Et dire que j’ai failli rater ce film de, avec et produit par Ben Stiller ! Oh, quelle erreur eus-je fait ! En effet, Tonnerre sous les Tropiques est un film à la fois drôle, très drôle, et une satire très efficace du cinéma américain actuel et surtout de ses stars.
Le film commence par une série de vraies fausses bande-annonces ou publicités, et immédiatement, le ton est donné. Entre le blockbuster qui revient pour la sixième fois, le film à Oscar ridicule, la comédie bien légère où tout repose sur le pet et une pub à mourir de rire, il y en a vraiment pour tous les goûts ! Quand le film commence, l’ambiance est aussi immédiatement posée : l’hélicoptère qui passe de droite à gauche, c’est immédiatement Apocalypse Now. Puis vient l’ultra-fameuse scène de l’attaque en hélicoptères, sauf que la Walkyrie n’est pas là, et la scène fait toc.
On comprend vite que l’on est en plein tournage d’une super-production hollywoodienne avec du sang qui gicle (mais vraiment), des boyaux à n’en plus savoir qu’en faire, et des héros (Ben Stiller of course) qui se relèvent après avoir pris dans le corps une petite centaine de balles, au bas mot. Quand la fameuse explosion au napalm survient au mauvais moment, détruisant la moitié de la jungle et engloutissant trois millions de dollars pour rien, on comprend que ce film est totalement raté. C’est pour tenter de le sauver que le réalisateur propose aux cinq héros du film, tous (enfin, au moins trois d’entre eux) des stars à l’égo surdimensionné et programmés pour gagner des oscar, de rendre le film plus réaliste et les abandonne au beau milieu de la jungle avec une carte et un script. Évidemment, ils sont tombés au beau milieu du Triangle d’or asiatique et les producteurs de drogue locaux vont les accueillir avec de vraies balles.
Mais en fait, l’histoire importe peu. Ce film est d’abord et avant-tout une parodie du cinéma hollywoodien dans ce qu’il a de pire, et surtout de son star-system. Ben Stiller dénonce les deux en faisant un film hollywoodien avec un panel de stars impressionnant (lui-même, Robert Downey Jr — alias Iron Man — et Jack Black), un énorme budget, et beaucoup d’action. Mais il a été suffisamment malin pour ne jamais abandonner son objectif premier : nous faire rire. Et qu’est-ce que l’on rit ! Je suis bon public, certes, mais la salle (archi-comble) n’était pas en reste.
Ceci dit, si ce film est d’abord une comédie un peu potache mais diablement efficace, il est un peu plus que cela. Sa dénonciation d’acteurs superficiels (comme ce producteur qui fait tout, y compris aller au beau milieu de la jungle, pour apporter un magnétoscope numérique à sa star) dont le seul et unique objectif est l’oscar est drôle mais aussi efficace. Ainsi, les acteurs se refilent des conseils pour gagner un oscar (jouer un débile, d’accord, mais il ne faut pas être que débile) et un acteur est prêt à tout pour avoir un oscar, y compris devenir noir (Robert Downey Jr, remarquable). C’est aussi un vrai faux-oscar qui transforme Ben Stiller en capitaine Kurtz. Ces acteurs sont aussi assez pathétiques : aucun ne dit la vérité (ainsi, par exemple, celui qui chante qu’il adore les chattes pour une pub fine et légère comme on s’en doute, se révèle gay), tout le monde se cherche et ne se trouve pas. Finalement, on retrouve ici un peu du paradoxe de Diderot…
Cette dénonciation est d’autant plus efficace que les acteurs de ce film sont excellents. Ils le sont tous, mais il faut faire une mention spéciale à Ben Stiller, Robert Downey Jr. et surtout celui qui joue le producteur. Je n’en n’ai pas parlé jusque là, et pour cause : je ne l’ai jamais reconnu, mais vraiment pas tout au long du film, et pourtant il ne s’agit pas de n’importe qui mais de… Tom Cruise ! Franchement, cet acteur vient de remonter dans mon estime : il est incroyable et totalement méconnaissable dans ce film. L’auriez-vous reconnu sans savoir que c’était lui ? Pendant le film, je me disais bien que le connaissais mais alors pas une seconde je n’aurai pensé à lui. Je n’en dis pas plus, mais si vous allez voir le film, vous comprendrez ce que je veux dire : on ne penserait pas à Tom Cruise pour un rôle secondaire de ce type, et on n’imaginerait pas une seconde que cet acteur pourrait se transformer à ce point. Bref, chapeau l’artiste !
J’en ai déjà trop dit, comme d’habitude, alors je ne dirai pas grand-chose de plus. Tonnerre sous les tropiques est un film à ne pas rater, d’une part parce qu’il est vraiment drôle et bourré de références parodiques dans un esprit post-moderne intéressant ; d’autre part parce qu’il dit des choses très intéressantes sur le cinéma mais aussi les États-Unis avec ce vrai-faux vétéran du Vietnam. Sans jamais se prendre au sérieux, Ben Stiller réussit à faire un film hollywoodien contre les films hollywoodiens, et il se trouve que c’est vraiment très fun !