Thor: Ragnarok, Taika Waititi

Dans l’immense Univers cinématographique Marvel, Thor est certainement le personnage le moins passionnant, en tout cas celui qui a été le moins bien traité par ses passages au cinéma. Dès Thor, son premier passage sur le grand écran, on découvrait un personnage beaucoup trop lisse dans un univers beaucoup trop kitsch pour ne pas tomber dans le ridicule. Les producteurs de la saga ont essayé par la suite un traitement beaucoup plus sérieux et noir, mais Thor : Le Monde des Ténèbres a prouvé à quel point c’était une mauvaise piste. Qu’à cela ne tienne, la saga se poursuit avec un troisième volet qui suit cette fois la voie de l’humour, une solution qui avait fait ses preuves, notamment avec les adaptations d’Iron Man. Du second degré et de la légèreté, ce personnage venu de la mythologie nordique en avait grand besoin… mais cela ne fonctionne toujours pas. Thor: Ragnarok mise tout sur l’humour, au point de ressembler davantage à une enfilade de sketches un peu lourds davantage qu’à un film. Le long-métrage de Taika Waititi est paresseux, toujours aussi kitsch et même pas toujours drôle… raté !

On imagine que Taika Waititi, réalisateur néo-zélandais globalement inconnu au bataillon appelé à la rescousse pour réaliser ce nouvel épisode dans la saga, a eu un objectif très clair : de l’humour, de l’humour et encore de l’humour. Le message est manifestement très bien passé et Thor: Ragnarok commence sur une scène qui entend faire oublier les errements du passé dans le sérieux. On retrouve ainsi Thor, enchaîné dans un décor infernal et le personnage nous explique directement sa situation, avec une complicité évidente. Le cinéaste casse d’emblée le fameux mur et lance un clin d’œil appuyé pour signaler ses intentions. Ce n’est pas très original, mais on peut reconnaître que l’humour est alors bien dosé et la séquence plutôt amusante. L’affrontement entre le dieu nordique et le démon du feu est mené sur le ton de la dérision, ce qui est approprié tant cette immense créature diabolique est ridicule. Mettre un petit peu de distance est donc salutaire et le long-métrage commence ainsi sur une bonne voie, même si aucun spectateur ne sera vraisemblablement surpris. Les choses se gâtent toutefois très vite quand Thor rentre chez lui, à Asgard. Depuis le premier volet de la saga, cet univers mythique est représenté avec beaucoup de faux or et encore plus de ridicule, à l’image de ce palais tubulaire ou, pire, de ce pont arc-en-ciel. Les choses ne s’arrangent pas ici et Thor: Ragnarok reste, logiquement, très fidèle aux deux volets qui l’ont précédé. Alors que l’intrigue se met en place, autour d’une énième trahison de Loki et de la découverte d’une sœur qui, surprise, est maléfique, le spectateur réalise progressivement quel est le problème du film de Taika Waititi. En cherchant une nouvelle voie vers l’humour et le second degré, le long-métrage tombe dans un autre extrême tout aussi médiocre et peut-être encore plus ennuyeux.

Cette fois, le problème n’est pas que tout soit pris au pied de la lettre, mais au contraire que rien n’a d’importance. À force de rire de tout et à force de glisser des gags partout, Thor: Ragnarok finit vite par lasser. On ne s’intéresse jamais vraiment aux personnages et à leur trajectoire et bien vite, c’est toute l’histoire qui finit par ne plus intéresser du tout. Cette sœur qui sort de nulle part et qui vient pour tout casser est une méchante caricaturale au possible, sans aucune originalité et encore moins de saveur. On se demande bien d’ailleurs ce que Cate Blanchett est venue faire dans cette galère, mais l’actrice n’apporte rien au rôle qui frôle trop souvent les moments gênants. Le problème fondamental du film de Taika Waititi, c’est bien qu’il reste sur un fond trop sérieux et surtout très banal. Un fond sans intérêt que les scénaristes ont essayé en vain d’améliorer avec de l’humour, mais cela ne suffit pas. Il y a bien quelques passages amusants et dans l’ensemble, le personnage de Thor est meilleur avec la distance ironique instituée ici qu’au premier degré. Chris Hemsworth s’en sort à peu près dans le rôle du playboy un petit peu ridicule et il trouve en général le ton juste. Mais il y a trop de vannes et de gags visuels, tout le temps, à tort et à travers. Toutes les scènes sont désamorcées avec l’humour, même celles qui devraient être prises au sérieux. Après tout, Thor: Ragnarok raconte la fin d’un monde, mais les scénaristes préfèrent se concentrer sur Banner qui s’écrase sur le pont parce qu’il ne s’est pas transformé en Hulk. Le problème, c’est qu’on finit par se détourner de tout et on s’ennuie ferme bien trop vite. Sans compter que la mise en scène est outrancière et souvent moche, que le scénario est parfois inutilement complexe, que la vague rétro commence vraiment à être lassante1 et que les blagues ne sont pas toujours drôles, mais systématiquement trop appuyées. Était-il nécessaire de répéter cinq ou six fois la même vanne autour de l’anus, franchement ?

Le personnage de Thor peut-il vraiment être sauvé ? Est-il possible de créer un film équilibré avec ce superhéros au profil psychologique sans grand intérêt ? Peut-être, mais ce n’est pas Taika Waititi qui a atteint cet objectif. Thor: Ragnarok n’a au fond aucun intérêt, ni pour le personnage de Thor, ni pour la saga dans son ensemble. L’histoire générale n’a pas avancé d’un pouce et à force de mettre de l’humour partout, cette intrigue perd tout intérêt elle aussi. Le superhéros avait bien besoin de second degré, mais la solution était un bon équilibre entre humour et sérieux, pas cet autre extrême. Thor: Ragnarok ne restera pas dans les annales, mais espérons que les producteurs de Marvel ont des idées pour renouveler leur saga, car le sentiment de lassitude gagne de plus en plus de terrain.


  1. Le succès des Gardiens de la Galaxie n’est pas passé inaperçu chez Marvel. Néanmoins, ce n’est pas en essayant d’instiller l’esprit de ce film dans toutes les adaptations du comics que le succès sera assuré… au contraire, même.