Sunshine, Danny Boyle

Danny Boyle découvre la science-fiction avec Sunshine, mais ce n’est pas vraiment un blockbuster explosif qu’il tourne. Son septième film est même tout le contraire, un huis clos spatial claustrophobique à souhait et qui laisse la place à une intrigue minimale, comme dans quelques grands classiques du genre. Le cinéaste cite volontiers Stanley Kubrick et son mythique 2001, Odyssée de l’espace, ou bien encore le génial Alien, le huitième passager de Ridley Scott. Avec de telles références, Sunshine ne pouvait être qu’un projet ambitieux et le résultat est prometteur, même s’il déçoit vers la fin. Un bilan mitigé donc, mais c’est un film de science-fiction qui reste intéressant pour sa proposition assez originale. Et un film qui se regarde de préférence sans rien avoir lu à son sujet : le scénario contient quelques surprises qu’il serait dommage de connaître à l’avance…

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Huis clos (presque1) parfait, Sunshine commence directement dans le vaisseau spatial qui emporte les huit personnages vers le soleil. Quand le film se met en place, Icarus II traverse l’espace depuis plusieurs semaines déjà et on entre en contact avec les astronautes exactement au moment où ils vont perdre contact avec la Terre. Alors que le vaisseau approche de Mercure, ils envoient tous un dernier message à leur proche et à ce stade, Danny Boyle laisse vraiment penser qu’il s’agit d’une mission suicide. C’est l’une des meilleures idées du long-métrage et de son scénario écrit par Alex Garland : le contexte n’est pas donné immédiatement, on ne comprend que progressivement les objectifs de la mission. On découvre ainsi qu’une mission similaire avait échoué sept ans auparavant et que celle-ci est le dernier espoir de l’humanité. Le soleil se meurt, la planète est entrée dans une ère glaciaire et toute forme de vie mourra si rien n’est fait. On est en 2057 et Icarus II embarque une énorme bombe atomique qui contient toutes les matières fissibles de la planète. L’objectif ? Balancer cette bombe au cœur du soleil et créer une réaction en chaîne qui le rallumera. Le problème, on le comprend vite, c’est que cet objectif est purement théorique. Le retour sur Terre du vaisseau spatial et de son équipage est tout aussi théorique, d’ailleurs : on comprend mieux ce sentiment de mission suicide qui prend le spectateur dans les premières minutes. Comme dans beaucoup de films de science-fiction, tout se passe normalement dans un premier temps, mais l’intrigue ne se met vraiment en place qu’après un incident. Dans Sunshine, c’est le signal de détresse d’Icarus I, la première mission lancée sept ans plus tôt et qui a échoué, qui fait office d’incident. Relayé par Mercure, ce signal semble indiquer que le vaisseau est encore en état, au moins pour le transmettre. Faut-il dévier la mission pour découvrir ce qui s’est passé ? Le débat fait rage dans l’équipe et c’est à ce moment-là que Danny Boyle présente celui qui fait office de personnage principal, mais que l’on n’avait pas encore vraiment vu : Capa, le physicien de l’équipe et celui qui activera la bombe le moment venu. C’est lui qui prend la décision de changer la direction de la mission et c’est lui qui précipite l’équipage dans des problèmes toujours plus graves.

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On sent bien que Danny Boyle est allé puiser son inspiration ailleurs, mais ce n’est pas un défaut pour autant. D’ailleurs, le vaisseau spatial créé pour Sunshine est très convaincant, du moins sur le plan visuel ; sur le plan scientifique, il lui manque la rotation nécessaire pour générer la gravité essentielle quand on veut marcher sur le sol plutôt que de voler en permanence. De manière générale, la science n’est pas le point fort du scénario qui multiplie les incohérences ou hypothèses fausses. Il est impossible que le soleil s’éteigne doucement en 2050, puisque l’on sait qu’il terminera sa vie en supernova dans quelques milliards d’années. Lancer une bombe nucléaire au cœur du soleil n’aurait par ailleurs aucun effet, et puis la mission même n’a aucun intérêt à être menée par des humains. Une bombe lancée comme un missile serait probablement bien plus efficace, d’autant que le scénario imagine un vaisseau doté d’une intelligence artificielle très développée. Bref, on penche plus du côté de la fiction, mais ce n’est pas grave : après tout, la science-fiction n’a pas vocation à être scientifiquement exacte. Qu’importe, d’autant que Danny Boyle a parfaitement réussi à rendre la dangerosité de la mission. On sent d’entrée de jeu que la vie de ces hommes et femmes tient en permanence sur un fil, avec la menace du soleil face à eux. Dans l’une des premières scènes, l’un des personnages regarde l’astre dans la salle d’observation. Ils sont encore à une bonne distance, le soleil est en déclin et pourtant il ne peut pas regarder plus de 3 % de la lumière solaire pendant une très courte durée. Avec cette scène, Sunshine pose bien le danger solaire, cette énorme boule d’énergie qui détruit absolument tout à cette distance. Seul un immense bouclier protège le vaisseau et son équipage, mais c’est une protection assez médiocre face au danger et plusieurs scènes en extérieur le prouvent bien par la suite. Même si ce n’est pas vraiment réaliste, le long-métrage a un bon sens du danger et de la bonne manière pour la montrer et la faire ressentir. Danny Boyle évite ainsi les plans larges en extérieur et préfère se concentrer sur l’intérieur du vaisseau, voire l’intérieur de la combinaison en extérieur. On pense à Gravity par moments et cela fonctionne vraiment bien.

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Toute la première partie de Sunshine est ainsi une franche réussite, un huis clos spatial angoissant parfaitement maîtrisé et convaincant. Malheureusement, ce bon début est gâché par un final qui se veut métaphysique, avec une entrée en force de la religion et une esquisse de réflexion autour de la mort et du rôle du soleil. Cette partie est néanmoins moins bien maîtrisée et Danny Boyle abuse d’effets visuels pas toujours de qualité — c’est décidément l’une des mauvaises habitudes du cinéaste — pour un ensemble assez indigeste. C’est dommage, mais ce final ne fait pas de Sunshine un mauvais film pour autant. C’est une œuvre intéressante qui aurait pu être bien meilleure encore.


  1. Une scène, à la fin, empêche le film d’être un huis clos complet. Mais la majorité du long-métrage respecte cette contrainte.