Sans identité est un film pour le moins inattendu. Un réalisateur espagnol, un film financé par pas moins de six pays, un thriller qui s’annonce à la hauteur des plus grosses productions hollywoodiennes (la trilogie Jason Bourne est citée explicitement par l’affiche), un casting de luxe… le tout pour un film sans identité ? La formule est facile, mais aussi tentante et si Jaume Collet-Serra s’en sort finalement dignement, Sans identité est un thriller plaisant à regarder et efficace, mais également très vite oublié.
Martin Harris est un docteur reconnu en biologie qui se rend à Berlin pour un sommet de la plus haute importance en compagnie de sa femme, Liz. À l’arrivée à son hôtel, il se rend compte qu’il a oublié une valise contenant ses papiers à l’aéroport et il monte immédiatement dans un taxi pour retourner la chercher. En route, un accident violent projette la voiture dans le fleuve. Martin tombe alors dans le coma pendant quatre jours et à son réveil, il vit un cauchemar terrible : un autre Martin Harris a pris sa place et sa femme ne le reconnaît pas. Le voici sans identité, inconnu selon le titre original, et il va évidemment tout faire pour retrouver son nom et sa femme au passage. Sans identité fait partie de ces films-énigme où tout l’enjeu est bien sûr de perdre le plus possible le spectateur pour qu’il ne découvre pas le twist final avant l’heure.
Malheureusement, ce genre de films étant facile à reconnaître, le spectateur est sur ses gardes et attend les péripéties et les nouveaux fils dans l’histoire. Les premières pistes sont forcément les mauvaises, ce qui ne facilite pas l’adhésion à l’histoire. Cela dit, reconnaissons que Jaume Collet-Serra mène bien son affaire et que Sans identité parvient à maintenir le mystère assez longtemps. Quand la vérité éclate, on retombe en terrain connu : espionnage, meurtres, conflits autour d’enjeux planétaires (ici, la faim dans le monde) qui n’ont aucune importance. Autant le dire, la fin et sa chute ne sont pas le point fort du film, d’autant qu’elles sont amenées de manière assez brusque et on peine à croire à un tel revirement de la part du personnage principal. Le choc amène l’amnésie, certes, mais passer d’un extrême à l’autre en une fraction de seconde semble bien léger.
Si Sans identité ne brille pas par l’originalité de son scénario, il fait preuve d’une certaine énergie dans sa mise en scène qui fait de lui un film d’action très correct et même plutôt prenant. La comparaison avec Jason Bourne est inévitable (tous les films d’action sortis depuis se comparent nécessairement à cette trilogie), d’autant que l’affiche insiste sur ce rapprochement et elle ne se fait pas en faveur du film de Jaume Collet-Serra. Ce dernier se débrouille néanmoins plutôt bien dans les scènes d’action, certaines sont assez prenantes avec notamment quelques courses de voiture bien tournées dans les rues de Berlin. Le final, explosif (on n’en dira pas plus) est également assez impressionnant. Sans identité ne fait là en aucun cas preuve d’originalité, mais c’est un travail modeste et bien fait.
La réussite du film tient beaucoup dans son personnage principal et son interprète. Liam Neeson joue à la fois un homme sûr de lui et de sa version, et en même temps pris par le doute. À intervalles réguliers, l’action s’interrompt, Jaume Collet-Serra prend le temps de filmer son héros et son héroïne (Diane Kruger, très bien) et le film gagne alors en finesse. Pas de quoi faire de Sans identité un film psychologique, certes, mais c’est dans ces moments-là que le film gagne en identité… On regrette par contre les (nombreux) flashbacks qui sont rarement une bonne idée au cinéma et qui le sont encore moins quand ils sont filmés comme ici de manière très caricaturale : filmer un flashback à la manière d’un flashback apporte un résultat médiocre. C’est gênant, surtout que ces flashbacks sont rarement utiles : le scénario de Sans identité a parfois tendance à vouloir trop en dire, ne rien laisser dans l’ombre.
En définitive, Sans identité n’est pas un film déplaisant. C’est même un thriller à énigme plutôt bien fichu, un film d’action assez prenant, bref un film dans l’ensemble plutôt réussi, mais pas un film tout à fait réussi non plus. Le côté super production internationale n’a sans doute pas aidé Sans identité qui aurait peut-être gagné à être marqué par une vision plus forte. De quoi passer un bon moment de cinéma néanmoins, avant d’oublier très rapidement le film.