Un an après l’excellent La Nuit nous appartient, James Gray revient accompagné de Joaquim Phoenix dans un nouveau film en apparence très différent, mais tout aussi bon, Two Lovers.
Le scénario rappelle les films de Woody Allen : soit un homme, superbement joué par un Joaquin Phoenix au mieux de sa forme1 et deux femmes. La différence entre les deux va au-delà d’une couleur de cheveux : la brune représente la stabilité, le confort et la protection d’une vie familiale réglée ; la blonde représente au contraire l’inconnu, l’aventure mais aussi l’incertain. Toutes deux sont très belles, la différence ne se situe donc pas là. Toutes deux sont attirées par le héros, mais alors que la première l’aime en vue d’un mariage, la seconde dit l’aimer comme un frère. Ledit héros, de l’autre côté, aime bien les deux, mais bien plus la seconde qui l’éloigne de son cocon familial. Bien que trentenaire (en tout cas, on peut le supposer), il vit en effet chez ses parents depuis qu’une aventure amoureuse s’est mal terminée. C’est un grand enfant, à la fois très sensible, peu sûr de lui et qui a des difficultés à s’exprimer, mais aussi un enfant capable de se lacher totalement, comme lors de cette très impressionnante scène de discothèque.
Pourtant, si le scénario rappelle Woody Allen, le film pas du tout. D’ailleurs, ce dernier film de James Gray est très proche de son précédent : on retrouve le même héros partagé entre ses devoirs familiaux et sa liberté et on retrouve aussi un même genre de film. Si Two Lovers est clairement un drame, et même un mélodrame, il s’agit aussi d’un thriller, aussi surprenant que cela puisse paraître. Thriller car le suspense est bien présent, thriller aussi car la peur rôde constamment dans le film et ce dès les premières images, thriller enfin par la réalisation, très éloignée du drame et proche de films comme La nuit nous appartient, angoissante elle aussi. Tout le monde espionne tout le monde, la mère son fils, l’amoureux l’objet de son amour à travers la cour qui devient à la fois symbole de liberté et de prison.
Le film commence sur une tentative de suicide, et dès le début, on est comme happé par l’image et d’abord par cette lumière. Les Inrocks en parlent bien mieux que moi, mais il est vrai qu’il y a quelque chose de magique dans cette scène d’ouverture silencieuse et pesante et prenante. Cette impression ne quitte jamais le film et jusqu’à la fin, jusqu’à cette scène dans la cour, la lumière joue un rôle essentiel. L’image est par ailleurs souvent très large, le réalisateur laissant au spectateur plein de choses à regarder (pour parler clairement, on n’a pas les sempiternels plans rapprochés sur les visages des deux amants).
Notons, avant de terminer, la prestation extraordinaire de Joaquin Phoenix qui réussit à jouer un rôle difficile, celui d’un enfant dans un corps d’homme, d’un être déchiré, qui menace toujours de tomber, comme sur une corde raide. Très belle performance d’acteur donc, une performance qui contribue beaucoup au succès du film. Les deux actrices sont également toutes deux très bien, chacune à sa façon.
Bon, je ne veux pas en dire plus de peur de dévoiler des éléments de l’intrigue. Le film ménage un suspense, comme un thriller, et c’est très bien ainsi. Quoi qu’il en soit, je recommande Two Lovers qui vaut la peine d’être vu, même s’il n’est malheureusement pas en tête d’affiche (au profit de Mersine, deuxième acte).
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- Au mieux de sa forme et apparemment à la fin de sa carrière d’acteur puisqu’il a récemment déclaré vouloir abandonner le cinéma pour se consacrer exclusivement à la musique. Quand on voit le nombre de stars de la musique qui ont fait des films, souvent à tort, on ne peut qu’espérer que Joaquin Phoenix reviendra sur sa décision, un jour… ↩