Spider-Man: New Generation, Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman

Encore un reboot, vraiment ? Après la trilogie de Sam Raimi dans les années 2000 et après deux reboots successifs dans la décennie qui a suivi, le personnage de Spider-Man allait encore être relancé ? Un an seulement après la dernière tentative, voilà qui commencerait à faire beaucoup. Fort heureusement, Spider-Man : New Generation est plus intéressant que son titre français le laissait entendre1 et ce nouveau départ pour le super-héros mordu par une araignée est moins le lancement d’une nouvelle saga, qu’une joyeuse célébration de l’univers des comics. Déjà, parce que le nouveau Spider-Man n’est pas Peter Parker, mais Miles Morales, jeune adolescent afro-américain de Brooklyn. Ensuite, parce que ce film d’animation embrasse le « Spider-Verse » et toutes les versions imaginables du personnage avec une liberté rafraîchissante, tant sur la narration que sur la forme. Loin de répéter encore une fois une histoire trop connue, Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman constituent une œuvre riche et réjouissante, à ne rater sous aucun prétexte.

Comme toutes les histoires des origines, Spider-Man : New Generation commence sans super-héros… ou plutôt, sans que le personnage principal en soit un lui-même. Dès le départ, les scénaristes situent leur histoire dans le New York de Peter Parker, mieux connu sous le nom de Spider-Man. Celui qui a sauvé la ville de la destruction à plusieurs reprises, celui qui a perdu son oncle et qui aime Mary-Jane, le personnage que l’on connaît si bien existe dans cet univers, et ce n’est pas le sujet principal du film. On suit les pas de Miles Morales, jeune lycéen de Brooklyn qui, probablement comme tous les jeunes de son âge, rêverait d’être Spider-Man. Il rêverait d’être ce héros qui sauve tout le monde et attire le regard des filles, mais il est un ado doué, qui a du mal à accepter ses talents et qui est maladroit dans le lycée huppé où ses parents l’ont envoyé. Son rêve, c’est de vivre comme son oncle, un type un peu louche qui ne travaille pas vraiment et avec qui il partage, entre autres choses, la passion du street art. Un soir, alors qu’il est avec lui dans le métro new-yorkais à faire un graffiti, il se fait mordre par une araignée. Cette partie là n’est pas très originale, Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman suivent le même chemin que leurs prédécesseurs et que les comics. Le lendemain, Miles se réveille avec des pouvoirs qu’il ne maîtrise pas du tout, les extrémités de ses membres qui collent, une force plus développée et un sens affuté. Les premiers pas de ce nouveau Spider-Man en herbe sont plutôt comiques, mais le film ne baisse pas en intensité et l’action déboule très rapidement. Le terrifiant Wilson Fisk a créé une machine capable d’ouvrir une porte vers d’autres dimensions et Peter Parker meurt en essayant de l’en empêcher. En échange, d’autres variantes de Spider-Man apparaissent dans New-York…

Résumer Spider-Man : New Generation n’est pas simple, et pour cause. L’histoire imaginée par Phil Lord pioche dans toutes les variantes du personnage qui ont été créées au fil des années pour composer une nouvelle voie extrêmement riche. On retrouve les Spider-Man du cinéma, avec des clins d’œil en particulier au travail de Sam Raimi — le sauvetage du métro, image si forte de Spider-Man 2, est au rendez-vous —, mais les références vont chercher plus loin. Les deux Peter Parker que l’on voit dans le film s’inspirent aussi des comics, mais c’est encore plus évidents pour les variantes venus des autres univers et que l’on n’avait jamais vu au cinéma. Spider-Woman, Spider-Ham ou encore Spider-Man Noir ne sont pas des créations de ce long-métrage, ce sont des personnages imaginés sur le papier, qui retrouvent ici une place. C’est un patchwork assez incroyable qui se forme, d’autant que les trois réalisateurs ont cherché à garder le style très particulier de chaque personnage. L’un des personnages est en noir et blanc dans un style film noir sorti des années 1930, un autre dans un esprit cartoon assez grossier, une autre dans l’esprit d’un manga japonais très kawaï… et tous ces personnages sont tous visibles en même temps à l’écran. C’est un joyeux mélange et un sacré bazar, mais Spider-Man : New Generation reste toujours cohérent, grâce à son style très particulier. L’animation évoque constamment l’univers graphique du comics, avec du texte qui s’affiche parfois à l’écran, mais aussi des traits qui évoquent ceux d’une bande dessinée. L’effet est assez difficile à décrire, c’est très original extrêmement bien trouvé, à la fois moderne et old-school. Cette animation atypique est un vrai point fort du projet, elle donne au film une pate spécifique, un style que l’on n’a jamais vu ailleurs et qui colle admirablement au sujet. C’est peut-être l’adaptation cinématographique de Marvel qui se rapproche le plus du travail original et c’est réjouissant de voir une proposition aussi différente et un univers aussi cohérent.

Ce retour aux sources stylistique fait beaucoup de bien à Spider-Man. Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman ont trouvé la bonne idée pour relancer le personnage encore une fois, mais le faire sans tomber dans la redite ou la répétition. Spider-Man : New Generation est un vrai nouveau départ, une vision originale et cohérente qui respecte la source comme jamais, tout en lui ajoutant quelque chose de propre. Le succès du film à sa sortie va sans doute permettre d’en faire une saga et on espère que ce style si original ne sera pas qu’une excuse pour multiplier les clones sans âme. En attendant de pouvoir le vérifier, ce premier essai est une réussite éclatante et une belle manière d’offrir à ce super-héros toujours aussi populaire une vision nettement plus inclusive2. C’est un sans faute pour Spider-Man : New Generation, un vrai bonheur de cinéma et le long-métrage mérite bien son succès : chapeau !


  1. Encore une fois, les distributeurs français se sont régalés avec un titre en anglais qui ne correspond pas à l’original — Spider-Man: Into the Spider-Verse — et qui est bien inférieur. On commence à avoir l’habitude, mais ce genre de choix reste toujours étonnant… 
  2. Tant qu’à faire, un(e) Spider-Man gay n’aurait pas été de trop, sans compter que l’hypothèse a déjà été posée pour le personnage de Miles Morales. Le reproche que l’on pourrait faire ici est surtout de fermer cette hypothèse d’emblée, alors que la question pouvait rester ouverte sans nuire au scénario.