Wall Street, Oliver Stone

Avec Wall Street, Oliver Stone nous plonge dans l’univers sans pitié de la finance des années 1980, un âge d’or pour des financiers avides, prêts à tout pour récolter les millions sans se soucier de la casse qu’ils peuvent provoquer. Ce long-métrage permet aussi à Michael Douglas d’exprimer toute l’amplitude de son talent et l’Oscar reçu dans la foulée, le seul de sa carrière d’ailleurs n’était certainement pas démérité. Sans être très original, le cinquième long-métrage du réalisateur est parfaitement mené et il met en scène des personnages mémorables, ce qui explique probablement sa durée dans le temps. Près de trente ans après sa sortie, Wall Street n’est toujours pas dépassé et même si la bourse a bien changé, les manipulations des puissants en arrière-plan n’ont jamais été autant d’actualité. Un classique !

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Le long-métrage ne perd pas de temps et nous plonge dès le départ dans le quotidien de Bud Fox, un courtier de Wall Street. La première scène dans les bureaux de l’entreprise qui l’emploie est déstabilisante : tout le monde parle dans tous les sens, la caméra passe d’un poste à l’autre avec des mouvements saccadés. Oliver Stone parvient très bien à rendre le chaos de ce monde, tout en soulignant déjà que des grosses sommes d’argent se déplacent dans tout ce bazar. Wall Street suit le parcours de cet homme, présenté comme plutôt malheureux au départ. Il faut dire que Buddy n’a pas le meilleur boulot, puisqu’il passe ses journées à appeler de riches Américains pour les convaincre d’acheter des actions. Son rêve ? Travailler aux côtés de Gordon Gecko, légende du milieu qui a amassé une fortune grâce à son sens aiguisé de la bourse et des actions. Notre héros l’appelle tous les jours pour tenter d’obtenir une entrevue et peut-être un poste, et l’intrigue se met justement en place quand, profitant de l’anniversaire de son idole, il parvient à obtenir un rendez-vous. C’est alors que la machine infernale imaginée par le scénario se met en place : interrogé par Gordon Gecko sur des coups à faire, Bud glisse une information que venait de lui donner son père, syndicaliste pour une compagnie aérienne locale. Avec ce premier coup, il obtient un droit d’entrée dans le clan Gecko et découvre vite la triste vérité : les meilleurs dans ce domaine trichent. C’est la grande idée de Wall Street, qui montre bien comment il faut tricher et obtenir des informations par des voies détournées pour « faire des coups » qui rapportent. Dès lors que Bud entre en contact avec Gordon, il n’arrête plus de se renseigner par des voies détournées et profiter de ces informations — on parle de délit d’initié dans le milieu —, ou a à manipuler les cours de la bourse en incitant tout le monde à parier pour, ou contre, une action.

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Très bien renseigné, Wall Street peut faire office de cours de bourse pour les nuls, mais Oliver Stone ne se contente pas de décrire un milieu, il le dénonce aussi. La documentation rassemblée est indiscutable et pleinement exploitée, avec des dialogues notamment qui enchaînent les termes techniques, non pas gratuitement, mais bien pour faire avancer l’intrigue. Et dans un premier temps, le long-métrage se range totalement derrière l’admiration de son personnage principal : Bud veut appartenir à ce monde, il est prêt à tout pour y entrer et il est bon, ce qui ne gâche rien. Le cinéaste ne prend pas immédiatement position et préfère laisser les spectateurs s’enthousiasmer avec le jeune homme et ses dollars dans les yeux. Par ailleurs, il est présenté par le scénario comme un excellent courtier, dont le talent est gâché par la firme qui ne l’emploie qu’à appeler des personnes âgées et riches, pour leur vendre des actions médiocres. En comparaison, Gordon Gecko apparaît comme cet homme génial, qui a tout réussi dans la vie et qui mène la vie parfaite à laquelle aspire le héros… et peut-être aussi le spectateur. Il faut dire que dans cette opération de séduction, Wall Street peut compter sur le talent de Michael Douglas, parfait dans ce rôle de courtier prêt à tout pour réussir, manipulateur et sans cœur. Un personnage qui fait froid dans le dos et qui ne se révèle que progressivement. Oliver Stone fait basculer son intrigue lorsque Gordon décide de détruire la compagnie aérienne apportée sur un plateau par son jeune poulain. Bud Fox voulait aider son père tout en s’enrichissant, mais il finit par lui nuire en menaçant son emploi, sa carrière, bref, sa vie. C’est le point de bascule dans le long-métrage et le moment où l’on voit le personnage principal sous un autre œil. C’est aussi à cet instant que Bud se rend compte qu’il a abandonné son vrai père au profit de Gordon, père adoptif qu’il aurait rêvé avoir dans un premier temps. Cette idée est au cœur du film et le choix de Martin et de Michael Sheen pour incarner le père et le fils est intéressant à cet égard. Comment ne pas croire à ce duo père/fils autant devant les caméras que dans la vie ? Ils sont parfaitement crédibles et apportent beaucoup au projet.

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Wall Street mérite tout à fait son statut de film culte. Oliver Stone a parfaitement réussi à plonger ses spectateurs dans un univers particulier et à nous y faire adhérer pour mieux le dénoncer dans un deuxième temps. Alors même que c’est un film contemporain — sorti en 1987 aux États-Unis, il se déroule en 1985 —, il prend suffisamment de recul pour comprendre l’époque et ses dérives. Le long-métrage bénéficie par ailleurs du talent de ses acteurs et en particulier Michael Douglas, éclatant et inoubliable dans le rôle de Gordon Gecko. Bien des années après, sa prestation se revoit avec toujours autant de plaisir !