Sexe, Mensonges et Vidéo, Steven Soderbergh (Palme d’or 1989)

Steven Soderbergh n’a que vingt-six ans et qu’une poignée de courts-métrages à son actif quand il réalise Sexe, Mensonges et Vidéo et qu’il obtient directement l’une des plus grandes consécrations du cinéma avec la Palme d’or. Depuis, le cinéaste prolixe a multiplié les réalisations dans tous les genres imaginables, avec des moyens modestes comme à ses débuts ou d’immenses budgets. À la toute fin des années 1980, ce drame écrit en une semaine et réalisé avec les moyens du bord a lancé le mouvement du cinéma indépendant aux États-Unis. Sexe, Mensonges et Vidéo est un film au fond très simple, mais qui parvient à parfaitement dessiner quatre personnages complexes. Steven Soderbergh réalise une œuvre passionnante, qui mérite toujours le détour.

Le film commence par une séance chez le psychologue d’Ann. Cette jeune femme mariée depuis peu a du mal à s’ajuster à sa nouvelle vie et surtout à son rôle d’épouse. Elle est extrêmement complexée vis-à-vis de sa sexualité et elle reporte sa frustration sur d’autres problèmes, que ce soit les crash aériens ou le problème des ordures ménagères qui envahissent son quotidien. Steven Soderbergh prend le temps de poser son personnage, une femme frustrée qui n’a jamais eu d’orgasme de sa vie et qui ne supporte même plus que John, son mari, la touche. Elle a abandonné sa carrière pour s’occuper de leur maison, mais elle est évidemment malheureuse, même si elle fait tout pour se le cacher. Sexe, Mensonges et Vidéo explose ce point de départ avec l’arrivée de Graham, un vieil ami de John qui bouleverse Ann. Le cinéaste parvient parfaitement à montrer les relations entre les deux personnages et surtout leur attirance progressive, à l’insu de leur gré pourrait-on dire. Ann s’attend à être agacée par cet invité non désiré et Graham n’attend certainement rien de la femme d’un ancien camarade de classe qu’il a perdu de vue et qui accepte de le dépanner. Pourtant, le long-métrage ne laisse aucun doute sur le fait qu’ils s’apprécient très vite et la première scène où ils passent du temps ensemble, au diner le premier soir, en est le parfait exemple. Le cadrage efface John, pourtant présent à table, et la caméra alterne de point de vue entre Ann et Graham. On entend les trois protagonistes, mais Steven Soderbergh s’arrange pour n’en garder que deux. On sent que le jeune cinéaste expérimente et joue avec ses caméras et son montage et le résultat est souvent très efficace et réussi. La réussite du projet doit aussi beaucoup à ses interprètes et si Andie MacDowell est excellente dans le rôle d’Ann, on retient surtout la prestation de James Spader. L’acteur sacré également à Cannes est tout simplement parfait dans le rôle de Graham et il parvient très bien à rendre toute la complexité des émotions du personnage.

Sexe, Mensonges et Vidéo est un long-métrage assez simple par les moyens et par l’étendue de son récit, mais Steven Soderbergh parvient à cibler très précisément les émotions et le résultat est excellent. C’est un petit film, mais c’est précisément pour cette raison qu’il est réussi et on y retrouve, condensé, toutes les qualités du meilleur cinéma indépendant américain. Pour un premier long-métrage, c’est une belle réussite pour Steven Soderbergh et il a très bien vieilli : à (re)découvrir.