Solo: A Star Wars Story, Ron Howard

La licence Star Wars est exploitée à plein par Walt Disney, avec deux sagas en parallèle. Outre l’historique qui a été prolongée avec un huitième épisode il y a quelques mois, la saga parallèle de spin-offs continue avec un deuxième volet. Et près de deux ans après Rogue One qui s’intéressait à ce qui se passait juste avant l’épisode IV, Solo : A Star Wars Story reste une préquelle, mais plus distante de la trilogie historique. Comme son nom le laisse entendre, le long-métrage s’intéresse à un personnage central de la saga originale, au contrebandier Han Solo évidemment. Une dizaine d’années avant les évènements du premier film réalisé par George Lucas, comment se forme la légende Solo ? L’idée est intéressante sur le papier, un petit peu moins à l’écran. Ron Howard se contente de mettre en scène de manière assez sage une histoire au fond jamais vraiment passionnante et surtout qui n’apporte pas grand-chose. Solo : A Star Wars Story reste un divertissement léger et plaisant par moments, mais ce n’est certainement pas un épisode qui fera date.

On le sait après le précédent film de cette deuxième saga, la musique mythique de John Williams1 ne lance pas la séance, pas plus que les lettres jaunes sur le fond étoilé. Solo : A Star Wars Story se contente d’afficher le message « A long time ago in a galaxy far, far away… » et lance le film sans autre forme de procès, son titre n’apparaissant qu’au détour d’un plan. On commence donc avec un jeune Han, juste Han, alors qu’il mène une vie misérable sur une planète minable d’où il essaie de s’échapper avec sa copine du moment. Toute la première séquence est dédiée à cette tentative, qui se termine en partie sur un échec : Han s’échappe, pas Qi’Ra. Rêvant de devenir pilote, il s’engage dans l’armée impériale et on le retrouve trois ans plus tard, en pleine guerre puisque l’Empire essaie toujours de mater les rebelles qui refusent son emprise. Le film commence vraiment à ce moment-là et malheureusement, cela se voit un petit peu. Dans la sorte de Première guerre mondiale revisitée, avec toujours autant de boue et de tranchées, mais avec des blaster laser, toutes les rencontres entre Han devenu Solo et un tiers sont importantes. Difficile de savoir si Ron Howard aurait pu faire mieux, mais son film s’engage alors sur des rails qu’il ne quitte jamais vraiment. Quand il croise la route d’une bande de mercenaires, on comprend immédiatement que cette rencontre sera importante et bingo, c’est son futur mentor qui lui apprend le métier qu’il rencontre. Plus tard, il est fait prisonnier avec une bête sauvage et on sent venir gros comme un wookie une rencontre avec Chewbacca… ce n’est pas un piège. Quand, encore plus tard, il faut trouver un vaisseau spatial capable d’aller rapidement, vous devinez déjà sur quel appareil Han Solo et ses amis vont tomber.

C’est le rôle d’un spin-off comme celui-ci d’expliquer l’origine d’un personnage et de faire des liens entre son passé et l’histoire que l’on a déjà vue dans d’autres films. À cet égard, on ne peut pas reprocher au film de Ron Howard de poser les personnages de saga Star Wars historique, comme Lando Calrissian qui joue un rôle essentiel dans Solo : A Star Wars Story. On comprend aussi pourquoi le scénario est truffé de clins d’œil, il faut bien faire plaisir aux fans, même si c’est souvent un petit lourd. Quand Han demande à Chewbacca son nom et qu’il suggère qu’il faudrait un diminutif, on a presque l’impression que l’acteur va se tourner vers le public pour lui faire un clin d’œil. Par moments, on a le sentiment que le film a une série de cases à cocher, un programme de références très strict à suivre : l’espèce de jeu d’échecs en hologramme dans le Faucon Millenium, le blaster que Han Solo utilisera dans la scène fameuse, le « I have a good feeling about that »2 glissé au détour d’une séquence… Le problème, c’est que ces clins d’œil s’accumulent et deviennent trop visibles, à tel point que l’on a parfois le sentiment que le scénario se contente de créer des ponts entre deux références. Et puis le problème, c’est aussi que l’intrigue générale n’est pas très intéressante, les informations apportées sont au mieux inutiles et parfois même presque gênantes. L’histoire de la rencontre entre Han et Chewie, par exemple, pouvait sembler intrigante en théorie, mais à l’arrivée, elle n’est pas très réaliste et sans grand intérêt. C’est pire pour la course de Kessel, évoquée furtivement dans la première trilogie, utilisée astucieusement par l’épisode VII et qui gardait jusque-là une part de mystère qui la rendait intéressante, d’autant qu’on ne savait jamais vraiment si le personnage n’exagérait. En la détaillant longuement, Solo : A Star Wars Story lui enlève tout mystère et en même temps tout intérêt, dans tout l’univers. Quel dommage…

Cela ne veut pas dire que le long-métrage de Ron Howard est totalement mauvais. Après plusieurs films très sombres, celui-ci opte au contraire pour un ton plus léger et une inspiration revendiquée au western et au film de gangster. On va ainsi d’un coup à l’autre et même si le rythme n’est pas toujours parfaitement maîtrisé, on ne s’ennuie jamais et quelques séquences sont convaincantes. L’attaque du train est un classique du western, revisité ici avec quelques bonnes idées, notamment ces doubles wagons qui s’orientent différemment dans les virages. On ne peut pas dire que c’est la surprise de l’année, néanmoins c’est assez solide et Solo : A Star Wars Story a le bon goût de ne pas se prendre trop au sérieux, et d’éloigner systématiquement la guerre qui est toujours présente dans la galaxie. Elle fait son apparition au début, quand Han est encore un soldat de l’Empire, et à la fin avec la mention de la résistance, mais on évite les sujets les plus graves qui ne colleraient pas du tout avec l’ambiant du long-métrage. Sur ce point, c’est cohérent, on n’en dira pas autant toutefois de la romance introduite un peu maladroitement, et qui semble n’exister que pour ménager une place pour un rôle féminin. Emilia Clarke n’est pas très à l’aise dans le rôle de Qi’Ra et pour être honnête, son personnage est assez peu utile et sa trajectoire manque cruellement de crédibilité3. Dans le rôle principal, Alden Ehrenreich s’en sort honnêtement, on sent que l’acteur avait beaucoup de pression pour coller à la prestation de Harrison Ford et c’est parfois un poil forcé. À ses côtés, Woody Harrelson ne se foule pas trop, Donald Glover est nettement plus convaincant dans le rôle de Lando et on se serait bien passé du droïde de service. Cette fois, c’est L3, un robot féminin qui veut libérer tous ses congénères et qui a entretient une relation quasiment romantique assez absurde avec Lando. Walt Disney se sent manifestement obligé d’avoir à chaque fois un droïde censé apporter une touche comique, mais c’est un peu une catastrophe dans ce volet.

Au fond, la présence de L3 est révélatrice du véritable problème de Solo : A Star Wars Story. Au lieu de partir d’une idée forte, comme dans Rogue One, le scénario se contente de chercher à plaire aux fans en expliquant le maximum de choses dans la légende de Han Solo, tout en reprenant au maximum les idées qui ont fonctionné auparavant. Les personnages féminins ont eu la côte dans les précédents films Star Wars ? Il en faut absolument un ici. Les robots rigolos sont l’âme de la franchise ? On ne peut pas imaginer un épisode sans. Ron Howard ne trouve jamais sa propre voie, il se contente de mettre proprement en image l’histoire qu’on lui a donné. Et même si cela suffit à offrir un blockbuster qui remplit son office en divertissant, c’est loin d’être suffisant pour créer un film marquant, ou au moins un minimum intéressant. Solo : A Star Wars Story se range directement dans la catégorie des vite oubliés et c’est dommage de ne pas avoir trouvé mieux autour de ce personnage. Espérons que le prochain volet A Star Wars Story redresse la barre, mais raconter l’histoire du tueur à gages Boba Fett n’est pas l’idée la plus encourageante qui soit, hélas.


  1. John Williams n’a pas signé la bande-originale, sauf un morceau fortement inspiré par son travail sur la trilogie originale. Le reste composé par John Powell est très efficace, pas super original, mais plaisant malgré tout et avec quelques thèmes forts. Pourquoi en revanche est-ce que l’on a un morceau qui semble tout droit sorti de la bande-originale du Roi Lion ? 
  2. C’est précisément l’inverse de ce que Han Solo dit régulièrement dans la trilogie originale. 
  3. Le twist final la concernant, en particulier, est ridicule au possible. Sans compter que c’est une ouverture un poil grossière vers une suite.