Suicide Squad, David Ayer

Les superhéros méchants ont la cote en ce moment ! Après Deadpool en début d’année, voici Suicide Squad, en provenance directe de l’univers cinématographique DC. Le troisième épisode de cette saga qui s’annonce longue avec la vingtaine de long-métrages déjà programmé est un volet original. Plutôt que de poser les personnages un à un comme l’a fait Marvel avant de les réunir avec les Avengers, DC Comics a choisi les exclus de la bande pour débuter sa saga, ou presque. Suicide Squad réunit une bande de fous furieux, des êtres dotés de pouvoir surnaturels, mais qui ne les exploitent pas pour faire le bien. Des méchants en somme… ou du moins, c’est ce que l’on nous promet. Car le résultat est extrêmement décevant : David Ayer n’exploite jamais le potentiel de ses personnages et le scénario est d’une banalité affligeante. On s’ennuierait ferme, si la réalisation outrancière et souvent grotesque ne maintenait pas le spectateur en éveil. L’humour attendu n’est pas au rendez-vous et l’action est souvent ridicule dans ce blockbuster déjà vu mille fois… à fuir.

suicide-squad-ayer

Pourtant, le point de départ est intéressant. La grosse demi-douzaine de superhéros qui composent l’escadron du suicide sont vraiment barrés et ces personnages ont un très gros potentiel, ou en tout cas deux d’entre eux. En premier lieu, Deadshot, un tueur à gages qui ne rate jamais sa cible et puis Harley Quinn, tombée dans la folie quand elle a été séduite par le Joker. Ce sont deux antihéros par excellence, le premier parce qu’il gagne sa vie en tuant contre de grosses sommes d’argent, la deuxième parce qu’elle a complètement perdu la raison et qu’elle devenue une sorte de psychopathe qui ne rêve que de violence. Ces deux personnages sont au fond assez proches du Deadpool de Marvel, mais ils auraient mérité un film entier. En tout cas, ils ne méritaient pas la bouillie qui leur sert d’introduction au grand écran. Dès le départ, Suicide Squad frappe par son manque de clarté. Tourné comme un clip survolté — on sent bien l’influence de Zack Snyder, ici à la production —, le long-métrage passe constamment du coq à l’âne et nous impose brutalement non pas un, non pas deux, mais bien une dizaines de personnages à égalité. Il y a les deux superhéros méchants que l’on évoquait plus haut, mais aussi Flag, le soldat chargé de mener l’escadre et sa supérieure, la terrible Amanda Waller. Et puis il faut compter sur June qui héberge une sorcière maléfique, sur El Diablo qui s’enflamme littéralement, sur un monstre cannibale, un lanceur de boomerangs… sans compter Joker, toujours au rendez-vous dans une interprétation qui rappelle assez le personnage de Tim Burton1. Disons-le : si vous ne connaissez pas du tout les comics originaux, vous vous sentirez un petit peu perdu au milieu de tous ces personnages. Ce n’est pas tant le nombre qui pose problème, mais bien le scénario qui échoue lamentablement à faire tenir l’ensemble et à nous intéresser.

suicide-squad-will-smith-margot-robbie

La saga portée au cinéma par DC Comics vient tout juste de commencer. On a découvert Superman dans Man of Steel, Batman s’est ajouté avec Batman v Superman : L’Aube de la justice et c’est tout à ce stade. Dans cette suite, à part le justicier masqué qui fait une apparition ou deux, tout est nouveau pour le spectateur qui ne connaît pas les personnages. Il faut donc les lui présenter, mais faute de temps, Suicide Squad se contente d’enchaîner quelques clichés faciles. Deadshot (Will Smith, aussi insupportable qu’on peut l’imaginer) est peut-être un tueur à gages, mais c’est aussi un père qui adore sa petite fille, Waller (Viola Davis, bien décevante) est la méchante absolue et on pourrait multiplier les exemples. David Ayer ne filme pas des personnages, mais des caricatures simplistes et déjà vues mille fois. Le résultat est sans appel : on se contrefiche de leur histoire, et donc du film. Et c’est dommage, car il y avait de quoi faire. Prenons le cas de Harley Quinn (Margot Robbie, sans doute l’actrice qui s’en sort le mieux), qui est présentée comme complètement folle au début, mais qui semble avoir quelques éclairs de lucidité ici ou là. S’agit-il d’un rôle endossé par la jeune femme ? Voilà une piste passionnante, qui n’est jamais explorée, et il en va de même pour tous les personnages autour d’elle. Ils manquent tous de corps, certains sont à peine évoqués en passant et on a parfois l’étrange impression qu’il fallait remplir, quitte à mettre n’importe qui. Mais le souci, c’est que Suicide Squad est beaucoup trop sérieux pour se permettre des approximations. Si le réalisateur avait joué pleinement la carte du second degré, on aurait pardonné ces écarts, mais entre la musique martiale et la mise en scène très sombre, le long-métrage penche trop dangereusement du côté du premier degré.

suicide-squad-viola-davis

DC Comics a commencé sur papier, mais c’est Marvel qui a lancé les nouvelles sagas adaptées de comics au cinéma. C’est peut-être injuste, mais c’est ainsi : on a déjà vu des longs-métrages de superhéros et il faut se distinguer, ou bien prendre le risque de se répéter. Malheureusement, Suicide Squad entre directement dans la seconde catégorie, avec une intrigue prévisible de bout en bout. Le méchant-tout-puissant est inintéressant au possible, les personnages ne sont que des caricatures fades… bref, c’est raté. David Ayer avait pourtant de quoi faire, mais on en revient à ce problème fondamental : présenter correctement autant de personnages en un seul film était sans doute impossible. Rétrospectivement, c’est bien la force de Marvel, qui a construit sa saga un superhéros après l’autre. DC Comics peut encore redresser la barre, mais en sortant de la salle après Suicide Squad, on n’a pas vraiment envie d’en voir plus. Et pourtant, la suite est déjà prévue pour l’an prochain…


  1. C’est Jared Leto qui s’y colle cette fois et même si l’acteur est plutôt bon, son personnage l’est moins. Le Joker est à nouveau un clown ici et il ne fait pas vraiment peur. On est loin de l’interprétation magistrale de Heath Ledger dans The Dark Knight : Le Chevalier noir…