Us, Jordan Peele

Jordan Peele avait créé la surprise avec Get Out, un premier long-métrage qui ressemblait de loin à un film d’horreur bourré de clichés et qui s’avérait en fait être bien plus politique et intéressant. Son deuxième passage derrière les caméras reste dans la même lignée : en apparence, Us raconte encore une histoire d’horreur assez banale, mais qui est en fait une attaque politique en règle contre les États-Unis modernes. Son ambiance très réussie lui permet aussi de tenir pendant deux heures avec une belle intensité et Us est une œuvre bien plus riche qu’il n’y semblait. Une bien belle réussite.

Comme chaque année, la famille Wilson se rend en vacances dans la maison familiale nichée au milieu de la forêt, non loin des plages de Santa Cruz. Les quatre membres de la famille vont y passer du bon temps, mais dès le départ, Us génère une aura d’anxiété autour de cet événement. L’ambiance est particulièrement bien travaillée et on ressent l’inquiétude d’Adélaïde, la mère. Elle n’en a jamais parlé à son mari ou à ses enfants, mais elle a été traumatisée petite dans le parc d’attraction situé sur la plage. Elle s’est perdue dans une attraction et fait la rencontre d’une petite fille qui ressemble exactement à elle. Des années plus tard, ce traumatisme reste intact et elle est viscéralement inquiète, ce que Lupita Nyong’o parvient très bien à mettre en avant, avec un jeu subtil et précis. Jordan Peele construit son récit autour de cet horizon d’angoisse qui semble ridicule dans un premier temps, mais qui devient de plus en plus concret. Sans trop en dévoiler sur l’intrigue, on peut dire qu’elle monte crescendo dans l’horreur et aussi dans le premier degré. Ce qui pourrait ne ressembler qu’à une illusion au départ devient vite bien réel et pas seulement pour un seul personnage. Sans tomber dans la catastrophe apocalyptique, Us sort de l’horizon limité de la famille pour embrasser celui du danger à l’échelle régionale, voire mondiale. Cette idée de doubles meurtriers qui surgissent dans la nuit est intrigante et très originale, et le scénario a le bon goût de garder des zones d’ombres. En évitant de tout expliciter, il laisse au spectateur le soin de juger et comprendre ce qui se passe exactement. Que représentent ces doubles cachés sous nos pieds ? Est-ce qu’ils sont l’incarnation de nos peurs les plus profondes ? Ou bien l’exacerbation de nos désirs poussés à l’extrême ? Est-ce que le réalisateur veut dénoncer une société qui exclut et oublie une partie des citoyens, littéralement enterrés et mis en cage1 ? Le film met aussi en valeur la névrose d’une société qui veut absolument montrer une image très morale d’elle-même, mais qui cache un côté sombre et extrêmement violent. Us est indéniablement une œuvre politique, mais elle ne l’est jamais de façon explicite. On peut aller dans un sens ou dans l’autre et l’intrigue a priori simple cache en fait une complexité que l’on ne prévoyait pas nécessairement. Les amateurs d’horreur à l’ancienne seront aussi ravis par la présence de quelques scènes d’action « à l’ancienne », parfaitement menées et avec un grand sens du suspense.

Jordan Peele séduit à nouveau avec ce deuxième film, dans la lignée du précédent et en même temps assez différent. Us est plus ambitieux, il contient nettement plus de personnages et sort du cadre d’un huis clos. Il est aussi moins évident à déchiffrer, avec une aura de mystère qui ne le quitte jamais. Il faut accepter de se laisser porter et de ne pas tout comprendre, mais si c’est votre cas, vous pourrez apprécier un film d’horreur riche en questions et en pistes. Porté par une ambiance d’angoisse très réussie, le long-métrage mérite vraiment le détour.


  1. Mais qui sont ces lapins d’ailleurs ?