Star Trek: Discovery, Bryan Fuller et Alex Kurtzman (CBS)

L’univers de Star Trek est probablement le plus vaste en matière de science-fiction avec non seulement une saga au cinéma, mais aussi cinq séries et plus de 700 épisodes diffusés régulièrement depuis les années 1960. Autant dire que passer après tout cela relève presque de l’inconscience, mais c’est pourtant le défi que s’est lancé CBS en créant une nouvelle série à l’occasion du cinquantième anniversaire de la série originale. Star Trek: Discovery est en outre reliée à cette dernière par son intrigue, puisqu’il s’agit d’une préquelle qui se déroule une dizaine d’années avant Star Trek, version 1966. La première saison se déroule intégralement au cœur d’une guerre terrible entre la Fédération et les Klingons et à bord d’un vaisseau spatial, mais Bryan Fuller et Alex Kurtzman ont cherché à moderniser la formule un petit peu rouillée. Pour la première fois1, chaque épisode n’est pas indépendant et Star Trek: Discovery repose à la place sur un arc global. Une excellente chose, mais le retour de Star Trek sur le petit écran n’évite pas un aspect visuel désuet qui frise constamment avec le kitch, les raccourcis scénaristiques faciles et même des clichés parfois grossiers. La série promet beaucoup, mais elle échoue sur trop de points pour convaincre.

Le pilote sert à la fois à poser le personnage principal, le lieutenant-commandeur Michael Burnham, une jeune femme2 talentueuse qui pourrait bientôt devenir capitaine de son propre vaisseau, et aussi la situation qui va mener à la guerre entre la Fédération et les Klingons. Quand l’épisode commence, on apprend que ces deux entités ne sont plus en guerre, mais qu’elles l’ont été quelques années auparavant et cet affrontement a laisse des traces. D’ailleurs, Michael a perdu ses deux parents pendant cette guerre et c’est pourquoi elle a été élevée par un père vulcain et une mère humaine. L’héroïne de Star Trek: Discovery est présentée d’emblée comme étant ambitieuse et quand son vaisseau découvre un étrange artefact qui s’avère être un piège de l’ennemi, elle décide qu’il faut entrer en guerre immédiatement. Son capitaine refuse d’agir contre les ordres de la Fédération et le conflit se transforme en mutinerie, tout en donnant aux Klingons un prétexte pour ouvrir les hostilités. Ce premier épisode est riche en informations et il parvient à dépoussiérer l’univers de Star Trek, comme le reboot au cinéma initié par J.J. Abrams avait su le faire. Dans toute la série d’ailleurs, il y a plusieurs points très positifs. En particulier, les relations parfois difficiles à l’intérieur du vaisseau le Discovery sont bien rendues, tandis que l’angle politique pour les Klingons est intéressant. Les scénaristes prennent le temps d’exposer leur point de vue et on peut ainsi apprendre pourquoi ils se battent, plutôt que de simplement jouer sur l’opposition de toujours entre races. La question de la race et de la culture est en outre au cœur des enjeux, ce qui fait astucieusement écho à des thématiques contemporaines, pour ne pas dire trop contemporaines. Tout ceci est intriguant et donne envie de voir la suite et la première saison commence ainsi plutôt bien, même s’il faut composer avec les défauts inhérents pour une série qui est censée se caler sur une œuvre de cinquante ans.

Bryan Fuller et Alex Kurtzman ont peut-être essayer de le moderniser, mais l’univers de Star Trek ne peut pas non plus être bouleversé. Ainsi, les changements restent mineurs, les vêtements de toutes les couleurs de l’équipage ne sont plus que bleus, par exemple. Mais l’esthétique de l’œuvre originale sert toujours de base pour tous les décors et les personnages. Selon les points de vue, Star Trek: Discovery présente de ce fait le charme désuet des vieilles séries, ou bien un kitsch qui a bien mal vieilli. Le pire, ce sont les Klingons, ridicules avec leurs masques en silicone bien trop épais pour être réalistes. L’appréciation esthétique est purement subjectif, en revanche cet accoutrement bloque totalement les émotions, si bien que l’on retombe vite dans la caricature simpliste. On a les gentils d’un côté et les méchants de l’autre, et même si on sent que le scénario essaie de complexifier les choses, c’est souvent maladroit et les coups de surprise émaillés dans la saison sont souvent plus pénibles que malins. Par exemple, le personnage de Lorca semble négatif dès le départ et on n’est pas surpris quand on découvre la vérité. De même, l’idée de dissensions au sein des Klingons est bonne, mais elle est mal amenée et manque de crédibilité. On sent que l’écriture de cette saison a été compliquée et qu’il y a eu des différents importants à un stade avancé. Il y a plusieurs idées qui s’affrontent, des arcs narratifs qui ne sont reliés à rien d’autre, des pistes lancées sans raison, des retournements qui n’ont pas de sens. On s’y perd un peu et Star Trek: Discovery donne le sentiment que raconter une multitude d’histoires isolées reste un passage obligé dans cet univers, ce qui ne devrait évidemment pas être le cas. C’est encore pire vers la fin, qui part dans tous les sens et se perd dans un univers parallèle sans intérêt, si ce n’est de souligner grossièrement que la Fédération représente le bien absolu et que tout autre modèle représente par conséquence le mal. C’est idiot et surtout, ce n’est pas très intéressant, si bien que l’on finit par se lasser. Voilà qui ne donne pas envie de voir une deuxième saison, surtout pas après la « surprise » qui sombre vraiment comme un cheveux sur la soupe à la toute fin.

La nouvelle série de CBS étant une préquelle, il fallait naturellement respecter des codes esthétiques, une situation de départ, des personnages. Star Trek: Discovery devait ainsi évidemment composer avec des décors parfois désuets, pour ne pas dire kitsch, mais on aurait pu faire avec si le fond était réussi. Malheureusement, la première saison part dans plusieurs directions différentes et elle ne parvient jamais à passionner. On ne s’intéresse jamais totalement à un personnage, pas même à l’héroïne qui a une trajectoire assez fade et qui devient, de manière encore très caricaturale, l’inverse de ce qu’elle était au départ. Bryan Fuller et Alex Kurtzman parviennent à distraire, surtout au début, mais à l’heure des bilans, leur série ne laisse pas un souvenir impérissable. C’est dommage, car cet univers est prometteur et plusieurs idées dans Star Trek: Discovery mériteraient d’être approfondies. In fine, l’idée d’un seul arc narratif pour la saison entière était bonne, mais cette promesse n’est pas tout à fait remplie et en partant dans tous les sens, le scénario condamne la saison à rester très moyenne. Est-ce que la suite fera mieux ? Réponse dans un an, mais on ne retiendra pas notre souffle…


  1. On me signale que ce n’est pas tout à fait la première. Une saison d’une série précédente reposait déjà sur un seul arc narratif. 
  2. Vous avez bien lu, Michael est une femme. Apparemment, c’est une marque de fabrique de Bryan Fuller et le co-créateur de la série tenait à la maintenir.