La Villa, Robert Guédiguian

Contrairement à la majorité des réalisateurs, Robert Guédiguian n’a jamais caché ses idées politiques. Au contraire même, il a souvent revendiqué son communisme et utilisé ses films pour les développer. On peut vraiment parler d’artiste engagé et ce n’est pas un problème en soi, sauf quand cela conduit ses œuvres à tomber dans les clichés et la caricature facile. C’était déjà le cas quand il parlait de résistants, c’est toujours le cas dans sa dernière réalisation, un film plus intime tourné avec ses acteurs les plus fidèles. La Villa pourrait être une sorte de huis-clos passionnant, dans cette calanque près de Marseilles qui fonctionne comme un monde à part. Sauf que l’engagement politique est constamment là, il revient en force dans chaque dialogue et chaque position des personnages. C’est lassant et cela nuit au projet, qui ressemble exactement à ce que certains personnages dénoncent : le discours d’un vieil homme qui regrette le passé. Décevant.

Angèle n’est pas revenue dans la villa de son enfance depuis plus de vingt ans, depuis que sa fille est morte noyée dans les eaux de cette calanque où son père a fait construire une maison. Un infarctus l’oblige à rentrer, pour régler les affaires et notamment savoir ce qu’il faut faire de cette grande villa désormais bien vide. Armand, son frère, est resté pour maintenir le restaurant ouvrir du paternel. Quant à Joseph, il mène une vie malheureuse à Paris et il est de retour avec sa petite amie, une de ses étudiantes qui ne l’aime plus vraiment. Le cadre est posée, La Villa ne quittera jamais cette calanque et ses quelques habitants à l’année. C’est un coin extrêmement calme, bien loin de l’agitation estivale que l’on devine aux installations chargées de contenir les touristes. Robert Guédiguian revendique cette idée que ce cadre fermé est comme un théâtre, avec les maisons qui entourent la mer qui font office de balcons. Un choix assumé, qui explique aussi le rôle d’Angèle, actrice de théâtre classique, et qui permet au cinéaste de glisser des tirades ici ou là. C’est un premier cliché que le long-métrage ne cherche jamais à éviter. Ici, le réalisme des dialogues n’a aucune importance, pas plus que le jeu d’acteurs. Tout cela peut être sacrifié au nom d’une bonne phrase ou d’une citation d’un auteur classique. C’est dommage, d’autant que le casting est par ailleurs bon et cohérent pour chaque rôle. Ariane Ascaride, qui a fait la moitié de sa carrière au cinéma avec Robert Guédiguian, est à l’aise, tout comme Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan, deux autres habitués. La mise en place de ce microcosme fonctionne bien et même s’il y a quelques lourdeurs avec des retours dans le passé au style empesé1. Ces histoires de famille, les engueulades liées à l’héritage à venir, les accusations sur la mort de l’enfant, tout cela était bien suffisant pour remplir un très bon film. Malheureusement, la politique rode et le réalisateur ne peut pas s’empêcher de convoquer le modèle communiste, à préserver à tout prix contre la modernité. Cette villa pourtant luxueuse représente le passé idyllique, où l’argent, les touristes et les étrangers n’avaient pas encore tout pourri. C’est ce que dit explicitement l’un des personnages, mais c’est aussi ce que dit le film en allant systématiquement dans ce sens. L’objectif des trois enfants est uniquement de perpétuer le modèle de leur père, et le scénario abuse d’idées caricaturales pour illustrer le bien fondé de leur quête. Entre ce suicide des voisins qui ne peuvent plus payer leur loyer, et le rôle des enfants migrants sur la fin, La Villa n’hésite jamais à enfiler de gros sabots pour marteler son message.

On imagine sans peine qu’il y a beaucoup de Robert Guédiguian dans cette fraternité et qu’il partage les motivations de ses personnages. Encore une fois, le problème n’est pas tant que le réalisateur ait des convictions à défendre, mais plutôt qu’il le fait au détriment de son film. La Villa essaie tellement de convaincre ses spectateurs qu’il les prend pour des débiles. C’est grossier et finalement pas si intéressant qu’on pouvait l’espérer…


  1. Avec une étonnante exception… une séquence dans le passée avec le trio d’acteurs qui est plus vraie que nature. Et pour cause, c’est un extrait de l’un des premiers films du cinéaste, Ki Lo Sa ?, tourné en 1985. Même casting, même cadre : les conditions étaient réunies pour un flashback réussi…