C’est dans les années 1980 que Tim Burton découvre la comédie musicale créée par Stephen Sondheim et le cinéaste a tout de suite voulu l’adapter au cinéma. Ce n’est qu’en 2007 que cela se réalise enfin, et on comprend très bien pourquoi : Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street ne pourrait sans doute pas être davantage dans l’esprit du cinéma de Tim Burton. Univers gothique, humour noir, une touche d’horreur… le réalisateur pouvait difficilement passer à côté. Son adaptation adopte le même format et fait ainsi chanter tous ses acteurs, souvent pour la première fois. Dans ces conditions, le résultat n’est pas parfait techniquement, mais il est difficile de critique l’univers graphique du film. Les couleurs ont largement disparu à l’image à l’exception de celle du sang, le Londres du XIXe est reconstitué avec toute la crasse que l’on pouvait imaginer… c’est la vraie réussite de cette transposition au cinéma. Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street n’est peut-être pas totalement réussi, mais il reste très plaisant à regarder.
Sweeney Todd n’a jamais existé, mais c’est un personnage que l’on retrouve régulièrement dans la littérature britannique du XIXe siècle. D’abord portée au théâtre, son histoire s’est fait connaître dans les années 1970 avec la comédie musicale créée par Stephen Sondheim qui a connu un énorme succès en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Quand Tim Burton présente sa version, le récit de ce barbier devenu serial-killer était bien connu du grand public. Il faut dire que c’est une histoire particulièrement intense et mémorable : l’intrigue commence avec le retour à Londres d’un barbier injustement mis en prison quinze ans auparavant et qui a erré depuis dans le monde. Il revient avec l’espoir de retrouver sa femme et sa fille, mais il ne trouve que la mort et la perte. Sa femme a disparu et sa fille a été adoptée par le juge Turpin qui l’a emprisonné bien des années auparavant. Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street raconte la vengeance de celui qui a tout perdu et qui se met à multiplier les meurtres, presque par accident. Il cherche avant tout à tuer le juge et veut le faire avec la lame de ses rasoirs, mais pour l’attirer, il rouvre son salon et reçoit d’autres clients qu’il tue pour alimenter la boutique de tourtes à la viande en dessous. Un arrangement horrifique qui est amené avec le cynisme sarcastique souvent représenté Tim Burton : c’est une bonne manière d’avoir de la viande fraiche et à bon prix, et personne ne viendra s’inquiéter pour ces morts insignifiantes. Par rapport à la comédie musicale, la trame a été retenue, mais simplifiée, notamment parce que la version sur grand écran est plus courte. Le réalisateur s’est recentré sur le barbier et sa vengeance, et c’est tant mieux, parce que le reste n’est clairement pas le point fort du film. La romance entre Anthony et Johanna est kitsch au possible et assez ennuyeuse, ce n’est pas vraiment une réussite.
Le récit de vengeance est bien mené, le rythme reste soutenu et Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street est l’un des récits les plus « burtoniens » qui soient. On retrouve en plus des visages connus, à commencer par Johnny Depp dans le rôle titre. Très maquillé, l’acteur est tout à fait dans son élément et il est très bien dans le rôle du barbier meurtrier, avec ses mimiques gardées à un niveau raisonnable et son air désespéré et en même temps à la limite de la folie. Helena Bonham-Carter est elle aussi parfaitement dans son élément dans le rôle de la cuisinière cannibale et amoureuse incomprise. La relation entre leurs deux personnages est d’ailleurs très bien menée, l’indifférence et même l’absence de Sweeney Todd face aux manipulations de Mrs. Lovett est bien visible. S’il fallait faire une critique sur le casting, ce serait que personne ne sort vraiment de sa zone de confort et tous les acteurs sont là où on les attendait, pas plus. C’est flagrant avec Alan Rickman qui se contente en gros de reproduire son rôle dans la saga Harry Potter sans chercher à aller plus loin. Comédie musicale oblige, tous ces acteurs chantent aussi, souvent pour la première fois. Dans ces conditions, le résultat est plutôt bon, même si tout n’est pas juste. Johnny Depp a pris des cours pour Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street et il se débrouille très bien tant qu’il reste sur une partition assez grave, mais quand on lui demande une envolée lyrique, sa voix flanche un peu. Ce n’est pas non plus mauvais et Tim Burton a bien réussi à intégrer la composante musicale à son film. Il a éliminé totalement les chœurs omniprésents sur scène pour accentuer le réalisme des scènes et il est vrai que c’était une bonne idée. Les acteurs chantent dès la toute première scène et le spectateur peut ainsi s’habituer immédiatement à cette situation particulière.
En regardant Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street, on a parfois l’impression que cette comédie musicale a été écrite spécialement pour Tim Burton. Tout ce qu’aime le réalisateur est bien présent et très bien raconté et si vous aimez les ambiances sombres, sales et sanglantes, vous serez aux anges. Le long-métrage n’est pas réussi sur tous les points, la romance n’est pas très intéressante et certaines chansons sont moins bonnes que d’autres. Néanmoins, le film est divertissant et très réussi sur le plan visuel, que ce soit la reconstitution presque en noir et blanc du Londres du XIXe siècle ou le final très sanglant. Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street se regarde toujours avec plaisir, même si vous n’êtes pas fan de comédies musicales.