animaux plutôt que des humains pour raconter cette histoire mythique n’est pas stupide en soi, on voit bien qu’il répond d’abord à un besoin qui n’est pas très glorieux. Au-delà du manque d’inspiration, le manque de moyens commence à se faire sérieusement sentir, que ce soit dans l’animation qui copie/colle des séquences, ou dans le scénario qui aurait bien mérité un peu plus de soin.
Pour toutes ces raisons, Robin des Bois laisse un goût amer et ce nouveau classique montre bien que le studio a besoin de se renouveler, d’oublier son fondateur et d’essayer de réfléchir par lui-même, plutôt que de toujours essayer de savoir ce que Walt Disney aurait fait. La présence, à nouveau, de Wolfgang Reitherman — seul cinéaste du studio pendant plus de quinze ans — signale bien ce manque de renouvellement. Le constat est sévère, mais il ne faut pas non plus oublier que ce nouveau classique remplit son cahier des charges et offre ainsi un divertissement de qualité. Le personnage de Robin n’a aucun intérêt, pas plus que celui de Marianne, la renarde qu’il aime et qu’il finira par épouser, on n’en doute pas une seconde. Comme toujours, ce sont les personnages secondaires, bons ou méchants, qui font tout l’intérêt du film. On apprécie le personnage de Petit Jean, même si on a un peu le sentiment de l’avoir déjà vu quelques années auparavant, dans un autre contexte. Robin des Bois est surtout réussi grâce à l’étonnant Prince Jean, le frère de Richard Cœur de Lion qui, rappelons-le, remplace le roi pendant son absence occasionnée par les Croisades. La version Disney en fait un roi, c’est logique, mais un roi peureux qui a du pouvoir et qui n’hésite pas à l’utiliser, certes, mais qui est surtout ridicule quand il tète son pouce en pensant à sa mère. Contrairement à d’autres productions, ce classique Disney n’a pas de vrai méchant et ce n’est certainement pas Triste Sire, le serpent qui l’accompagne, qui va changer cela. Réplique parfaite du Kaa du Livre de la Jungle, ce personnage bouffon est parfois amusant, mais jamais inquiétant. C’est sans doute ce qui explique que Robin des Bois est un bon divertissement, mais un de ceux que l’on ne retient pas vraiment, faute d’enjeux suffisants.
Sans être indigne, Robin des Bois est très nettement un cran en dessous des productions habituelles des studios Disney. Pour la première fois peut-être, on a le sentiment que l’absence de Walt Disney se fait vraiment sentir et devient même une gêne. Faute de savoir comment rebondir, l’habituel Wolfgang Reitherman fait le travail demandé, mais sans passion, pour un résultat assez moyen.