Dans la mythologie Marvel, Venom est l’un des ennemis les plus redoutables qui affrontent Spider-Man. Au cinéma, on a déjà croisé ce personnage noir dans le troisième volet de la trilogie de Sam Raimi, une première incursion forcée par la production et pas vraiment à la hauteur de son potentiel. Depuis, Sony qui possède toujours les droits sur cet univers espérait bien faire revivre cet hybride entre un homme et un extra-terrestre et c‘est ainsi que le projet a finalement abouti sur ce Venom. L’idée originale a été revue et modifiée de nombreuses fois, ce qui est rarement un bon signe, et malheureusement, cette naissance difficile se retrouve dans le résultat final. Ruben Fleischer, auteur de l’excellent et hilarant Bienvenue à Zombieland, est derrière les caméras et on espérait un blockbuster qui ne se prendrait pas trop au sérieux, pourquoi pas une comédie même. Il reste des traces de ce potentiel ici ou là, mais Venom est un film super-héros extrêmement premier degré, sans intérêt et qui parvient à éviter l’ennui uniquement par sa brièveté. À oublier.
Venom doit introduire un nouveau personnage, c’est un passage obligé pour tout super-héros et cela peut être l’occasion d’un film passionnant. D’autant que ce personnage est plus complexe que la moyenne, c’est un ennemi dans les comics, il n’est pas là pour faire le bien, puisqu’il affronte Spider-Man, après tout. Sa noirceur ne se résume pas au teint de sa peau, c’est un anti-héros et en fait le personnage principal du film est un pari intéressant, en tout cas sur le papier. Pour l’introduire, Ruben Fleischer prend son temps, même si dans ce film, rien n’est innocent et tout ce qui déroule à l’écran a un sens. Ainsi, le vaisseau spatial qui s’écrase sur la terre au début du film est évidemment lié à la suite. On découvre des êtres filandreux, une vision originale d’une forme de vie extra-terrestre et l’un des rares bons points du film. L’une de ces créatures s’échappe dans l’accident et elle prend possession d’une femme… mais l’introduction retourne vite à San Francisco, où l’on découvre Eddie Brock, journaliste qui a dénoncé de nombreux scandales dans la ville. Quand sa chaîne lui demande d’aller interviewer le docteur Carlton Drake, un milliardaire qui essaie de conquérir l’espace tout en guérissant le cancer, il ne peut s’empêcher de l’interroger sur une polémique qu’il ne peut pas prouver. Ce qui lui vaut de perdre son emploi, la femme qu’il allait épouser, son appartement, bref tout. Tout ceci est assez détaillé et il se passe un long moment avant qu’Eddie devienne aussi Venom et que le film puisse enfin faire valoir son principal argument.
Quand l’extra-terrestre prend possession du journaliste, les deux êtres cohabitent au sein du même corps. Eddie entend souvent la voix de celui qui est entré en lui, il ne contrôle plus toujours ses mouvements et il a des réactions anormales, comme lorsqu’il va chercher des os de poulet dans sa poubelle pour manger. C’est dans ces moments-là que Venom laisse transparaître le plus ce que le film aurait pu être, une comédie sous-jacente qui n’émerge jamais vraiment. Très investi dans ce rôle, Tom Hardy semble toujours prêt à aller sur ce terrain et on sait d’ailleurs que l’acteur y a été, mais que le montage a largement modifié ses performances. Est-ce la vision du réalisateur ou bien la reprise en main des producteurs après le tournage, qui ont réussi à imposer leur vision avec un montage différent ? Quoi qu’il en soit, le produit final à l’écran n’a rien à voir avec cette possibilité visible ici ou là. Faute d’une comédie, Ruben Fleischer offre un blockbuster très premier degré, très sérieux et franchement pas très intéressant. Le scénario ne surprend jamais, on peut toujours deviner ce qui se passe ensuite et on n’est, hélas, jamais déçu. Fort heureusement, Venom est plutôt court au regard des standards du moment et on n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer. Mais rien ne va, à part Tom Hardy, les autres acteurs ne sont pas dans leurs personnages et ils ne semblent pas y croire. La bande-originale est d’un ennui abyssal et même si les effets spéciaux sont parfois très convaincants — les symbiotes en particulier sont très réussis —, le rendu cartoon de Venom et de son opposant ne colle pas du tout avec le sérieux de l’ensemble. C’est sans doute l’un des problèmes lié aux multiples réorientations du projet, et c’est vraiment dommage de ne pas avoir parié sur le second degré qui semblait si naturel dans cet univers, et avec ce personnage.
Sony ne s’est pas contenté d’un spin-off de la saga Spider-man, le studio a de grandes ambitions dans l’univers Marvel. Venom est censé être le premier volet d’une nouvelle saga qui piochera dans le catalogue de personnages secondaires associés à celui de l’araignée. Le tout, sans toucher à la saga principale gérée par Marvel Studios directement, évidemment. À en juger à ce premier volet, on ne placera pas beaucoup d’espoir dans cette idée. Mais au fond, c’est probablement cette volonté d’utiliser l’univers au maximum qui a condamné Venom à être le résultat médiocre qu’il est. S’il n’y avait pas eu cet objectif de poursuivre avec d’autres films pour former une saga cohérente, peut-être que Ruben Fleischer aurait pu développer l’humour noir du personnage. Et éviter au passage cette fin grossière où Venom devient un super-héros ordinaire, capable lui aussi de faire le bien…