Special, Ryan O’Connell (Netflix)

Special est une série assez spéciale, en effet. En offrant l’opportunité à Ryan O’Connell d’adapter son propre livre largement inspiré de sa propre vie en une série, Netflix fait de la place à une histoire trop rare sur les écrans. Le personnage principal, Ryan, souffre d’une légère paralysie cérébrale, un handicap qui n’est pas lourd, mais qui l’empêche d’être totalement indépendant. Il vit d’ailleurs chez sa mère, qui s’occupe constamment de lui. Ce qui, quand on a 28 ans, que l’on est homosexuel et que l’on rêve de rencontrer enfin des garçons et de vivre, n’est pas évident. La première saison de Special est bien trop courte, mais elle offre une visibilité bienvenue à ce personnage gay et handicapé et elle est surtout très plaisante et touchante. Une vraie réussite !

Ryan n’est pas suffisamment handicapé pour que ce soit évident et que personne ne se pose la question, mais il l’est trop pour passer inaperçu en société. Ses yeux ne sont pas coordonnées, il est maladroit et peut tomber simplement en marchant dans la rue à cause de cela. Comme le personnage le résume dans le premier épisode de Special, il est dans un entre-deux un petit peu pénible, parce qu’il n’est pas tout à fait défini comme handicapé, ni clairement comme une personne « normale ». À tel point que lorsqu’il postule pour un nouvel emploi, il arrive à faire passer son handicap de naissance comme un banal accident de voiture et tout le monde l’accepte sans rien dire. Malgré ce handicap léger, il ne peut pas vraiment être indépendant et le jeune homme fait constamment appel à sa mère, qui de son côté a vécu depuis si longtemps uniquement pour son fils qu’elle ne sait plus bien faire sans. En sortant toutefois du cocon familial, en trouvant un travail, en s’y faisant des amis et en sortant plus, Ryan découvre qu’il est plus capable qu’il ne l’imaginait et il désire davantage d’indépendance. C’est le principal arc de cette saison composée de huit courts épisodes, pendant lesquels le personnage principal déménage dans son propre appartement et tombe amoureux. Ryan O’Connell s’inspire largement de son histoire, et cela se voit : Special respire la sincérité, tous ses personnages sont convaincants et impeccablement interprétés. On se prend vite d’affection pour Ryan, sa mère, Kim… il n’y a vraiment aucune fausse note et le scénario traite ses sujets avec humour et une franchise plaisante. Il n’y a pas de sujet tabou, la difficulté d’avoir des relations sexuelles avec un tel handicap est évoquée de manière très directe par exemple. Tout est traité avec finesse et bonté et la série se regarde d’une traite avec plaisir.

Le plus gros défaut de Special, c’est incontestablement la longueur de sa première saison. Huit épisodes d’une quinzaine de minutes en moyenne, c’est l’équivalent d’un long-métrage de deux heures et c’est vraiment bien court pour une série. Est-ce un choix de Ryan O’Connell, pour commencer modestement ? En tout cas, on imagine qu’il a encore beaucoup de choses à dire et on hâte de le retrouver, avec Kim, Carey et les autres dans une autre saison. Vivement la suite, et d’ici là, ne passez pas à côté de Special, vous ne le regretterez pas.


Special, saison 2

(15 juin 2021)

Netflix a accepté de renouveler la série si particulière de Ryan O’Connell pour une deuxième saison… mais c’est aussi la dernière. Ce n’est pas le choix du créateur, on s’en doute et c’est d’emblée un petit peu dommage, même si le service de streaming a bien fait les choses. En prévenant à l’avance et surtout en accordant un temps doublé par épisode, Netflix a permis d’offrir une belle fin à Special. De fait, cette deuxième saison est plus convaincante encore, notamment grâce à la plus grande place accordée aux personnages secondaires en général et à l’excellente Kim en particulier. Un grand cru, à ne pas rater non plus.

Ces huit nouveaux épisodes se déroulent dans la foulée des huit précédents et ils ne dévient pas de la ligne générale de la série. Special continue d’évoquer le parcours difficile de Ryan, un jeune gay handicapé qui essaie de sortir du cocon familial. Après les premières expériences sexuelles, vient le temps des premières amours et le personnage principal tombe amoureux de Tanner, qui a toutefois déjà un copain. C’est une histoire compliquée et elle sert de fil rouge à la saison, même si le scénario se focalise cette fois moins sur le héros. Grâce à la durée doublée pour chaque épisode, Ryan O’Connell a plus de place pour étendre d’autres personnages et on suit ainsi davantage sa mère fictive, mais c’est surtout Kim qui occupe l’espace dans cette saison. La collègue de Ryan, qui est aussi sa meilleure amie, a droit à une vraie psychologie et sa propre histoire, alors qu’elle doit faire face à des problèmes d’argent et à sa famille. Féminisme, grossophobie, racisme et pression familiale, tout y passe et Special traite tous ces sujets difficiles sans tabou et avec une grande sincérité. Cette nouvelle saison est encore meilleure que la précédente sur tous les points, les personnages sont mieux écrits et on apprécie le temps supplémentaire passé avec eux.

Dommage dès lors que Netflix n’ait pas donné à Ryan O’Connell l’opportunité de faire une troisième saison. Malgré tout, il ne faut pas perdre de vue la qualité de ces seize épisodes : Special est une série singulière, attachante et qui traite ses sujets avec une justesse incroyable. Une bien belle série qui s’arrête trop tôt, mais qui donne envie de voir ce que son créateur compte faire à l’avenir.