Venise

Trois jours, c’est ce que nous avions pour visiter Venise. Contrainte par son environnement exceptionnel, la cité est restée à taille humaine et on peut en faire le tour en un jour, c’est vrai. Mais on aura alors tout raté, les monuments à visiter et surtout les ruelles à parcourir, un vrai labyrinthe où il faut se perdre pour mieux en profiter. De fait, on marche beaucoup, sans forcément s’en apercevoir1 et le plus agréable est de flâner et se de laisser porter d’un canal à l’autre.

Trois jours ne suffisent pas pour visiter à fond Venise, mais ils permettent de s’imprégner de cet endroit débarrassé de toutes voitures, où l’on vit au rythme de l’eau. Venise ne manque pas de guides touristiques et de visites guidées et ce n’est pas l’objet de cet article qui compile plutôt bonnes adresses et quelques idées expérimentées pendant notre séjour.

Sommaire


Un tour de la ville en vaporetto

Débarqués de l’avion, le temps de récupérer les bagages et on monte dans la navette vers l’île de Venise. En théorie, le trajet devrait se terminer par un spectaculaire point de vue sur la ville, depuis le pont Via della Libertà qui la relie au rivage, mais entre la brume qui nous accueille à l’arrivée et les fenêtres du bus recouvertes de publicités, on ne voit rien. On nous laisse Piazzale Roma, à l’entrée de la ville, dernier endroit où les véhicules à roue sont autorisés. Sous la pluie battante, on a vite fait de se sentir perdus, entre le tramway, les bus, les bateaux taxis et le vaporetto. Si les taxis vous semblent une bonne option, vérifiez bien les tarifs avant d’en héler un. On découvre vite que la vie sur l’eau coûte cher, beaucoup plus que sur la terre ferme… et c’est encore pire pour les fameuses gondoles : il faut compter au minimum 80 € pour en profiter !

Même le réseau de bus sur l’eau, le fameux vaporetto, est très cher : 7,5 € le ticket pour un trajet aller (valable 75 minutes tout de même), 20 € pour un pass journée. Surtout si c’est pour se rendre dans le quartier de Ca’ d’Oro, à quelques arrêts seulement en suivant les lignes les plus directes qui suivent le Grand Canal. Après une étude approfondie de la carte assez complexe du réseau, nous découvrons la ligne 4.1 qui fait tout le tour de la ville et s’arrête au nord, juste au-dessus de l’hôtel Ca’ D’oro où nous attend une chambre. C’est un assez grand tour et il faut compter une bonne heure pour le faire, mais c’est une ligne secondaire sans hordes de touristes qui offre quelques points de vue remarquables, notamment sur la place Saint-Marc et le palais des Doges. C’est aussi une bonne manière de rentabiliser le ticket et d’éviter les lignes touristiques qui font la même chose, mais beaucoup plus cher. Seule étape manquante dans ce trajet, le grand Canal précisément, mais comme on passe son temps à le côtoyer à pied, ce n’est pas une grande perte, sans compter qu’il est toujours bondé et pas forcément très agréable.

Ce petit tour est un moyen original de découvrir la ville, et notamment des quartiers moins connus. Tout le trajet n’est pas intéressant et la partie au nord, anciennement militaire, n’est pas des plus passionnantes. Mais c’est une idée que je recommande, d’autant que l’on croise les Vénitiens dans leur transport public très original, beaucoup plus lent que les nôtres, mais aussi plus agréables. La maîtrise technique des pilotes est exceptionnelle, ils se faufilent sans peine entre les gondoles et les autres bateaux et ils arrivent à freiner à la dernière minute pour se positionner précisément sur les quais le plus vite possible. Pour les amateurs de bateaux, c’est une expérience à vivre.

La véritable carbonara

Le débat a déchiré la France, que dis-je, le monde : la recette de la sauce carbonara telle qu’on la pratique dans l’Hexagone ne serait pas l’originale, venue d’Italie bien sûr. Il fallait en avoir le cœur net, et à peine les pieds posés sur le sol bien humide de Venise, nous nous sommes mis en quête d’une bonne tratoria pour goûter la vraie recette. L’hôtel nous ayant recommandé le Vecia Cavana qui a l’avantage d’être à deux pas et loin des touristes, c’est là que nous nous sommes rendus pour la dégustation.

Pour nous Français, la carte d’un restaurant italien a de quoi perturber. Ça part dans tous les sens, de l’antipasti aux plats, en passant par les pâtes au milieu. On s’y perd un petit peu, et surtout, les tarifs vénitiens font mal au porte-monnaie. Comptez une vingtaine d’euros par étape, sachant qu’il y en a quatre dans le menu traditionnel complet, la note s’annonce vite salée. C’est le cas dans toutes les bonnes adresses, et les seuls restaurants qui proposent des menus affichent aussi leurs plats en photo sur la carte, et ne cachent même pas qu’il s’agit de proposer des plats « touristiques » à la qualité douteuse. Néanmoins, on est venu goûter la pasta, la vraie et on choisit des lasagnes et surtout les fameuses pâtes carbonara.

carbonara

Effectivement, c’est autre chose. Réalisées sans la moindre trace de crème, uniquement avec de la pancetta et du jaune d’œuf, les pâtes à la carbonara constituent un plat très simple qui fait des merveilles en bouche. La pâte faite maison est cuite al-dente naturellement, ce qui permet à l’assiette de garder un peu de mâche. La sauce est bien enveloppante et elle a un goût très marqué, bien relevé par le parmesan et le poivre, tandis que la charcuterie ajoute de la profondeur. C’est simple, mais c’est excellent et on en reprendrait bien… ce qui n’est vraiment pas raisonnable sur le plan de la ligne.

PS : si vous n’avez pas de vrai restaurant italien près de chez vous, la recette originale, énoncée avec humour.

Visiter la place Saint-Marc

La place Saint-Marc est un incontournable quand on va à Venise. Mais quel que soit le temps, ce lieu mythique est bondé de touristes, souvent venus en groupes compacts. Il faut faire la queue pour visiter le palais des Doges et la basilique et dès que le soleil arrive, les terrasses des cafés tout autour sont bondées et les orchestre font résonner la place de musiques classiques ou d’une ambiance jazzy (sans oublier les nuées de pigeon qui ont fait la réputation de la ville). C’est un peu cliché, mais on aurait tort de ne pas y passer une fois au moins pendant le séjour.

Le palais des Doges se visite très bien quand il pleut, même si vous ne serez alors pas seuls : comptez une bonne demi-heure d’attente à l’entrée, et il faudra composer avec les centaines de visiteurs qui seront avec vous dans chaque pièce. Profitant du beau temps, nous sommes revenus le lendemain pour admirer la place et le meilleur point de vue est certainement celui que l’on a depuis les terrasses de la basilique. Il faut également patienter pour entrer et après avoir monté un escalier aussi étroit que vertical, on doit encore payer 5 € par personne, mais ça les vaut. En haut, on découvre toute la place, une partie du palais des Doges et la lagune devant, mais aussi l’intérieur du monument, avec un point de vue sur les immenses mosaïques bien meilleur que ce que l’on peut avoir d’en bas. Et pour le même prix, on a aussi un musée assez complet avec les vrais chevaux qui surplombent la place depuis le XIIIe siècle.

Pour manger, ce ne sont pas les restaurants qui manquent autour de la place, mais les prix ne sont hélas pas proportionnels à la qualité des mets servis, sans compter qu’il y a énormément de monde. Pour bien déjeuner, mieux vaut prendre le temps de s’éloigner un peu et en à peine cinq minutes vers l’est, on tombe rapidement sur le Venise typique, loin des foules et des rues étroites, pleines de petites adresses traditionnelles.

C’est en déambulant totalement au hasard dans le quartier que nous sommes tombés sur l’osteria Ai Assassini. En théorie, ces lieux sont censés ne servir que du vin et des en-cas, mais c’est en fait un vrai restaurant, sans carte traduite dans 25 langues et sans menu touristique. Un bon point, d’autant que notre serveur parlait très bien le français, lui, et a pris le temps de nous expliquer une bonne partie des plats. Particularité supplémentaire, le menu change tous les jours, avec un thème à chaque fois. Le lundi, par exemple, c’est viandes blanches, alors que le poisson est servi le vendredi. Avantage de cette méthode, il n’y a rien de congelé, alors que c’est fréquent ailleurs2. On a aussi quelques plats incontournables, dont les pâtes bien sûr, qui présentent l’avantage d’être très bon marché.

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On reste ainsi dans le classique, avec des gnocchis maison qui fondent en bouche et qui sont accompagnés d’une délicieuse sauce au gorgonzola. Les fusilli bucati sont également très réussis, avec du speck et un peu de crème — ça ressemble à la carbonara, mais ça n’a rien à voir, évidemment. À défaut de tester sur le plat, on expérimente un dessert vénitien moins connu que le mythique tiramisu : des gâteaux secs, parfois nommés baicoli, que l’on trempe dans un verre de vin pétillant et très fruité. Dans notre cas, le breuvage avait un goût marqué de fraise et l’association avec les biscuits est surprenante, mais en laissant suffisamment tremper, c’est assez bon. On finit le repas avec un espresso comme seuls les Italiens savent en faire, et on part sur une note plutôt légère : moins de 60 € à deux, avec un très bon verre de vin rouge local pour chacun.

Une pizza près du Rialto

Le pont du Rialto qui enjambe le Grand Canal est le plus vieux de Venise, mais c’est aussi l’une des principales attractions touristiques de la ville. Autant dire qu’il y a toujours énormément de monde, mais l’endroit est en plein chantier actuellement. On ne voit malheureusement rien du tout quand on est dessus, et surtout l’immense pub qui le recouvre quand on est à côté. C’est dommage, même si le lieu mérite le détour, ne serait-ce que pour l’enfilade de palais de part et d’autre du canal.

Qu’à cela ne tienne, on n’était pas venu pour regarder le pont, mais pour manger. Et pour rester dans les clichés, pourquoi ne pas opter pour une pizza ? Tous les restaurants en zone touristique en proposent, mais elles sont souvent médiocres et les adresses plus confidentielles affichent même leur absence à la carte comme un argument. Après quelques recherches rapides, nous jetons notre dévolu sur Antico Forno, qui n’est pas une pizzéria où l’on peut s’assoir et manger, mais une toute petite boutique de rue, où l’on emporte des parts de pizzas.

La devanture ne paye pas de mine et de toute manière, on ne voit pas grand-chose avec le monde qui s’amasse devant. Mais frayez-vous un chemin et vous découvrirez une dizaine d’immenses pizzas découpées en parts prêtes à être réchauffées minute dans le four, et emportées. On peut manger sur place, mais il faudra le faire debout et jouer des coudes. Sinon, le Grand Canal est à quelques pas et on peut facilement s’asseoir au bord et déguster les pizzas, le tout pour un prix imbattable étant donné le lieu. Avec quatre belles parts et deux bouteilles d’eau, nous n’étions qu’à 15 € et il y avait de quoi faire, sur le plan des quantités.

Quant à la qualité, elle est incontestablement au rendez-vous. Les pizzas sont soit avec une pâte fine, si fine que l’on dirait une crêpe, soit avec une pâte épaisse, mais qui est croustillante et très légère à la fois. Une réussite dans les deux cas, tout comme les garnitures, bien fraiches, savoureuses et convaincantes qu’elles soient traditionnelles — quatre fromages, margharita, etc. — ou plus originales. Nous avons ainsi goûté une pizza blanche très surprenante, avec des endives et de lardons, un mélange amer qui fonctionne à merveille. On pourrait reprocher à ces parts de pizza leur gras, mais elles sont si bonnes qu’on oublie vite les doigts plein d’huile à la fin…

Un Spritz dans la rue

La vie dans les rues de Venise ne s’arrête pas avec la fermeture des boutiques de souvenirs. Le soir, quand les touristes ont déserté, la ville s’anime et ses habitants prennent l’apéro, souvent directement dans la rue ou sur les places. Et en général, c’est un verre de Spritz qu’ils ont à la main. Ce cocktail reste extrêmement populaire encore aujourd’hui et il se remarque facilement à sa couleur rouge ou orange très marquée. Sa composition de base est la même partout : un alcool amer — du Campari ou de l’Aperol selon que l’on aime vraiment l’amertume ou que l’on cherche un peu de sucre —, du Prosecco et de l’eau pétillante, une olive au bout d’une pique. Les proportions varient d’un lieu à l’autre, ainsi que l’alcoolémie, mais c’est un cocktail qui reste assez léger et qui se boit bien.

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Pour tester un vrai apéritif vénitien, direction Al Mercà, à deux pas du pont du Rialto. Cette toute petite échoppe où l’on n’entre pas à plus de deux ou trois propose une large sélection de vins au verre, et le fameux Spritz, proposé ici avec ou sans vin pétillant, et plus ou moins sucré ou amer selon les goûts. La recette est réalisée en un mouvement devant vos yeux, sans aucun appareil de mesure : ici, tout est dans le coup de main. Et pour l’accompagner, une sélection de petits pains fourrés à la charcuterie ou au fromage, ainsi que des boulettes de viandes ou de thon.

On commande, on paye au comptoir et on part avec ses verres et ses assiettes pour boire et manger… où l’on peut à vrai dire. Il n’y a aucune salle, uniquement la place à côté où les habitués se tiennent en général debout, à discuter en groupes. L’unique tonneau offre un semblant de support, mais c’est un lieu où l’on sirote dans la rue. Et pour un prix très modeste — comptez 3 € pour le verre de Spritz, et moins de 2 € par accompagnement —, on a effectivement de la qualité. La boisson est amère, mais dans la version avec Aperol, l’amertume est compensée par le sucre et l’équilibre est parfait. Les petites bouchées sont très simples et réalisées précisément, comme souvent dans la cuisine italienne. Bref, l’idéal pour entamer une soirée avant un repas !

Une osteria à ne pas rater

Rendons à César… l’idée de prendre un Spritz au Al Mercà, puis de manger à l’osteria Sacro e Profano à deux pas de là, nous a été suggérée par l’émission Très Très Bon, lors d’un épisode consacré à Venise. Et quelle bonne idée : après l’apéritif, ce tout petit restaurant coincé dans une minuscule ruelle sombre, loin des regards des touristes alors qu’il est en plein dans un quartier touristique, est un passage obligé pour découvrir la gastronomie vraiment vénitienne. Ici, pas de menus traduits, mais une feuille de papier où les plats proposés chaque jour sont listés à la main… heureusement que le serveur parle couramment français pour les explications !

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On attaque le repas comme il se doit avec un verre de Prosecco et une assiette de tapas à l’italienne. Ces bouchées sont toutes assez simples, mais très bien réalisées : il y a de la morue dans sur un peu de pâte feuilletée, ou de la brandade sur un morceau de fromage. Il y a un assemblage complexe avec un cœur d’artichaut, un morceau de charcuterie et un autre fromage. Plus loin, on a une tartine à la courge très relevée. Et au milieu, des bouchées, dont une brochette de petits beignets à la menthe, un vrai délice. Le tout est souvent très original pour nous, bien équilibré en termes de saveur et le vin pétillant passe tout seul avec ces mises en bouche.

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On poursuit avec des plats indéniablement italiens. D’un côté, des cannelloni ricotta/épinard, un classique exécuté à la perfection et très savoureux. De l’autre, une assiette plus typique de Venise, avec de la morue cuite au four et servie écrasée sur quelques morceaux de polenta durcie. C’est un peu gras (très gras, en fait, le fond de l’assiette baignait dans l’huile), mais le goût est au rendez-vous, avec de l’ail qui relève le tout. Le poisson se suffit à lui-même et les accompagnements servent avant tout de supports pour la déguster. Le tout nous a été servi avec un verre d’un excellent vin blanc local, avec des saveurs douces bien différentes de celles que l’on a l’habitude de boire en France.

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Comment finir ce repas en beauté, sinon avec du tiramisu ? D’après nos voisins de table américains, c’est le meilleur de la ville, rien de moins. À défaut de les avoir tous goûtés, on peut dire que cette version du dessert italien le plus connu est succulente, avec des biscuits bien imbibés, un bon goût de liqueur de café et une crème au mascarpone aérienne. Ce n’est sans doute pas très léger, mais qu’est-ce que c’est bon… et ça passe tout seul avant deux espressos.

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Pour tout cela, on laisse environ 90 €, une belle somme, mais on le fait sans regret, tant la cuisine est bonne et le cadre agréable, surtout si vous pouvez profiter de la petite ruelle, parfaite pour offrir un peu de fraicheur quand le temps devient chaud et lourd. Et on a l’assurance d’avoir mangé une cuisine vraiment vénitienne, au-delà des pizzas et des pâtes.

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  1. Au bout de trois jours, mon Apple Watch a comptabilisé près de 55 000 pas et pas loin de 40 km de marche. Et encore, nous avons pris le temps de profiter et ménagé quelques pauses tous les jours… 
  2. Et au passage, les restaurateurs sont obligés d’indiquer clairement sur leur carte tout ce qui est congelé. Une bien bonne idée, qui gagnerait à être adoptée en France…