Scream, Wes Craven

Scream a tant marqué le genre de l’horreur, que le film semble aujourd’hui banal, trop cliché. Et pourtant, à sa sortie, la réalisation signée Wes Craven semblait novateur par son utilisation constante de la référence et par son humour mêlé de gore. Il faut dire qu’en matière d’horreur, et plus précisément du genre du slasher — celui où un psychopathe élimine méthodiquement tout un groupe —, Scream fait très fort avec une intrigue parfaitement menée et une réalisation d’une redoutable efficacité. Près de vingt ans après sa sortie, le premier volet de la saga n’a pas pris une ride et malgré quelques longueurs sur la fin, on le (re)voit avec beaucoup de plaisir !

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La première scène de Scream, comme tant d’autres dans le long-métrage, est devenue culte. Une jeune adolescente seule chez elle, le téléphone sonne et une voix mystérieuse qui veut discuter. Au départ, la séquence n’a rien d’inquiétant, mais Wes Craven instaure très vite un climat inquiétant et puis même complètement dangereux. Et il n’a même pas besoin de montrer le meurtrier pour cela : on ne le découvre qu’à la fin de la scène et pendant de longues minutes, on n’a qu’une femme, un téléphone et une voix. C’est extrêmement bien réalisé, le montage participe à créer cette tension et avec lui, la musique évidemment. Tous les codes du genre sont bien respectés et quand on a déjà vu un film d’horreur ou deux, on sait que cela ne se terminera pas bien. Mais qu’importe, Scream commence sur les chapeaux de roue avec cette entrée en matière qui ne laisse pas le temps de souffler. L’intrigue se met ensuite en branle autour des principaux personnages et le scénario se donne un petit peu plus de temps pour s’installer. Le rythme reste assez soutenu, avec très rapidement une nouvelle tentative du serial-ciller au cœur du récit, puis la mise en place progressive de la scène finale, monstrueuse boucherie qui occupe environ un tiers du film. Pendant tout ce temps, Wes Craven se garde bien de révéler l’identité de son meurtrier et on essaie naturellement de le découvrir en même temps, voire avant, que les forces de l’ordre. Cette enquête est important, mais au fond, ce n’est peut-être pas l’essentiel dans ce film.

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En effet, Scream a la particularité d’être un film d’horreur qui ne parie pas forcément sur l’angoisse, ni sur le gore. La première séquence est assez impressionnante, il faut le reconnaître, mais l’ambiance par la suite n’est pas forcément très stressante. Il faut dire que le scénario ménage des périodes de comédie, une surprise dans le genre. Il y a des personnages un petit peu ridicules qui désamorcent les situations, à commencer par le meurtrier lui-même. Son costume est une trouvaille vraiment brillante1, mais son côté dangereux est constamment remis en cause par son amateurisme. À plusieurs reprises, et ce dès la première scène, il est mis en difficulté par ses victimes avec une facilité déconcertante. C’est une source d’humour en même temps qu’un indice laissé par Wes Craven quant à son identité (on n’en dira pas plus…). Mais ce meurtrier est original pas seulement parce qu’il se prend un peu trop souvent des portes et des bouteilles en pleine tête. Sa particularité, c’est d’abord que le serial-killer de Scream est un grand amateur d’horreur et qu’il connaît ses classiques sur le bout des doigts. Mieux, il s’inspire des grands noms du genre pour mieux tuer ses victimes. Tout au long du film, on a ainsi une dimension meta qui est très surprenante. La première victime doit ainsi donner les noms de ses films d’horreur préférés, puis répondre à des questions sur d’autres films d’horreur pour ne pas mourir. Par la suite, plusieurs personnages citent des films d’horreur, des scènes clés et souvent se moquent des clichés liés au genre. Clichés avec lequel Wes Craven joue aussi pour construire son film : la boucle est bouclée.

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On ne devient pas culte sans raison et Scream n’a certainement pas volé son statut. Wes Craven n’a pas toujours fait aussi bien dans la suite de la saga, mais ce premier volet est une réussite incontestable et qui mérite d’être vu, ne serait-ce que pour sa première scène. Certes, on a parfois le sentiment d’un déjà-vu, mais ce n’est pas de la faute de l’original s’il a été copié par la suite. Personnages bien définis, acteurs exactement dans leur rôle et ambiance maîtrisée à la perfection : le cocktail est excellent et Scream se regarde toujours avec beaucoup de plaisir.


  1. Et peut-être même trop brillante. Bon nombre de vrais serial-killers se sont malheureusement appropriés ce masque, au point d’en faire un symbole.