Serial, Sarah Koenig

Peut-on décortiquer une affaire de meurtre si profondément que la vérité en sortira nécessairement ? C’est à cette question que Sarah Koenig essaie de répondre quand elle s’intéresse au meurtre de Hae Min Lee, une jeune américaine d’origine coréenne qui a eu lieu en 1999 à Baltimore. Son ancien petit ami, Adnan Syed, est accusé de meurtre dans la foulée et il est toujours emprisonné, alors même qu’il a toujours clamé son innocence. Est-il coupable ? C’est précisément ce que cherche la première saison de Serial, un podcast qui se concentre sur une histoire, semaine après semaine. Assez similaire par certains aspects à la série de documentaires Making a Murderer portée par Netflix, notamment parce que l’on ne sait pas, au juste, si le meurtrier désigné est coupable. Si vous ne connaissez rien à l’affaire Hae Min Lee, n’allez pas plus loin et écoutez plutôt aux douze épisodes de ce podcast extrêmement prenant. De fait, tout l’intérêt de Serial tient dans le suspense soigneusement entretenu par Sarah Koenig et qui tient en haleine du début à la fin. Un podcast à écouter de toute urgence1 !

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Sarah Koenig n’est pas seulement la créatrice de Serial, c’est aussi cette journaliste qui a eu l’idée d’enquêter sur ce meurtre et qui a mené l’enquête (avec son équipe, naturellement), c’est elle également qui raconte une histoire. C’est la principale différence avec Making a Murderer où ses deux réalisatrices restaient en retrait, ici où il n’y a pas d’image, la voix de la journaliste nous accompagne tout au long des douze épisodes. Et Sarah Koenig ne se contente pas de rapporter des faits, elle prend parti : le premier épisode qui présente le cas Adnan Syed est très clair à ce sujet, il s’agit de savoir si Adnan ment et s’il a bien tué son ancienne copine Hae comme l’État du Maryland l’a déclaré lors de son procès en 2000, ou bien si Jay, le principal témoin de l’État, ment quand il a accusé Adnan. Dans cette histoire de meurtre en apparence très simple, soit l’accusation, soit la défense ment et Serial reprend toutes les preuves pour essayer de trouver la vérité. La base est assez simple et les premiers épisodes nous remontent dans le Baltimore de 1999, à une époque où Adnan, Jay et Hae n’étaient que des lycéens insouciants. Sarah Koenig raconte l’histoire d’amour entre Adnan et Hae, les difficultés liées à leurs origines — lui est un Musulman d’origine pakistanaise, elle est arrivée de Corée quelques années avant seulement et tous deux ne devraient en aucun cas se fréquenter — et puis leur séparation qui a servi de motif pour accuser le garçon. Jay est la seule véritable raison qui permet au jury d’envoyer Adnan en prison pour trente ans, mais est-ce une bonne raison ? N’est-il pas un témoin peu crédible ?

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La question de départ est assez simple, mais Sarah Koenig patine vite. Au départ, on sent qu’elle croit Adnan, avec qui elle passe de longues heures au téléphone. L’accusé est alors un homme d’une trentaine d’années, il est sympathique et semble effectivement n’avoir rien à cacher. Il parle sans problème de ce qui s’est passé en 1999, il est aimable et accessible et on a envie de le croire. Par ailleurs, Serial démonte rapidement les arguments avancés par l’accusation : le témoignage de Jay n’est pas cohérent, il évolue d’un moment à l’autre et il ne correspond pas à l’une des seules preuves présentée au tribunal, à savoir le journal d’appels du téléphone d’Adnan. C’est la première fois que l’on utilisait une telle preuve au Maryland et cela se voit : le procès a avancé péniblement avec ce papier et à l’arrivée, il y a de nombreuses inconsistances qui démontent ce témoin clé. L’affaire semble réglée, pas vrai ? Sauf que le cas d’Adnan n’est pas totalement clair pour autant. C’est là toute la force de la première saison de ce podcast : à chaque fois que l’on avance dans un sens, on a un élément qui nous pousse dans un autre sens. Le journal d’appels ne correspond pas totalement au témoignage de Jay, mais suffisamment pour vérifier certains faits qu’il a rapporté et il pourrait aussi montrer qu’Adnan n’a pas dit toute la vérité. Plus les épisodes avancent, et plus cette simplicité initiale s’écroule. Sarah Koenig a manifestement eu beaucoup de mal à arriver à une conclusion et le coup de force de Serial est de ne pas rejeter l’hypothèse difficile qu’on ne sait rien. Bien au contraire, on avance dans le noir avec la journaliste et on a le sentiment d’avancer en même temps qu’elle, comme si c’était toujours autant d’actualité. Un tour de force qui prouve bien la réussite du podcast : s’il est aussi prenant, c’est bien parce que son auteur raconte son histoire à merveille, non pas nécessairement parce qu’il apporte un éclairage nouveau sur l’affaire.

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De fait, la conclusion de la première saison de Serial peut sembler bien frustrante. Mais ce n’est pas tant le signe d’un échec que cette réalité : la vérité est difficile à dénicher, surtout quand on s’intéresse à un cas de plus de quinze ans. Sarah Koenig est frustrée et nous avec quand un témoin clé, ou Adnan même, ne parvient pas à se rappeler le détail essentiel qui ferait avancer l’affaire. Mais c’est normal et Serial n’essaie nullement de faire des miracles, son objectif reste concentré sur la découverte de vérité… quitte à devoir reconnaître qu’elle ne peut pas toujours être retrouvée. Cette affaire de meurtre qui ne s’éclaircit jamais est peut-être frustrante, elle est surtout passionnante à suivre !

Crédit image du lycée : But I was there Photography


  1. Disons-le d’emblée : c’est un podcast en anglais. Si vous n’avez pas une maîtrise correcte de la langue, vous allez être complètement perdu, d’autant que certains épisodes sont très denses et nécessitent de suivre de très près les noms, les dates et les lieux pour ne pas se perdre.