Sexy Dance 3 The Battle, Jon Chu

Nommons d’abord les coupables. Il y eut d’abord @laimelecinema et @toujoursraison, couple cinéphile qui a installé le doute en mon esprit. Et puis aussi cette critique positive, que dis-je, dithyrambique des Inrocks, journal qui a conservé une certaine influence sur moi. Bref, ils m’ont convaincu d’aller voir Sexy Dance 3 The Battle. Pour bien situer le contexte, précisons d’emblée que je ne suis pas du tout un amateur de danse, les ballets m’ennuient et je n’y connais pour ainsi dire rien. Le choc risquait d’être terrible… et pourtant je mentirais si j’affirmais avoir détesté, ou seulement m’être ennuyé. Non, j’ai trouvé ce film très bien fichu, fun et mignon par son espérance folle dans la danse. Bref, je me suis amusé. Diantre…

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Sexy Dance 3 The Battle laisse peu de place au doute : il s’agit d’un film de danses. Dès lors, l’histoire importe peu, son seul et unique rôle étant de mettre quelque chose entre deux scènes de danse. Le titre l’indique clairement, l’heure est aux batailles. Dans New York, capitale internationale de la danse hip-hop, des groupes s’affrontent dans une compétition elle aussi internationale qui apportera, en cas de victoire, reconnaissance et richesse. Parmi ces groupes, deux s’affrontent depuis toujours, comme deux familles rivales : on a les Pirates d’un côté, menés par le charismatique Luke et les Samouraïs de l’autre côté dirigés par le jaloux Julien. Le mystère ne subsiste pas longtemps pour savoir qui est le camp des méchants et quel est celui des gentils. Gagner ce combat de danse est une question de vie ou de mort pour les pirates : sans cela, la Banque va vendre leurs locaux et ils se retrouveront à la rue, sans rien. Pour couronner le tout, le vil Julien veut racheter ces locaux pour prendre sa revanche. Bref, c’est quitte ou double : ils gagnent tout, ou ils perdent tout. Est-ce vraiment dévoiler la fin de dire que les gentils vont gagner ? Sexy Dance 3 The Battle n’est pas un film noir, bien au contraire, il est même marqué par un enthousiasme constant. Entourant cette compétition, on suit deux histoires d’amour dans la plus grande tradition du teen movie. On a d’un côté Luke et la belle Natalie, et de l’autre les petits jeunes Moose et Camille, amis d’enfance qui débarquent à New York pour y suivre les cours de la fac. Moose est un prodige de la danse brimé par ses parents qui veulent faire de lui un bon petit ingénieur, mais heureusement les pirates vont lui permettre de vraiment dévoiler son être profond. Pas de mystère non plus de ce côté, les deux couples vont conclure et on imagine aisément qu’ils vivront heureux et auront beaucoup d’enfants.

Dans tout ça, l’essentiel est la danse. Et quelle danse ! Sexy Dance 3 The Battle met en scène plusieurs séquences de danse hip-hop dont certaines sont vraiment à couper le souffle. Toutes les excuses sont bonnes pour danser et ces jeunes s’expriment aussi bien dans des boites de nuit que dans la rue, profitant à chaque fois de tout l’espace et de ses possibilités. J’avais déjà remarqué lors d’un concert de rap que cette musique impliquait une aisance déconcertante pour occuper l’espace et occuper tout leur corps. Ils ne s’arrêtent jamais et gardent tout leur corps en mouvement, quoiqu’il arrive, tout en se déplaçant beaucoup, qu’ils courent, tournent sur eux-mêmes, ou fassent des petits pas plus traditionnels. Cette danse est vraiment fascinante, même pour l’ignare total que je suis. Le spectacle est très impressionnant et donnerait presque envie de se lever de son siège pour les accompagner, ce qui ne manquerait pas de ridicule. Difficile de ne pas voir l’énorme travail que représentent ces danses : le rythme est intense, les gestes précis et pourtant ils sont tous parfaitement synchronisés. S’ils sont le plus souvent ensemble, les danseurs ont aussi des partitions en solo, quand un membre d’un groupe se met en avant et a droit à son heure de gloire. Je n’y connais rien, mais je pense que l’on a là une démonstration très haut de gamme de la danse hip-hop et même si je n’ai pas tout compris (ce n’était pas toujours évident de savoir pourquoi les pirates gagnent, sauf dans le final), j’ai apprécié le spectacle, aussi fun qu’impressionnant.

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Sexy Dance 3 The Battle ne se contente pas de montrer de la danse hip-hop. Le film est aussi parcouru d’un message plus général, qui aurait été fortement ridicule s’il n’était pas totalement sincère. Jon Chu ouvre son film comme s’il s’agissait d’un documentaire : Luke filme ses danseurs et leur demande pourquoi ils dansent. Leurs réponses varient peu : il s’agit de s’exprimer, de dévoiler son être profond ou encore de se libérer des tracas du quotidien. Le film parvient bien à montrer comment la danse semble effectivement les transcender, les fait entrer dans un autre état proche de la transe et où ils sont heureux, tout simplement. Danser, c’est oublier tout le reste, oublier aussi le regard des autres et jouer avec les couvercles de poubelles dans la rue. Les pirates rassemblent des personnes qui n’ont pas grand-chose, voire rien du tout, en dehors de la danse et l’endroit où ils répètent et vivent fait office de foyer, tandis que leur groupe est leur famille comme ils le disent explicitement eux-mêmes. Une famille, certes, mais une famille choisie qui oublie toutes les différences sociales ou culturelles. D’ailleurs, le groupe se veut cosmopolite avec des représentants de toutes les minorités visibles et même des étrangers (deux Argentins notamment). Car non content de faire de la danse un bon moyen de se libérer du quotidien et se transcender, Sexy Dance 3 The Battle fait de la danse un vecteur de changements non plus seulement personnel, mais même global. À l’image du récent 8th Wonderland où les geeks de tous pays pouvaient prendre le pouvoir et changer le cours des choses, Sexy Dance 3 The Battle prétend que la danse peut rendre le monde meilleur, effacer les différences et apporter le bonheur à tous. Les conflits subsistent, mais se limitent à la danse. Le film occulte totalement ce qui ne relève pas de la danse et on peut noter à cet égard l’absence quasiment totale d’autorité ou seulement d’adultes, à part au tout début du film où l’autorité, qu’elle soit parentale ou policière, est d’ailleurs totalement ridiculisée. Les pirates forment une famille, une communauté autonome qui ne vit que par et pour sa passion. Cette utopie est vraiment mignonne, je trouve, car totalement sincère.

Cédant aux sirènes financières du moment, Sexy Dance 3 The Battle est en 3D. Mais le marketing n’a eu de cesse de le répéter, c’est de la 3D sérieuse puisque c’est la caméra que Cameron a utilisée pour Avatar qui a servi pour tourner le film. Moi qui suis un farouche opposant à la 3D, je dois ici aussi avouer que j’ai été plutôt satisfait par son usage dans ce film de danse. Certes, c’est souvent un gadget qui n’apporte rien à l’histoire, mais c’est un gadget utilisé sérieusement et vraiment utilisé, pour un résultat assez fun. On s’en prend plein la figure, de la poussière, de l’eau, quand ce n’est pas les mains ou pieds des danseurs. Techniquement, on sent en effet que le tournage a été réalisé d’emblée en 3D et c’est ainsi plutôt efficace et crédible. La danse dans l’eau, scène d’anthologie du film, est ainsi vraiment magnifiée par le relief et devient réellement bluffante. Au-delà des effets un peu gadget, on peut noter, comme dans le film de Cameron, un relief permanent, notamment pour les personnages. Cela semble parfois peu naturel, comme si les personnages avaient été rajoutés a posteriori, mais cela passe en moyenne plutôt bien. Sexy Dance 3 The Battle est certainement l’un des films en 3D qui exploitaient le plus et le mieux cette technologie, je ne pensais vraiment pas que ce serait le cas pour un film de danse. Les danseurs sont bien filmés, souvent en plans larges et donc un peu confus parfois, mais il faut dire qu’il serait difficile d’en suivre un de près sans donner instantanément la nausée à la salle.

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Je suis le premier étonné, mais force est de le constater, je n’ai pas détesté Sexy Dance 3 The Battle. Au contraire même, j’ai bien apprécié ce film techniquement bluffant et très mignon sur sa foi en la puissance de la danse. Toute la partie teen movie est convenue et faible, mais elle importe peu et permet surtout de patienter avant la prochaine danse. Une sacrée danse, belle et impressionnante, servie en plus par une 3D pas seulement gadget, mais qui ajoute vraiment une touche de fun. Je ne connais rien au hip-hop, mais j’ai retrouvé dans cette passion celle qui peut animer des geeks ou des cinéphiles. Pourquoi rejeter cette passion sur le simple prétexte qu’elle n’est pas la mienne ?

Comme je l’indiquais en préambule, Rob Gordon a beaucoup aimé ce film et évoque, à juste titre, l’absence totale de sexualité explicite alors que ce film déborde de testostérone (le coup de la paille est bien vu, très clair sans être grivois). Merci, donc, Rob (et Mme Gordon) pour ce conseil !