Marvel ne lâche pas le morceau : après une série de films qui a fini en apothéose avec Avengers,un blockbuster explosif et fun, l’éditeur relance une nouvelle page de la saga. Dans ce nouveau cycle, on a déjà découvert Iron Man 3 plus tôt dans l’année, une suite convaincante qui laissait augurer du meilleur. Cette fois, c’est le personnage de Thor qui prend le relais avec une suite au très moyen Thor. Kenneth Branagh à qui l’on devait le premier a été remercié et c’est Alan Taylor qui le remplace : un nouveau réalisateur pour un nouveau départ, tel était du moins l’espoir que l’on pouvait avoir. Las, Thor : Le Monde des Ténèbres n’est qu’une suite assez paresseuse de son prédécesseur, un blockbuster kitsch qui se prend beaucoup trop au sérieux et manque cruellement de fun. Il y a bien quelques idées amusantes, mais ce spectacle étincelant et fade à la fois ennuie… à voir pour préparer le deuxième cycle de la saga Avengers et puis à oublier aussitôt.
La saga Avengers forme un tout et Thor : Le Monde des Ténèbres reprend quelque temps après la fin du film qui a réuni tous les superhéros. Contrairement à Iron Man 3 qui capitalisait sur cet héritage, les scénaristes sont surtout restés sur l’idée d’une suite du premier film qui mettait en scène et introduisait le personnage de Thor. Les introductions étant faites, ce nouvel opus ne se préoccupe d’ailleurs plus vraiment de ce sujet et attaque directement avec de nouvelles aventures. Quand le long-métrage d’Alan Taylor commence, le superhéros est en vadrouille dans les différents mondes que son peuple, les Asgardiens, doit protéger. Il combat les dernières poches de résistance, amène la paix partout, tandis que le vil Loki qui n’a jamais manqué une occasion de le trahir est emprisonné. Tout semble aller pour le mieux, mais on s’en doute, cela ne dure pas. Sur Terre, la copine de Thor, Jane, se retrouve exactement au mauvais endroit au mauvais moment et elle réveille Malekith, un super méchant que l’on avait oublié depuis quelques millénaires. Cette malencontreuse découverte provoque un retour de Thor qui va tout faire pour sauver sa belle et sauver l’univers de la noirceur, au passage. On le voit, Thor : Le Monde des Ténèbres ne brille pas par l’originalité de son scénario qui est d’une simplicité un peu enfantine. On a donc un combat entre le Bien et le Mal, sans la moindre nuance et tout habitué des blockbusters peut prévoir la fin dès les premiers plans : Alan Taylor semble lancer son film sur des rails et attendre qu’il se fasse tout seul. De fait, le long-métrage avance en mode automatique et peine à passionner, même s’il faut noter l’effort des scénaristes pour multiplier les twists et renverser régulièrement la situation. Un effort louable, mais qui a tendance aussi à décrédibiliser un ensemble qui n’avait vraiment pas besoin de ça. Seule exception notable, une excellente idée pendant le combat terrestre avec un jeu sur des mondes parallèles qui communiquent pendant la bataille. Dommage que cette bonne idée soit noyée dans deux heures sans grand intérêt.
Comme son prédécesseur, Thor : Le Monde des Ténèbres souffre en effet d’une réalisation au ridicule sans doute assumé, mais qui tire tout de même à l’insupportable. Toutes les séquences à Asgard, la cité de Thor et de son père Odin, sont totalement kitsch avec des dorures partout — jusqu’aux cellules de la prison ! —, à tel point que l’on se croirait dans une parodie. Le souci est qu’Alan Taylor n’a pas su insuffler la bonne dose de second degré nécessaire, une distance qui aurait été salutaire pour ce film handicapé par son sérieux. Paradoxalement, mais c’était déjà le cas dans Thor, les meilleures scènes sont celles qui se déroulent sur Terre. Malheureusement, elles sont ici bien moins nombreuses, si bien que l’ensemble paraît, contre toute attente, encore plus kitsch que le premier film. Les décors peuvent être mauvais, ce n’est pas grave si les personnages compensent. Hélas, le compte n’y est pas non plus : Thor : Le Monde des Ténèbres ne rend pas Thor plus intéressant qu’auparavant et ce personnage reste toujours aussi monolithique, alors qu’il y aurait eu de quoi faire avec son amour terrestre. Le scénario ne fait qu’effleurer cette idée et Chris Hemsworth est toujours aussi insignifiant à l’écran. Nathalie Portman est même pire, mais ce n’est pas non plus totalement de sa faute, son personnage est aussi raté. Ne parlons pas d’Anthony Hopkins qui se contente encore du service minimal, ni de la prestation embarrassante de Stellan Skarsgård, excellent acteur exploité de façon complètement ridicule ici. On dit souvent que les méchants sont les personnages les plus intéressants, Alan Taylor filme l’exception qui confirme la règle avec Christopher Eccleston aussi peu intéressant que l’est son personnage. Le seul à sauver serait Loki, interprété par Tom Hiddleston : on ne sait pas exactement ce qu’il veut et cette faiblesse est finalement une force dans ce Thor : Le Monde des Ténèbres qui manque tant d’aspérités. Les producteurs ne s’y sont pas trompés d’ailleurs en tournant, quelques mois avant la sortie, de nouvelles scènes exclusivement avec ce personnage : Loki est intéressant, bien plus que son frère et son marteau. Dommage que ce ne soit pas lui le héros…
Un blockbuster est rarement le lieu idéal pour qu’un cinéaste s’exprime librement. Un blockbuster Marvel sans doute encore moins : Alan Taylor a donné son nom pour l’affiche — et encore, en tout petit —, mais il n’a rien pu faire d’intéressant pour son dernier long-métrage. Thor : Le Monde des Ténèbres est un pur produit qui participe en outre à une saga qui le dépasse. L’intention est louable, mais ce cadre extrêmement contraignant nuit à ce film beaucoup trop formaté. Symbole de ces contraintes, une bande originale insupportable par son omniprésence et sa lourdeur : Thor : Le Monde des Ténèbres aurait pu faire une bonne parodie, mais en l’état il n’est même pas vraiment fun, ce qui est bien le minimum que l’on pourrait exiger. En attendant la suite des Avengers prévue pour 2015, espérons que le suivant, Captain America : Le Soldat de l’hiver redresse le niveau, mais l’espoir est faible…