« Tarantinesque » : l’affiliation est revendiquée clairement par l’affiche de Sans pitié, elle s’impose à l’écran pour ce film sud-coréen. Byun Sung-hyun pioche ouvertement chez Quentin Tarantino qui puisait son inspiration dans le cinéma asiatique, et son scénario suit dans les grandes lignes Les Infiltrés de Martin Scorsese… qui s’inspirait lui-même d’une saga hong-kongaise. Un cycle étonnant pour ce thriller vif, porté par un scénario assez classique, mais très bien mené. Les retournements de situation ne sont pas tous aussi surprenants que les scénaristes l’espéraient peut-être, on reste toutefois accroché pendant près de deux heures, à suivre les histoires de mafieux et de flics infiltrés. Stylisé un petit peu comme dans un Tarantino, parfaitement interprété, bien rythmé… une vraie réussite !
Sans pitié commence justement par un échange qui pourrait sortir tout droit d’un scénario de Quentin Tarantino. Deux mafieux coréens discutent au milieu d’un port, ils parlent de poisson cru ou cuit, et de regard, notamment du regard de la victime avant de la tuer. Quand brusquement, un homme arrive derrière l’un des deux et le tue à bout portant, sans l’ombre d’une hésitation. C’est ça l’esprit du dernier long-métrage de Byun Sung-hyun, un humour très noir, aucune pitié dans le traitement des personnages, une action parfois brutale qui survient sans crier gare, et aussi une histoire alambiquée. Dans les grandes lignes, c’est très simple au fond : une policière ambitieuse qui veut faire tomber un gang de Busan et qui envoie un jeune flic pour infiltrer le groupe. Il passe quelques années en prison, gagne la confiance d’un lieutenant et occupe une place centrale dans l’organisation. Sauf que cette structure assez classique et linéaire est complexifiée par le choix d’un récit non linéaire. On navigue d’une époque à l’autre par une série de flashbacks qui amènent quelques années en arrière et qui dévoilent petit à petit ce qui s’est vraiment passé et les motivations des différents personnages. Sans pitié ne révolutionne pas le genre, ce type de structures dans le désordre pour raconter une histoire est une idée déjà vue fréquemment, chez Tarantino et ailleurs. Mais ce n’est pas grave, quand c’est aussi bien fait qu’ici : Byun Sung-hyun a le sens de la narration, on ne s’ennuie jamais et l’intrigue avance rapidement, avec quelques séquences haletantes pour ponctuer le tout. Les acteurs sont tous très bien dans leur rôle respectif, que ce soit le jeune Im Si-wan dans le rôle du flic infiltré ou Sol Kyung-gu dans celui du vieux mafieux. Entre les deux, le scénario imagine une relation de confiance qui tend vers des liens filiaux assez touchants, même si la menace plane toujours sur les deux personnages. Bon point aussi sur les motivations des différents protagonistes qui ne sont jamais claires, même si le spectateur en sait souvent plus qu’eux. Malgré tout, on se demande toujours si le flic infiltré est resté fidèle à sa hiérarchie, il y a tromperie sur tromperie et l’intérêt est ainsi maintenu jusqu’au bout. Ajoutez à cela une réalisation soignée, une photographie très travaillée, quelques plans audacieux et on obtient un long-métrage très plaisant. Peu importe dès lors que le récit ne soit pas très original, c’est un film très réussi malgré tout.
On sent bien que le jeune réalisateur sud-coréen a biberonné sa cinéphilie avec les films de Quentin Tarantino, c’est parfois extrêmement évident dans Sans Pitié. On pourrait dire que c’est dommage, mais ce serait oublier que le cinéaste américain a lui-même pioché allègrement dans le cinéma asiatique. Quelque part, c’est un juste retour à l’envoyeur, et même si on peut critiquer Byun Sung-hyun pour son manque d’originalité, force est de constater qu’il maîtrise parfaitement ses source et qu’il livre une excellente copie. Sans Pitié maîtrise parfaitement ses effets et sa mise en scène, l’histoire à tiroir est très agréable à suivre, les acteurs sont convaincants. En un mot comme un cent, ce n’est peut-être pas un chef d’œuvre, mais c’est un excellent divertissement. À découvrir.