Pour leur tout premier film, Noémie Saglio et Maxime Govare ont choisi un sujet en apparence si classique qu’il est même devenu cliché. Un homme qui tombe amoureux d’une femme, mais qui hésite à s’engager : combien de films ont déjà traité ce sujet ? Mais les deux jeunes réalisateurs ont eu une idée originale qui vient dynamiter cette base tranquille : dans Toute première fois, si le personnage principal est si hésitant, c’est parce qu’il doit se marier… à un autre homme. Avec une telle base, on pouvait craindre les pires clichés sur l’homosexualité, mais ce n’est absolument pas le cas. Au contraire même, dans cette comédie française atypique, c’est l’inverse et le héros a des tas de problèmes à cause de cette relation hétérosexuelle. Une bonne idée, pour une comédie qui fonctionne vraiment bien : le résultat est drôle et divertissant, que demander de plus ?
Toute première fois commence au petit matin, quand Jérémie se réveille aux côtés d’Adna, belle suédoise qu’il a rencontré la veille. Manifestement, il est gêné par cette situation et s’empresse de partir, un petit peu comme un voleur, avant de courir pour retourner chez lui avant le réveil de son conjoint. Ce n’est pas vraiment une surprise, on sait bien que ce personnage est homosexuel et on découvre vite qu’il vit en effet avec Antoine depuis dix ans. Le couple semble parfait, les deux hommes semblent s’entendre à merveille et après tant de vie commune, ils ont décidé de se marier. Une belle nouvelle, accueillie avec beaucoup de joie dans la famille de Jérémie qui n’attendait que ça, mais cette aventure extra-conjugale jette un froid, du moins pour celui qui est impliqué. Car ce qui ne devait être qu’une aventure malheureuse d’une nuit pose en fait problème : le héros de Toute première fois qui n’avait jamais touché une femme se pose brutalement des questions sur sa sexualité et surtout sur son couple. Aime-t-il encore Antoine ? N’est-il pas en train de se fourvoyer ? À bien des égards, Noémie Saglio et Maxime Govare suivent la trame convenue du genre, mais ils parviennent pourtant par surprendre avec ce premier film.
On n’en dira pas trop pour préserver les surprises des rebondissements de Toute première fois. Disons simplement que, sous des dehors très classiques, le scénario évite quelques chemins obligés et emprunte des chemins de traverse, jusqu’en Laponie. On ne s’attend pas à cette fin et on apprécie que le film évite de faire de l’hétérosexualité la norme vers laquelle il faut absolument revenir. Le long-métrage est plus complexe que cela et traite finalement plus d’amour que de sexualité, une excellente chose. Et puis si le film de Noémie Saglio et Maxime Govare commence comme une comédie qui va chercher des références de l’autre côté de l’Atlantique — on pense nécessairement au cinéma de Judd Apatow —, il bascule à mi-parcours. Toute première fois devient un petit peu moins drôle et opte à la place pour une pointe d’émotion que l’on n’attendait pas. Pour changer ainsi totalement de registre, il peut compter sur le talent de ses acteurs, qui sont tous très bons, des premiers rôles aux personnages secondaires. Po Marmaï est très bien en gay qui découvre l’hétérosexualité et qui fait naître la comédie de ses multiples mensonges ainsi que de sa maladresse. On retiendra aussi le personnage de Charles — Franck Gastambide, impeccable —, son ami d’enfance coureur de jupons qui est aussi son confident et qui est un personnage plus traditionnel dans la comédie, mais bien interprété. Mention spéciale à Camille Cottin, qui commence par reprendre son rôle de Connasse popularisé par Canal+, mais qui déploie ensuite un jeu plus subtil. Et puis que dire des parents (Frédéric Pierrot et Isabelle Candelier), délicieusement odieux…
Il n’a pas l’ambition d’être un chef-d’œuvre, mais Toute première fois est incontestablement une réussite. En matière de comédie, la France se distingue trop souvent par des films poussifs sans âme pour que l’on ne reconnaisse pas que celui-ci est une exception. Noémie Saglio et Maxime Govare ont trouvé une belle histoire, drôle et touchante à la fois, pour un résultat solide et convaincant. Une toute première comédie que l’on aurait tort de bouder.