Le Royaume de Ga’Hoole : la légende des gardiens, Zack Snyder

« Les enfants ont enfin leur Seigneur des Anneaux » clame l’affiche de La Royaume de Ga’Hoole : la légende des gardiens, le dernier film de Zack Snyder. Le ton est donné : celui qui a réalisé des films aussi adultes que 300 ou Watchmen a changé de domaine pour réaliser un film pour enfants. La barre est placée très haut avec la référence au chef-d’œuvre de Tolkien et si le film offre bien un récit fantastique plein de héros et de quête contre le Mal, on ne peut s’empêcher de trouver la comparaison un peu légère. Plus que Le Seigneur des Anneaux, la référence qui vient à l’esprit est Narnia, sans doute à cause du public visé. La Royaume de Ga’Hoole : la légende des gardiens est un divertissement plutôt plaisant, à défaut d’être inoubliable…

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Si vous ignorez que, dans les contes pour enfants, les méchants gagnent rarement à la fin, arrêtez immédiatement votre lecture et allez d’abord voir le film.

La Royaume de Ga’Hoole : la légende des gardiens raconte l’histoire de Soren, une jeune chouette qui rêve de grandes batailles mythiques racontées par son père. Il vit en famille dans le trou d’un grand arbre, avec ses deux parents, un grand frère qui ne croit pas aux récits paternels et une petite sœur qui a les yeux aussi brillants que Soren quand le récit commence. Un soir, ne respectant pas la consigne paternelle comme tous les enfants de l’univers, Soren et son frère sortent du trou pour essayer de voler et ils tombent rapidement au sol, incapables encore de voler. Bloquées au sol, les deux jeunes chouettes sont kidnappées par deux chouettes adultes qui les emmènent dans un lieu terrifiant, le refuge de la terrible tribu des Sangs Purs. Ces chouettes pensent qu’il y a plusieurs races de chouettes et que certaines sont supérieures aux autres, la leur évidemment. Au nom de ce principe, elles veulent asservir toutes les chouettes inférieures et tuer le clan adverse, les Gardiens de Ga’Hoole, arbre rendu mythique par la terrible bataille du récit paternel. Leur plan démoniaque vise à prendre le contrôle sur toutes les chouettes et le film raconte comment, grâce à Soren, les gentils vont vaincre les méchants.

Nul doute, on est en terrain connu avec La Royaume de Ga’Hoole : la légende des gardiens. Toutes les thématiques des contes pour enfants sont réunies dans ce film qui brasse aussi un pot-pourri de Heroïc-Fantasy que de nombreux films ou romans récents exploitent sans cesse. L’opposition entre deux clans, l’un incarnant le mal et l’autre le bien, se retrouve dans l’opposition explicite dès les premières secondes entre les deux frères. On se doute très vite que Soren, brave et généreux, va rejoindre les gentils quand son frère, couard et vantard, rejoindra les méchants. La famille déchirée en début de film qui se réunit à la fin, c’était attendu aussi, de même que la fin ouverte avec un duel fraternel encore plus terrible à venir pour un prochain épisode. La Royaume de Ga’Hoole : la légende des gardiens met en scène des chouettes, mais nonobstant leur capacité à voler, il pourrait très bien s’agir d’humains. Ces chouettes parlent et agissent comme des humains. Le récit suit les schémas classiques d’un conte épique, avec une série d’épreuves que le héros doit affronter pour mener à bien sa quête qui est pour l’heure de sauver le clan des gentils contre les méchants. Même le duel avec le grand chef des méchants, comme un boss de fin de niveau, a été maintenu. Aucune originalité donc, mais après tout ce n’est pas un problème en soi, surtout pour un film qui entend parler aux enfants. On se souvient qu’Avatar, par exemple, puisait dans les mêmes récits simples, voire simplistes sans, à mon sens, que cela pose un problème.

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Le problème de La Royaume de Ga’Hoole : la légende des gardiens ne vient pas tant de son scénario à l’originalité proche de zéro, que de son ton très étrange, à mi-chemin entre le film pour enfants et le film adulte. Zack Snyder utilise tous les attributs du film familial à destination des plus petits, avec un ton très niais notamment entre les frères et sœurs et avec un usage abondant des personnages secondaires à caractère comique qui confère au film un ton très léger et empêche de le prendre au sérieux. Ainsi, les chouettes qui kidnappent notre héros et son frère jouent à faire les méchants et ne cessent de répéter leur rôle, l’une montrant à l’autre comment elle compte faire peur à coups de grimaces. Côté gentil, on a le traditionnel duo de comiques, deux chouettes qui se chamaillent sans cesse, l’une chantant à tout va des chansons ridicules et mal chantées. Cette ambiance légère est renforcée par une insouciance constante du récit : le héros se sort toujours avec une facilité déconcertante des situations les plus difficiles. On l’aide chez les méchants d’où il s’enfuit tout simplement alors qu’il n’est pas censé savoir voler. Plus tard il sera sauvé in extremis par les gentils, et dans la grande bataille finale il sait exactement ce qu’il faut faire, comment le faire et réussit à voler au cœur d’un incendie sans même avoir le bout des ailes grillé. Certes, c’est un héros et on s’attend qu’il réussisse sa tâche, mais ce manque total de réalisme gâche le suspense ou le plaisir de suivre cette quête puisque l’on sait à l’avance que rien de sérieux ne peut lui arriver. Mais La Royaume de Ga’Hoole : la légende des gardiens n’est pas un film pour enfants conventionnel et il semble même bien adulte pour le public qu’il vise. S’il fait preuve d’insouciance et de naïveté avec son héros, il est en revanche très noir avec ses méchants. Les décors sont impressionnants, un mélange entre ceux du Roi Lion (quand les méchants gagnent) et le Mordor du Seigneur des Anneaux. Les méchants eux-mêmes sont des balafrés assez terrifiants et qui ont en plus des idées manifestement inspirées par les nazis qui sont certainement complexes pour les enfants, un peu trop clichés pour les adultes. Mais le plus étrange est que le film n’est pas aussi manichéen qu’on pourrait le croire : certes, c’est la lutte du bien contre le mal, mais même les personnages positifs ne sont pas entièrement positifs. Soren apprend ainsi que son héros n’est en fait pas parfait, qu’il a combattu, qu’il a été blessé et que la guerre est quelque chose de terrible, même quand on la mène pour une noble cause. On est bien loin des contes pour enfants…

Zack Snyder reste Zack Snyder, même quand il réalise des films pour enfants. La Royaume de Ga’Hoole : la légende des gardiens est ainsi très clairement un film de Zack Snyder, et l’esthétique qui le caractérise jusqu’à la caricature depuis 300 est toujours présente, quoique sérieusement édulcorée. Elle se traduit d’abord par les ralentis, effet de prédilection du réalisateur, qui se multiplient également dans ce film. À plusieurs reprises, surtout pendant les vols de chouettes ou les combats, Snyder fige les mouvements et nous offre ainsi la possibilité de bien les apprécier. Mais ce qui fonctionnait plutôt bien dans l’esprit un peu second degré de 300 obtient ici un résultat étrange, contre-productif. Ces ralentis cassent un peu le rythme de l’épopée et n’apportent pas grand-chose au film. La réalisation est sinon soignée, avec des chouettes très réalistes et plutôt réussies en terme d’anthropomorphisme. J’ai vu le film en 2D, mais on sent qu’il a été réalisé pour la troisième dimension : difficile d’évaluer l’intérêt de la 3D, mais les effets ne doivent pas manquer…

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La Royaume de Ga’Hoole : la légende des gardiens est un film finalement assez mal défini et positionné. Il est à la fois trop enfantin pour les adultes qui peineront à apprécier cette épopée de plus, sans vraie originalité et trop premier degré. Les enfants de leur côté, le public visé explicitement par le film, seront peut-être un peu trop impressionnés par ce récit noir et par certains aspects trop réalistes. Le mélange des genres ne fonctionne pas très bien je trouve. Le spectacle reste globalement divertissant, mais tout de même un poil convenu et ennuyeux.

Avis partagés sur la toile. Critikat n’a pas apprécié ce déséquilibre et regrette une mise en scène qualifiée de grandiloquente. De même, Rob Gordon pointe du doigt un film trop « narniais » (bien vu !) et trop violent et compliqué en même temps. Nicolas par contre a bien aimé, apparemment parce que le film a fait remonter des souvenirs d’enfance… Malgré quelques points négatifs, on a bien aimé aussi chez Angle[s] de vue.