Spotlight, Tom McCarthy

« Spotlight », c’est le nom de la plus ancienne équipe d’investigation aux États-Unis. Elle opère au sein du Boston Globe depuis les années 1970 et Tom McCarthy s’est inspiré de l’une de ses plus belles réussites pour écrire le scénario de Spotlight. Au début de l’année 2002, le quotidien publie le premier article qui dévoile un scandale en cours depuis des dizaines d’années dans la ville : une pédophilie à grande échelle, systématiquement couverte par l’Église catholique. Dans cette ville très croyante, la hiérarchie fermait les yeux, les familles fermaient les yeux et c’est une équipe de quatre journalistes qui ont mené l’enquête et dévoilé l’affaire. Tom McCarthy tenait là une histoire passionnante, et il en fait un film tout aussi passionnant. Spotlight reste au plus près de la vérité historique et pourtant il est tourné comme un thriller et tient le spectateur en haleine du début à la fin. À voir, autant pour le rappel du scandale que pour la célébration du métier de journaliste.

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Tout commence avec l’arrivée au Boston Globe d’un nouveau directeur de la rédaction qui relève dans les brèves de l’une des éditions une affaire de scandale qui implique un prêtre accusé de pédophilie et l’archevêque local qui nie les faits en bloc. Il vient d’arriver à Boston et ne connaît pas la ville, mais pour lui, c’est une évidence : c’est un sujet à creuser. Il demande donc à l’équipe de Spotlight de mener l’enquête, alors même que le rédacteur en chef et tous les collaborateurs soulignent que le quotidien va s’attaquer à l’Église. Contrairement aux personnages, le spectateur sait peut-être que cette enquête en apparence anodine va en fait déboucher sur l’un des plus grands scandales de pédophilie dans l’Église catholique. Mais Spotlight parvient déjà à capter l’attention et à nous faire suivre une enquête d’investigation comme s’il s’agissait d’un thriller. On ne sait pas encore que ces recherches vont conduire à accuser des centaines de prêtres et à reconnaître les torts causés à des milliers d’enfants, mais on sait déjà que l’on a affaire à un sujet essentiel. Il faut saluer le travail de Tom McCarthy, d’autant que ce n’était pas gagné d’avance. Le long-métrage dépasse les deux heures et il se déroule essentiellement dans les bureaux du quotidien, ou alors dans un autre bureau ou au fin fond d’archives. Ce n’est pas un huis clos, les journalistes sortent de leur bureau pour enquêter, mais l’intrigue se contente en général de bien peu de choses pour avancer. Une réunion, un coup de fil… le matériel à disposition de Spotlight est bien mince, et pourtant on est pris comme si on suivait un film d’action. Réussir à passionner avec une enquête menée essentiellement à partir de vieux documents et de quelques témoignages, il fallait le faire et le réalisateur l’a parfaitement accompli. Il faut dire qu’il pouvait compter sur le talent des acteurs réunis ici : Mark Buffalo et Rachel McAdams sont excellents dans le rôle de journaliste, mais on retiendra peut-être surtout celui de Michael Keaton, qui vieillit bien.

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Si Spotlight est aussi prenant, c’est aussi parce que ce qu’il raconte est édifiant. Vous vous souvenez peut-être de la vague de scandales qui ont impliqué des prêtres et des enfants dans les années 2000, mais Tom McCarthy donne une actualité brulante à cette affaire et son film permet surtout de prendre pleinement conscience des implications. On découvre comment l’Église catholique, parfaitement implantée jusqu’aux plus hauts niveaux de la ville, contrôle Boston au point de se sentir invulnérable. Et comment, en cas de problème, la hiérarchie s’arrange pour masquer les faits en payant une somme dérisoire à la famille, avec le consentement du système judiciaire. Le prêtre coupable prend une année de congés sabbatiques avant de revenir à son poste, au pire il est muté dans une autre paroisse de la ville… et les affaires continuent normalement. Le scénario démonte très bien cet effrayant mécanisme où personne n’agit et où tous ceux qui veulent agir sont réduits au silence d’une manière ou d’une autre. Même le Boston Globe n’est pas innocent, puisque le quotidien avait reçu des informations de la part de victimes plusieurs années auparavant et n’avait rien fait. C’est un constat assez effrayant qui est dressé, et en même temps, Spotlight est un formidable message d’espoir. Le long-métrage met en avant le formidable travail des journalistes qui s’impliquent tant sur ce sujet qu’ils mettent tous leur vie entre parenthèse pour en venir à bout. Même le 11 Septembre, qui met en danger leur enquête, ne les arrête pas et il faut leur détermination pour la mener à bien et publier un article au début de l’année 2002. On imagine sans peine qu’un bon nombre de jeunes spectateurs voudront se lancer dans des études de journalisme après avoir vu le film de Tom McCarthy et on les comprend : qui n’aurait pas envie de mener ces recherches et publier ces articles ?

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Le sujet de Spotlight était passionnant, mais cela ne garantit jamais un bon film. Fort heureusement, Tom McCarthy a su l’exploiter pour en faire un long-métrage tout autant passionnant, prenant comme un thriller, avec une connaissance suffisamment profonde de l’enquête pour en offrir une vision à la fois claire et exhaustive. On suit le travail d’investigation de bout en bout, on s’indigne contre le système mis en place par l’Église pour protéger ses prêtres pédophiles et on admire ces journalistes qui ne reculent jamais. Spotlight n’est sans doute pas un chef-d’œuvre, mais c’est un film très plaisant et instructif, à ne pas rater !