« S’ils vous entendent, c’est déjà trop tard » : l’affiche résume le principe de base de Sans un bruit et le moteur premier de son intrigue. Pour son troisième passage derrière les caméras, John Krasinski se tourne vers l’horreur tendance science-fiction post-apocalyptique. Dans cet univers, des créatures hideuses et surtout extrêmement résistantes ont décimé la majorité de la population. Ceux qui restent survivent en silence, puisque les bestioles sont aveugles, mais sont dotées d’une ouïe exceptionnelle. Voilà le principe de base et le long-métrage ne va jamais plus loin, ce qui est son plus gros point fort. Le film souffre de quelques défauts, mais Sans un bruit reste très prenant et mérite d’être vu si vous n’avez pas peur de sursauter sur votre fauteuil.
John Krasinski a la bonne intuition de plonger ses spectateurs dans l’univers sans attendre, et sans montrer comment cela a commencé, sans expliquer le problème. La première scène se déroule dans un silence parfait, on ne comprend pas encore pourquoi, mais on voit les personnages évoluer dans une boutique en faisant extrêmement attention à ne pas faire de bruit. Ils évitent non seulement de faire tomber quoi que ce soit, mais les personnages ne parlent même pas entre eux, ils s’expriment en langage des signes. Dans la famille, la fille est sourde de naissance, ce qui explique que tout le monde maîtrise cette langue muette. Naturellement, la vraie raison qui pousse au silence est bien plus grave, comme le suggère la une de journal que l’on voit de manière fugace à la sortie du magasin. « C’est le son ! » et c’est tout ce que l’on aura comme explications, avant de voir concrètement ce que cela veut dire. Quelques minutes plus tard, l’un des enfants de la famille se fait avaler tout rond par une créature qui débarque à la vitesse de l’éclair quand il allume le jouet emporté contre l’avis de ses parents. La voici, la menace qui planait, associée au son et cette introduction subtile et discrète est vraiment excellente. Sans un bruit parvient à tenir cette ligne jusqu’au bout, on ne saura jamais d’où ces créatures viennent et ce qu’elles font, on ne verra pas l’armée débarquer pour sauver tout le monde, on se concentre exclusivement sur cette famille qui essaie de survivre alors qu’un enfant va bientôt naître. Comment empêcher un nouveau-né de faire le moindre bruit ? C’est en quelque sorte l’enjeu principal du film de John Krasinski et on apprécie cette modestie de moyens, le sentiment d’être quasiment en huis clos au cœur de la famille. Les acteurs parviennent à transmettre les émotions nécessaires sans la parole et les silences qui précèdent les séquences d’action ou annoncent l’arrivée d’un problème sont fort classiques, certes, mais aussi très efficaces. Difficile de ne pas sursauter une fois ou deux, surtout dans l’obscurité d’une salle de cinéma et à cet égard, le contrat est bien rempli. Ce pourrait donner un excellent film, mais ce n’est pas le cas à cause de quelques erreurs de la part du scénario ou de la réalisation. L’histoire n’évite pas quelques facilités un petit peu grossières, à l’image de ce clou au mauvais endroit qui est un peu trop facile, ou bien de l’inondation qui sort de nulle part un petit peu trop au bon moment. Le plus gros impair toutefois, c’est la bande-originale qui est non seulement assez moyenne (des nappes de violons, on a vu plus original), mais surtout superflue dans un film basé sur le silence. On imagine que les producteurs n’ont pas voulu d’un choix aussi radical, mais Sans un bruit aurait été beaucoup plus fort sans aucune musique extérieure à l’action.
Sans un bruit n’est pas parfait donc, mais le long-métrage sait rester bref et concentré sur le cœur de son sujet jusqu’au bout et l’expérience reste ainsi toujours plaisante. Et puis on a déjà vu des centaines de blockbusters post-apocalyptiques avec des monstres, mais l’idée du silence est plus originale et très bien trouvée. En somme, John Krasinski a réalisé un petit film parfaitement adapté à cette saison estivale et même s’il ne restera sans doute pas dans les annales du cinéma, il n’en reste pas moins très sympathique.