S’il se passe quelque chose, Vincent Dedienne à la Salle Rameau (12 mars 2016)

S’agit-il d’un one-man-show, se demande l’artiste sur scène quasiment dès la première minute de son spectacle. L’air de rien, cette question traverse et agite S’il se passe quelque chose, la première création de Vincent Dedienne, et cette question n’est pas aussi innocente qu’elle n’en a l’air. Car le jeune comédien, formé pendant trois ans au théâtre classique, n’est pas un comique comme les autres. Certes, il est seul sur scène, il enchaîne quelques sketchs, interprète des personnages et se met à nu — littéralement — devant ses spectateurs. Mais en même temps, sa formation reste présente d’un bout à l’autre et il est capable de faire rire avec une blague un peu grasse, autant qu’avec une citation d’un classique, ou le jeu d’un acteur de la Comédie française. Le grand écart, voilà bien le moteur de ce spectacle inclassable, très drôle, à voir !

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Après une citation auditive qui pose la question de l’autobiographie Vincent Dedienne se met à nu pour nous raconter sa vie. De fait, il arrive même devant les spectateurs totalement nu, traverse la scène et va s’habiller rapidement avant de commencer à parler. Une façon très littérale de poser l’idée de base de ce genre surtout littéraire, mais adapté ici pour le théâtre. Ainsi, S’il se passe quelque chose raconte l’histoire de la vie de son auteur, une vie relativement courte puisqu’il n’a même pas trente ans, mais qui suffit largement à occuper le spectacle. Pourquoi ce sujet ? Eh bien, personne ne l’avait exploité sur scène !, remarque malicieusement le jeune comique qui commence par une série de questions/réponses, et par quelques faits. Date et lieu de naissance, mensurations variées… on a une fiche technique aussi précise qu’impersonnelle pour commencer. Mais à partir de là, l’artiste s’ouvre et nous livre ce qui compose sa personnalité, de son enfance solitaire à la découverte de la comédie quand il regarde pour la première fois une VHS de Muriel Robin à 7 ans. À partir de là, écriture d’un premier spectacle donné à 14 ans1, puis une formation jusqu’aux années en école pour apprendre le théâtre classique, bien éloignée de son intérêt pour l’humour. Tout cela est raconté à peu près dans l’ordre, mais pas de manière très rigoureuse. Vincent Dedienne préfère prendre son temps, poser des personnages secondaires, comme ce vendeur de jeux de société qu’il aurait pu devenir, ou encore cette séquence absurde et hilarante à Pôle-Emploi. Il navigue constamment d’un genre à l’autre, peut faire rire aux éclats la salle entière sur une blague débile, enchaîner sur une citation pointue, créer un malaise avec une réflexion si personnelle qu’elle prend au dépourvu, émouvoir avec un clin d’œil vers son passé, faire attendre en expliquant qu’il faut maintenir le rythme du spectacle, etc. Comment résumer S’il se passe quelque chose ? C’est un spectacle très bien écrit, maîtrisé, mais qui donne en même temps le sentiment d’être une improvisation totale.

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À l’heure des bilans, on retient surtout ce sentiment d’avoir vu un spectacle inclassable. Oui, il y a des éléments qui rattachent S’il se passe quelque chose au one-man-show, c’est indéniable, mais cela ne suffit pas à résumer tout ce que fait Vincent Dedienne. Il y a aussi des éléments de théâtre plus traditionnel, ne serait-ce que dans la façon d’aborder les rôles, ou bien dans l’importance du mime et de sa logique. Et puis c’est aussi une autobiographie, au sens très littéraire du terme : est-ce un hasard qu’il y ait autant de citations de grands auteurs ? Certainement pas, mais le comique va piocher un petit peu partout sur scène, probablement comme dans la vie de tous les jours. À cet égard, son premier passage seul face à un public n’est pas seulement très drôle, il est aussi touchant.

Vincent Dedienne est toujours en tournée dans toute la France (sauf à Mâcon) avec son spectacle.


  1. C’est sans conteste le moment le plus surprenant du spectacle. Quand on voit le jeune Vincent Dedienne jouer l’un de ses sketchs et que l’on découvre un humour déjà si mature et si proche de ce qu’il est aujourd’hui… cela force le respect de constater qu’il a, au fond, suivi la même voie toutes ces années.