Pour son deuxième film, Bryan Singer imagine une histoire en apparence très banale, mais qui cache en fait un puzzle. Sur le papier, Usual Suspects entre dans la longue tradition des films « de coup » : une bande de malfrats se forme au début de l’histoire pour réaliser un grand coup à la fin. Le long-métrage commence par une scène qui montre bien que c’est un échec : on y voit au moins deux morts et un homme qui s’enfuit, probablement celui qui a mis le plan en échec. Avec une telle ouverture, on sait que tout s’est mal passé, mais Usual Suspects est plein de surprises et de rebondissements, à tel point que l’on finit par douter de ce que l’on voit. Bryan Singer signe-là un excellent thriller, passionnant grâce à son scénario complexe, mais parfaitement maîtrisé. Un grand moment de cinéma, à voir au moins une fois en ignorant tout de l’intrigue.
On l’évoquait en ouverture, Usual Suspects commence par la fin, ou presque : la toute première scène se déroule sur le bateau où le coup a été organisé, et c’est manifestement un désastre. Dès ce point de départ, on sait que le film ne respecte pas la chronologie et de fait, Bryan Singer déploie une intrigue complexe, où l’on ne cesse de passer d’un moment à un autre. L’ensemble du film se déroule sur quelques semaines, entre le moment où les cinq personnages principaux se rencontrent à un poste de police, et le moment où l’un des survivants est interrogé par la police. Dans cet intervalle, le film fait des sauts de puce, mais cela ne veut pas dire qu’il est compliqué pour autant. Le scénario est maîtrisé à la perfection, si bien qu’il reste toujours digeste et que l’on suit facilement ce qui se passe. Même si, naturellement, tout l’enjeu est de nous embrouiller et de nous faire perdre de vue le vrai coupable en brouillant les pistes. C’est un jeu de pistes qui n’est pas sans rappeler certains films de Christopher Nolan (on pense à Memento ou Le Prestige), avec cette même maîtrise qui force le respect. Usual Suspects fait partie de ces ouvres qui se revoient avec un regard complètement différent et ça qui fait sa réussite. Si vous réussissez à le voir sans absolument rien connaître de l’histoire, et surtout sans connaître les ultimes rebondissements, vous allez être pris par un récit à chercher le coupable en même temps que la police. Une fois que vous saurez qui est le responsable, le film de Bryan Singer ne perd pas de son intérêt pour autant et on peut le redécouvrir sous un autre angle, en analysant les nombreux indices et clins d’œil laissés par le scénario.
Usual Suspects est un film malin, mais pas seulement. Certes, il y a le jeu sur l’identité du coupable, avec un scénario qui ne respecte pas la chronologie et des mensonges permanents, mais Bryan Singer n’a pas seulement signé un puzzle amusant. C’est aussi un excellent thriller, porté par des acteurs tous convaincants, Kevin Spacey et Gabriel Byrne en tête. Est-ce parce qu’ils ne savaient pas eux-mêmes qui était le vrai coupable pendant le tournage qu’ils sont aussi convaincants ? Toujours est-ils qu’ils sont pour beaucoup dans le plaisir du film. Vingt ans après, Usual Suspects n’a pas pris une ride : à voir et à revoir !