Les Voyageurs du temps, Brad Wright (Netflix)

Le voyage temporel est un classique de la science-fiction, un sujet qui passionne tous les auteurs depuis des décennies, et pour de bonnes raisons. C’est une idée intéressante, elle ouvre de nombreuses opportunités pour des histoires complexes et des jeux intéressants sur les paradoxes qu’un voyage temporel implique, tout en offrant un angle nouveau sur le passé, le présent ou le futur. Comme son titre français l’indique bien, Les Voyageurs du temps repose entièrement sur cette idée en imaginant que des hommes et des femmes sont envoyés depuis le futur pour corriger les erreurs du présent. C’est l’idée même de Terminator et la série de Brad Wright ne prétend pas à la palme de l’originalité, mais ce point de départ est surtout une excuse pour imaginer un feuilleton plein de rebondissements et plaisant à suivre. Les Voyageurs du temps n’est pas parfaite, mais la première saison passe rapidement et elle reste divertissante jusqu’au bout.

Le pilote de la série commence sur une touche très mystérieuse. On assiste au décès de plusieurs personnes et à une forme de résurrection, en tout cas à une survie après l’heure de la mort et un changement de personnalité. Les scénaristes ont alors l’excellente idée de ne pas trop en dévoiler immédiatement et de laisser les spectateurs dans le brouillard dans un premier temps. L’épisode suffit néanmoins à poser les bases de l’univers : dans Les Voyageurs du temps, une technologie du futur permet d’envoyer une conscience humaine dans le corps d’un humain du passé à condition de connaître très précisément les détails de sa mort. À partir de l’heure et du lieu du décès, une technologie permet de transmettre la conscience pour remplacer celle du mourant quelques secondes en avance. C’est une manière originale d’introduire le concept de voyage temporel et c’est indéniablement la meilleure idée de la série portée par Netflix. Une fois que le voyageur débarque dans le passé, il doit s’acclimater avec une époque qu’il ne connaît pas, un monde avec lequel il n’a absolument rien en commun. Ce point est classique dans le genre, en revanche le scénario a une corde supplémentaire à son arc. Puisque les voyageurs remplacent des personnes qui ont existé, ils doivent aussi se fondre dans la peau d’un autre personnage, souvent au sein de familles pré-existantes. L’un doit découvrir une femme et apprendre à l’aimer, l’autre doit composer avec ses parents et la mauvaise réputation de son hôte, tandis que cette voyageuse découvre que son corps est mourant. Les Voyageurs du temps exploite toutes les combinaisons possibles et prend un malin plaisir à brouiller les cartes. Ainsi, le lycéen de 17 ans1 est en fait le plus vieux de tous dans le futur et sa sagesse est en décalage avec son corps. Plus tard, un informaticien extrêmement aguerri, l’un des créateurs du programme qui permet le voyage temporel, atterrit dans le corps d’un vieux fermier. Ce décalage est fun et l’un des plaisirs de la série est de voir évoluer ces personnages étonnants, où le physique n’est pas souvent représentatif de ce qu’ils sont vraiment.

Ces bonnes idées posées, Les Voyageurs du temps est aussi une série d’action assez classique, sans véritable profondeur, mais avec un réel plaisir du feuilleton à l’ancienne. Les douze premiers épisodes avancent rapidement, on ne s’ennuie jamais et les rebondissements s’enchaînent à vive allure, jusqu’au dernier volet qui se termine évidemment sur une grosse surprise. Le scénario n’est pas très intelligent, on reste dans un cadre très conventionnel tout en exploitant assez bien les paradoxes temporels. Par leurs actions, les héros modifient le futur sans nécessairement le savoir, mais ils remettent par la même occasion leur propre combat en cause. À partir du moment où le futur désastreux pour lequel ils se battent n’est plus celui qu’ils ont connu, pourquoi se battre encore ? Et leur combat dans le présent ne signifie-t-il pas leur disparition, s’ils effacent par leur action leur propre existence ? C’est bien mené à défaut d’être novateur et on espère que les prochaines saisons enrichiront encore cet aspect de la série. Les Voyageurs du temps pourrait aussi corriger quelques défauts et facilités, qui s’accumulent un petit peu dans le dernier tiers de la saison. Les personnages principaux s’en sortent parfois trop facilement et les scénaristes choisissent à plusieurs reprises des voies trop simples, pour ne pas dire simplistes. La série de Brad Wright devra de toute manière se renouveler pour ne pas tourner en rond, cette saison a sans doute fait le tour de tout ce que l’on pouvait imaginer pour présenter le concept des hôtes et du transfert de l’âme.

En attendant d’en savoir plus, la première saison mérite d’être regardée si vous aimez la science-fiction en général et les voyages temporels en particulier. Les Voyageurs du temps n’est pas très originale et la série n’est pas toujours parfaite, indéniablement. Elle est suffisamment courte et rapide toutefois pour que ces défauts ne pèsent pas trop et elle se regarde ainsi avec plaisir. Ça ne suffira pas à en faire une grande série, mais attendons de voir ce que Brad Wright fera ensuite pour en juger…


Les Voyageurs du Temps, saison 2

(19 janvier 2018)

La première saison posait un concept de science-fiction déjà vu ailleurs, mais à défaut d’être originale, Les Voyageurs du Temps s’imposait comme un feuilleton sympathique. Malheureusement, la suite dérape et la deuxième saison peine à passionner, quand elle n’ennuie pas tout simplement ses spectateurs. La faute à plusieurs erreurs que l’on peut résumer en un scénario qui ne semble avoir aucune bonne idée, à part son point de départ. Même si la fin rattrape un petit peu cette mauvaise impression et donne envie d’en voir un petit peu plus, Les Voyageurs du Temps reste dans l’ensemble poussive et on voit mal comment une nouvelle saison pourrait redresser le tir.

Brad Wright donne le sentiment d’avoir eu un bon concept de base et c’est tout. Le créateur de la série a eu l’idée du transfert de conscience depuis le futur et comme on le constatait dans la première saison, ce n’était l’idée la plus originale qui soit, mais elle reste intéressante. Les décalages attendus entre le futur et le présent sont bien exploités et même partiellement renouvelés par l’adaptation nécessaire à une famille existante. Bref, c’est un point de départ intriguant, mais ce n’est pas plus et il fallait une bonne histoire derrière pour tenir la distance. Les Voyageurs du Temps tentait de le faire avec cette idée d’une faction dissidente qui vient aussi du futur pour arrêter le Directeur et ses voyageurs. Ce n’était pas très convaincant toutefois et malheureusement, ce n’est pas mieux dans la deuxième saison. Les scénaristes en ont sans doute senti eux-mêmes que ce n’était pas suffisant, alors ils ont ajouté un nouveau personnage, mais ils ont oublié de l’exploiter. Vincent Ingram, le tout premier voyageur, forme un méchant intéressant, quoi qu’assez caricatural, mais il n’est quasiment jamais utilisé, sauf à la toute fin. La série regagne alors en intérêt, sauf que c’est un peu tard. D’autant qu’entre temps, on a plusieurs épisodes pas très réussis ou carrément ratés, à l’image du septième, basé sur l’idée d’une boucle temporelle qui pourrait bien fonctionner si elle était bien exécutée. À la place, on a le sentiment pénible de voir un épisode vide et on s’ennuie ferme, même s’il ne dure qu’une quarantaine de minutes.

Autant dire que le bilan est très mitigé pour cette nouvelle saison et franchement, pour la série toute entière. Les Voyageurs du Temps n’a jusque-là pas réussi à créer des personnages intéressants et Brad Wright a épuisé très rapidement son idée de base, si bien qu’il ne reste pas grand-chose pour intéresser le spectateur. Heureusement que l’ultime épisode apporte quelques révélations qui donnent envie d’en savoir plus, mais cet épisode aurait dû être le premier de la saison, pas le dernier. Il y a peut-être un espoir que Les Voyageurs du Temps s’améliore sur cette base, mais c’est tout de même mal parti…


  1. Qui semble en avoir au moins dix de plus à l’écran. Pourquoi est-ce que la fiction a autant de mal à trouver des adolescents pour incarner des adolescents ? Ça n’est sûrement pas si compliqué que cela, et la fiction gagnerait en réalisme…