Sorti trois ans avant Fight Club, le deuxième long-métrage réalisé par Danny Boyle appartient à cette même catégorie de films devenus immédiatement cultes. Les deux films partagent un même univers totalement détruits qui pourrait être une dystopie s’ils ne se déroulaient pas, l’un comme l’autre, dans le présent. Perte de repères liée à la drogue, personnages totalement en marge de la société, violence… : Trainspotting dépeint une situation tout à fait déplaisante, et la réalisation l’est par moment elle aussi. Le cinéaste a pris l’habitude d’en faire beaucoup, quitte à en faire trop, mais cette surenchère trouve finalement toute sa place ici. Danny Boyle adapte un roman extrême et compose un film tout aussi extrême, une expérience à (re)découvrir avant une suite, prévue pour 2016.
Trainspotting plonge le spectateur dans un univers particulièrement trash, et ce dès la première minute. Danny Boyle ne perd pas de temps et il ne prend pas de gant pour nous présenter les personnages de son film, à commencer par Mark, le héros. Ce jeune homme n’a même pas la trentaine, mais il passe déjà sa vie à se droguer. Chômeur comme tant d’autres dans l’Écosse des années 1990, il utilise tout l’argent qu’on lui donne pour acheter de l’héroïne et rester en permanence dans un trip. Au début du film, il essaie d’arrêter, mais veut « un fix », c’est-à-dire une dernière dose. Sans surprise, il rechute rapidement et on comprend aisément que sa vie n’est ainsi remplie que par l’héroïne, tout comme l’est celle de ses amis autour de lui. Trainspotting rassemble ainsi une bande de losers, des jeunes d’Edimbourg qui n’ont rien d’autre à faire que se droguer, ou boire. Il y a bien des exceptions, mais même ceux qui résistent au début finissent par être pris par le cycle infernal de la drogue. La vision proposée par le film est très noire et il semble que tous ces personnages soient condamnés à rester dans cet univers de drogue et de violence. Aucun échappatoire ne semble vraiment envisageable, si ce n’est la mort ou la dépression. Cet aspect presque apocalyptique est très bien rendu par le film et c’est probablement la raison principale pour expliquer le succès du projet dès sa sortie, un succès qui ne s’est jamais vraiment démenti depuis.
Pour une fois, la réalisation outrancière de Danny Boyle n’est pas un handicap, au contraire même, elle est un avantage. Elle colle parfaitement avec l’univers dépeint par Trainspotting et même si le cinéaste va parfois peut-être un peu trop loin, avec notamment quelques scènes qui auraient mérité d’être un peu moins merdiques, au sens propre du terme, l’ensemble est convaincant malgré tout. On a par moment vraiment le sentiment d’être dans la tête d’un héroïnomane, ce qui était très certainement l’objectif du réalisateur. Certaines séquences sont, à cet égard, vraiment réussies, comme le dernier trip où Mark a l’impression de s’enfoncer dans le sol, dans un tapis rouge. Le film peut compter sur le jeune Ewan McGregor et son interprétation solide. Après avoir travaillé avec le cinéaste dans son premier long-métrage, Petits meurtres entre amis, l’acteur écossais s’est beaucoup renseigné sur la dépendance à l’héroïne et il a donné de sa personne en perdant beaucoup de poids. Un effort qui a payé, tant il semble fait pour le rôle et il est même méconnaissable par rapport à ses apparitions récentes. Un bon choix de casting, bien entouré par des seconds rôles tous convaincants. Le mythe Trainspotting, c’est aussi la musique et il faut aussi reconnaître que la bande-originale rassemble une série d’excellents morceaux. De quoi rester dans les mémoires au-delà du film, ce qui n’a pas manqué : l’album fait partie de ces bandes-originales que l’on peut écouter indépendamment, simplement pour sa sélection.
Avec son absolument noir et sans vrai espoir, Trainspotting impressionne encore aujourd’hui. Danny Boyle est parvenu à mettre en place un univers désespéré totalement convaincant et on oublie sans peine les quelques moments où il en fait un petit peu trop. On comprend en tout cas sans peine pourquoi le long-métrage est devenu culte : comme avec Fight Club, mais sur un registre légèrement différent, tous les ingrédients étaient bel et bien réunis. Trainspotting peut-il avoir une suite réussie ? Le même Danny Boyle essaiera de répondre à cette question l’an prochain, mais on peut être sceptique.